FISCALITÉ ET COMPÉTITIVITÉ
M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour une question brève, car le groupe RPR ne dispose plus que de quatre minutes.
M. Lionnel Luca. Monsieur le premier ministre, il y a quelques semaines, notre collègue Philippe Briand vous a interrogé sur le choix du nouveau groupe industriel Renault-Nissan de se doter d'un statut de droit néerlandais pour diriger depuis les Pays-Bas la stratégie de la nouvelle alliance au niveau mondial.
Vous ne lui avez pas répondu, pas plus que vous ne nous aviez répondu quand nous vous avions interpellé sur le rapprochement entre l'Aerospatiale et DASA pour former la société EADS, qui est maintenant de droit néerlandais.
Aujourd'hui, c'est la Bourse de Paris qui, dans le cadre d'Euronext, abandonne le droit français pour être régie, elle aussi, par le droit néerlandais.
Je vous repose donc la question, en espérant cette fois-ci une réponse claire, d'autant plus que le ministre de l'économie vient de déclarer qu'« il fallait renforcer la compétitivité de l'économie française »,...
M. Philippe Auberger. Très bien !
M. Lionnel Luca. ... tout en dénonçant certaines rigidités.
M. Philippe Auberger et M. Bernard Accoyer. Très bien !
M. Lionnel Luca. Allez-vous laisser longtemps encore les entreprises françaises s'exiler vers des pays plus attractifs sans réagir ?
Quand prendrez-vous les mesures nécessaires pour adapter notre droit et notre fiscalité à la concurrence internationale et faire de notre pays aussi un pays attirant pour les entreprises étrangères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Merci, monsieur Luca, pour la brièveté de votre question.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie. Monsieur Luca, je vais vous répondre rapidement puisque M. le président m'invite à le faire.
Votre préoccupation d'ensemble sur la compétitivité est tout à fait bienvenue, mais les deux exemples que vous avez cités ne sont pas, et je vais essayer de le montrer, probants.
Considérons le dernier en date : Renault-Nissan. Pourquoi cette société, non pour des raisons fiscales, ni pour la dimension de son activité, mais pour des raisons juridiques, a-t-elle été localisée aux Pays-Bas ? Parce que, disons les choses telles qu'elles sont, la législation actuelle des Pays-Bas ne permet pas d'offre publique d'achat sur les sociétés qui y sont localisées. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
On pourrait dire : après tout, faisons la même chose en France ! (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)
M. Jean-Pierre
Soisson. C'est vrai, nous avons assez de diplômés pour cela !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous voulons avoir une vision européenne et, puisque vous connaissez bien le sujet, vous devez savoir que les dispositifs qui existent actuellement aux Pays-Bas sont contestés par la Commission européenne dans le cadre de ce que l'on appelle le « code de bonne conduite ». Il est probable qu'à terme ils soient supprimés afin d'aboutir à un ensemble européen homogène. C'est ainsi qu'on défend la compétitivité de la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe
Auberger. La directive sur les OPA n'a pas été adoptée ! Vous dites n'importe quoi !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur le fond, on ne pourra pas contester que l'opération de restructuration qui a abouti à la constitution d'EADS permet à un groupe qui était à l'époque le deuxième du monde de devenir, par ses choix et ses marchés aéronautiques, probablement le premier.
Au moment où l'accord concernant Renault-Nissan a été conclu, j'ai entendu beaucoup de commentaires qui reflétaient un manque d'information. Pour ma part, je considère qu'une entreprise à base française, que l'on disait, il y a quelques années, moribonde, prend aujourd'hui le contrôle d'un des plus grands groupes japonais (« C'est le contraire ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), en détenant majoritairement 44 % du capital : avec le groupe PSA, cette entreprise devient l'une des six ou sept sociétés automobiles qui resteront dans le monde et elle défend d'une certaine manière de la compétitivité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)