FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 31236  de  M.   Mariani Thierry ( Rassemblement pour la République - Vaucluse ) QE
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  14/06/1999  page :  3573
Réponse publiée au JO le :  09/08/1999  page :  4881
Rubrique :  ministères et secrétariats d'Etat
Tête d'analyse :  intérieur : personnel
Analyse :  protection juridique. conditions d'attribution
Texte de la QUESTION : M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les modalités de prise en charge par son ministère des frais d'avocats et de justice afférents à la défense d'un ou de plusieurs fonctionnaires lorsque ces derniers ont commis une faute lourde détachable de l'exercice normal du service. Il souhaiterait notamment connaître très précisément les textes légaux et la jurisprudence administrative qui sont applicables dans pareil cas. Enfin, il souhaiterait savoir si les fonctionnaires du ministère de la défense peuvent se prévaloir des mêmes textes et de la même jurisprudence. Dans la négative, il lui demande les raisons qui pourraient expliquer une telle distorsion de traitement.
Texte de la REPONSE : Le ministre de l'intérieur fait connaître à l'honorable parlementaire que les fonctionnaires bénéficient, du fait de leur appartenance à la fonction publique, d'un certain nombre de protections dont la prise en charge, par leur ministère, de leur protection juridique, par le biais, entre autres, de la prise en charge des frais d'avocat et de justice afférents à leur défense devant les juridictions. A ce titre, l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que : « Les fonctionnaires bénéficient à l'occasion de leurs fonctions d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale ». Ce texte traite de plusieurs problèmes différents qui ont trait à : la protection du fonctionnaire contre les conséquences pécuniaires de ses fautes de service ; la protection du fonctionnaire contre les menaces et les attaques dont il peut être l'objet à l'occasion de ses fonctions ainsi que la réparation de son préjudice ; la protection du fonctionnaire poursuivi pénalement pour des faits qui ne sont pas constitutifs de fautes personnelles. D'une façon générale, la jurisprudence considère que la protection est un droit pour les fonctionnaires (C.E. 14 février 1975, Paul Teitgen, L. p. 112 ; Sect. 24 juin 1977, Dame Deleuse, L. p. 293). La jurisprudence considère ainsi que les dispositions législatives établissent à la charge de l'Etat ou des collectivités publiques intéressées et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques relatives au comportement qu'ils ont eu dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection. L'administration ne peut donc se soustraire à cette obligation, s'agissant par exemple d'un fonctionnaire qui fait l'objet de poursuites pénales, que si aucune faute personnelle détachable du service n'est en l'espèce relevée. La jurisprudence a donc été amenée à définir ce qui pouvait être qualifié de faute personnelle. Il convient de préciser ici que la distinction entre faute personnelle détachable ou non du service est ancienne, et ne concerne pas que le problème de la protection juridique et est issue d'une longue jurisprudence. Par faute personnelle, au sens de la jurisprudence, il faut entendre, par exemple, l'accident de la circulation causé par un agent alors qu'il utilisait en dehors du service, pour des fins personnelles, la voiture du service dont il était le conducteur (C.E. Ass. 28 juillet 1951, Laruelle, L. p. 464) ; des détournements de fonds (C.E. 7 juillet 1954, Monsaingeon, A.J.D.A. 1954, P. 384) ; des propos injurieux tenus à l'égard d'un collègue au cours d'une réunion de service (T.C. 26 octobre 1981, préfet des Bouches-du-Rhône L. p. 657) ; des brutalités ou violences physiques commises par un brigadier de police à l'encontre d'une personne appréhendée et conduite au poste de police (T.C. 25 février 1922 Immarigeon c/Perrin, L. p. 185). Il ajoute que cette notion de faute personnelle est complexe puisque la jurisprudence a été amenée à considérer que la faute personnelle d'un agent public pouvait engager la responsabilité de l'administration dès lors qu'elle n'est pas dépourvue de lien avec le service (C.E. Ass. 26 octobre 1973, Sieur Sadoudi, A.J.D.A. 1973, p. 577 et 606). Bien que l'administration soit indépendante par rapport au juge pénal quant à l'appréciation des faits, il est de jurisprudence constante que cette indépendance trouve sa limite dans la constatation par le juge répressif de l'existence ou de l'inexistence des faits par un jugement définitif (C.E. 25 juin 1952, Moizant L. p. 332 ; 22 mai 1981 Min. des Universités, D. 1982, I.R. 27). De plus, l'évaluation de la gravité des faits est une condition qui est également nécessaire afin de permettre à l'administration d'accorder ou de refuser la protection à son fonctionnaire. En ce sens la Haute Assemblée a été amenée à considérer que l'administration était tenue d'accorder sa protection statutaire au fonctionnaire victime d'attaques, même si le comportement de celui-ci n'a pas été entièrement satisfaisant (C.E. 24 juin 1977, Dame Deleuse, L. p. 293). Enfin, la protection du fonctionnaire peut être refusée sur le fondement d'un motif d'intérêt général limité et impérieux, que la jurisprudence administrative a systématiquement recherché lorsqu'elle a été amenée à statuer sur des refus d'accord de protection juridique (pour des exemples à contrario voir C.E. 14 février 1975, Paul Teitgen précité ; 16 décembre 1977, Sieur Vincent, A.J.D.A. 1978, p. 577, conclusions Denoix de Saint-Marc). Si l'intérêt général ne peut être justifié par l'administration, la juridiction administrative condisère que l'administration se doit de rembourser les frais d'avocat engagés par le fonctionnaire devant une juridiction judiciaire si le fonctionnaire n'a pas été indemnisé par cette même juridiction (C.A.A. de Paris, 10 novembre 1990, Chavant, L. p. 840). L'accord ou le refus d'accorder le bénéfice de la protection juridique à un fonctionnaire dépend donc, d'une part, de l'existence effective des faits qui lui sont reprochés, d'autre part, de la qualification qui pourra être donnée à la faute commise (personnelle détachable du service, personnelle non dépourvue de tout lien avec le service, de service) ainsi que de la gravité de cette dernière, et enfin d'un motif d'intérêt général qui pourrait éventuellement être retenu par l'autorité compétente. En tout état de cause, dans l'hypothèse où l'administration aurait accordé la protection juridique à un fonctionnaire alors que le jugement définitif, qui aurait été rendu par la suite, permettrait de démontrer que les faits commis étaient constitutifs d'une faute personnelle détachable du service, cela l'autoriserait à intenter une action récursoire à l'encontre du fonctionnaire afin d'obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la protection (C.E. 28 juillet 1951, Laruelle et Delville, L. p. 464). Le ministre de l'intérieur ajoute enfin que l'autorité compétente pour statuer sur une demande de protection est celle dont relève l'agent, et, par voie de conséquence, il ne lui appartient donc pas, en l'absence d'indications précises et rigoureuses sur les dossiers individuels d'agents n'étant pas placés sous son autorité, d'apprécier la position prise par un autre ministre concernant les agents de son administration.
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