FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 313  de  M.   Bouvard Michel ( Rassemblement pour la République - Savoie ) QOSD
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  29/04/1998  page :  3202
Réponse publiée au JO le :  06/05/1998  page :  3372
Rubrique :  tourisme et loisirs
Tête d'analyse :  équipements
Analyse :  construction. parcs nationaux. zones de montagne
Texte de la QUESTION : M. Michel Bouvard appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les problèmes des équipements touristiques indispensables au développement économique et à l'emploi dans les régions de montagne et aux contraintes posées pour la réalisation de ces équipements par la législation et la réglementation en vigueur pour les parc nationaux. Aussi lui demande-t-il quelles mesures elle entend prendre afin de permettre l'indispensable développement économique de nos zones de montagne.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Michel Bouvard a présenté une question, n° 313, ainsi rédigée:
«M. Michel Bouvard appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les problèmes d'équipements touristiques indispensables au développement économique et à l'emploi dans les régions de montagne et aux contraintes posées pour la réalisation de ces équipements par la législation et la réglementation en vigueur pour les parcs nationaux. Aussi lui demande-t-il quelles mesures elle entend prendre afin de permettre l'indispensable développement économique de nos zones de montagne.»
La parole est à M. Michel Bouvard, pour exposer sa question.
M. Michel Bouvard. Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ma question concerne Bonneval-sur-Arc, en Haute-Maurienne, qui est quasiment le seul village de la région à avoir échappé à la fureur dévastatrice des Allemands en 1944. Jusqu'à une période récente, cette station village a poursuivi un développement maîtrisé, respectueux de l'environnement et du patrimoine architectural. Avec à peine 1 500 lits, Bonneval-sur-Arc, qui souhaite ne pas céder à la tentation d'un urbanisme qui dénaturerait son caractère, a donc besoin d'un apport quotidien de clientèle pour équilibrer le financement de ses remontées mécaniques et favoriser l'activité des commerçants et des moniteurs de ski. La saison d'hiver reste, en effet, le moteur de l'économie de la commune et permet le maintien de la population.
Cette clientèle quotidienne est constituée non seulement de personnes se rendant en voiture ou en car à la journée dans la station, notamment le week-end, mais aussi de skieurs en provenance de la station de Val-d'Isère utilisant depuis l'origine un itinéraire skiable passant par le parc de la Vanoise. Il y a plusieurs années déjà, le village de Bonneval a exprimé le souhait de réaliser un équipement léger de remontée mécanique sur une infime portion de territoire du parc national afin de faciliter le retour des skieurs de Val-d'Isère.
Ce souhait est conforme à la délibération du conseil municipal du 21 mai 1962 qui donna son accord au classement d'une très grande partie du territoire communal dans le parc national de la Vanoise, alors premier Parc national français en cours de constitution. L'accord était, en effet, assorti de différentes réserves et prévoyait notamment la possibilité d'implanter des remontées mécaniques de liaison entre le village de Bonneval-sur-Arc et le col de l'Iseran.
Or, malgré cette réserve figurant dans la délibération d'origine, l'administration du ministère de l'environnement a fait connaître son opposition à ce projet, au motif qu'il était situé sur le territoire du parc national. Pourtant, celui-ci comporte déjà plusieurs équipements de remontées mécaniques.
Dès 1993, la commune de Bonneval a donc proposé au parc une modification de ses limites avec l'apport au parc national de territoires de très grande qualité écologique permettant, en échange du déclassement du petit territoire concerné par le projet en question, un accroissement du domaine du parc national. Mais cette proposition a été repoussée par le ministre de l'environnement de l'époque, Michel Barnier, bien qu'elle ait reçu le soutien de nombreux spécialistes de l'environnement et que la loi le permette, puisque les limites des parcs ne sont pas intangibles.
La commune de Bonneval, en liaison avec Val-d'Isère, a alors étudié le principe d'une liaison souterraine dont les accès se situent en dehors des limites du parc.
Le Conseil de l'Europe, qui délivre le label européen aux parcs nationaux et dont j'ai ici l'avis du 24 juillet 1990, avait également été questionné sur le principe de la liaison terrestre dans le parc. Et il a, quant à lui, encouragé cette solution de liaison souterraine par funiculaire en tunnel traversant le parc sous terre sans affecter son intégrité. Le responsable du conseil de l'Europe à même jugé cette solution prometteuse.
La commune a donc sollicité le parc national sur ce projet. Son directeur s'est retourné vers la direction de la nature et des paysages qui vient de faire connaître au maire de Bonneval-sur-Arc son opposition à ce projet qui serait contraire à l'article L. 241-1 du code rural étendant au tréfonds les règles de protection de la faune et de la flore !
Dans le même temps, le Parc national de la Vanoise vient d'interdire le transport des skieurs en hélicoptère pour assurer la liaison entre Bonneval et Val-d'Isère qui était pourtant en place depuis de nombreuses années. Or, cette décision s'est traduite, dès cette saison, par une perte de recettes évaluée à 300 000 francs minimum pour les remontées mécaniques et proche de 400 000 francs pour les commerçants et restaurateurs du village, sans parler de la perte de clientèle pour les moniteurs de ski.
Face à cette situation interdisant toute liaison effective des domaines skiables, la commune de Bonneval-sur-Arc, afin de sauvegarder son tourisme et l'emploi, risque d'être obligée d'accepter un développement immobilier qui changerait la nature de ce village qui a toujours souhaité être exemplaire en matière d'environnement. Dans une autre hypothèse, elle pourrait être confrontée au déclin progressif des activités et au départ d'une population soumises à des conditions de vie très rudes à plus de 1 800 mètres d'altitude en fond de vallée, avec très souvent, d'ailleurs, des accès coupés durant l'hiver. Les premiers touchés seront les agriculteurs pour lesquels le tourisme et la pluriactivité qui en découlent sont indispensables à la sauvegarde de leur exploitation.
Dans ces conditions, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage d'autoriser la liaison souterraine indispensable au développement touristique maîtrisé du village étant précisé que cette liaison préserve l'intégrité du parc national de la Vanoise et que plusieurs structures souterraines existent déjà dans le parc, notamment les captages d'EDF pour les stations de pompage. Madame la ministre, vous l'aurez compris, l'enjeu est important pour la population de ce petit village de montagne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, il y a loin de la brève question de sept lignes que vous m'aviez soumise au long et vibrant plaidoyer que vous venez de faire en faveur du développement de Bonneval-sur-Arc !
Je veux bien, avec vous, rappeler que ce village a joué un rôle majeur dans la création du Parc national de la Vanoise et qu'il est un haut lieu de la protection de la nature dans le premier parc national français. Cette commune, située à l'extrémité de la vallée de la Maurienne, souhaite donc pérenniser son développement économique en établissant une liaison, que vous qualifiez d'indispensable pour les skieurs, avec la commune de Val-d'Isère à travers la zone centrale du parc de la Vanoise.
Mais le projet de remontée mécanique a été refusé par Michel Barnier, quand il était ministre de l'environnement, pour deux raisons.
D'une part, modifier les limites d'un parc national nécessite une nouvelle enquête publique qui entraîne à cette occasion une renégociation globale sur la définition de l'ensemble de la zone centrale. Faute de consensus et constatant la mobilisation importante de l'opinion publique et de la FRAPNA, la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, il n'avait pas jugé utile d'ouvrir le débat sur les limites du parc.
D'autre part, le retour des skieurs sur Bonneval se serait effectué à travers une zone d'hivernage particulièrement importante pour la grande faune sauvage - chamois, bouquetins -, qui est un des éléments essentiels de la diversité biologique de ce milieu et de l'attrait de la clientèle d'été pour le territoire du Parc national de la Vanoise. Le passage incessant des skieurs perturberait d'une façon extrêmement forte les populations animales dans leur nourrissage et provoquerait un dépérissement certain des troupeaux de chamois et de bouquetins, alors que l'objectif initial de création du parc et tous ses efforts depuis trente-cinq ans ont porté sur l'augmentation du cheptel qui se répand actuellement dans les massifs avoisinants. Sans l'action du Parc national de la Vanoise et du parc italien du Grand Paradis, le bouquetin aurait disparu.
De plus, le Conseil de l'Europe a assorti le renouvellement du diplôme européen du Parc national de la Vanoise, le 19 juin 1996, de deux conditions: l'intangibilité des limites du parc et la non-autorisation de remontées mécaniques. Il avait également recommandé de prendre les mesures nécessaires pour éviter le dérangement de la faune par le ski hors piste, notamment.
Enfin, vous signalez, monsieur le député, que d'autres remontées mécaniques existent dans la zone centrale du parc. Celle de la Grande Motte sur le territoire de la commune de Tignes préexistait. Son maintien a fait partie des subtils équilibres qui ont permis la création du parc. Une autre a été établie sur le glacier de Val-Thorens pour le ski d'été à la fin des années 60. Elle n'existe d'ailleurs plus et avait donné lieu à «l'affaire de la Vanoise» et à un vaste mouvement de protestation en 1970, année au cours de laquelle une enquête publique provoquée par Georges Pompidou avait recueilli 500 000 signatures défavorables à l'installation de remontées mécaniques.
Il ne saurait donc être question de revenir sur la décision de Michel Barnier, élu, comme vous-même, du département de la Savoie.
Quant au projet de passage en souterrain, présenté par la commune de Bonneval, sachez que l'entrée de ce tunnel ne saurait être située dans le périmètre du parc.
Seul pourrait, éventuellement, correspondre à cet objectif, un tunnel reliant le coeur du village de Bonneval à celui de Val-d'Isère, en passant très en dessous du parc national et à condition d'interdire le retour des skieurs par les pentes sud du col de l'Iseran où hivernent les animaux.
Cependant, on ne peut cacher les difficultés techniques liées à l'ampleur de l'ouvrage, à son coût exorbitant et à la géologie du substrat. C'est pourquoi il me semble particulièrement difficile de soutenir un tel projet.
Je reste néanmoins à votre disposition, monsieur le député, pour examiner des projets novateurs susceptibles de consolider l'attractivité touristique et les activités économiques qui font de Bonneval-sur-Arc un précieux modèle de la possible harmonie entre environnement et activité humaine.
Vous m'avez enfin interrogée sur la récente interdiction du transport de skieurs par hélicoptère entre Bonneval-sur-Arc et Val-d'Isère.
J'ai, en effet, demandé au préfet de faire cesser le survol du Parc national de la Vanoise, à l'issue de la saison et sans provoquer de drame.
D'abord, ces aéronefs ne respectent pas la règle de survol à une altitude supérieure à mille mètres du sol de la zone centrale, contrevenant ainsi au décret de création du parc dont l'objet était justement d'éviter les nuisances sonores qui perturbent gravement le comportement des animaux.
Ensuite, le préfet de l'Isère avait été saisi par de nombreux habitants des communes de Bonneval et de Val-d'Isère, gênés par le bruit des rotations d'hélicoptères: jusqu'à quatre-vingts mouvements par jour en mars et avril 1997. Les habitants de Val-d'Isère viennent d'ailleurs de lui faire part de leur satisfaction devant cette décision qui a diminué considérablement le trafic, bien que les compagnies de transport utilisent maintenant illégalement l'hélisurface du Collet de la Madeleine. En effet, la réglementation générale du transport en hélicoptère précise qu'une hélisurface ne peut être utilisée qu'à titre occasionnel et non de façon permanente, comme cela est le cas pour transporter des skieurs.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Madame la ministre, autant je partage la plupart de vos conclusions s'agissant des liaisons terrestres, autant je pense que la réflexion mériterait d'être poursuivie sur les liaisons héliportées, même s'il est évident qu'il faut éviter qu'elles deviennent anarchiques et faire en sorte qu'elles respectent la réglementation.
Je tiens surtout à vous remercier de ne pas rejeter définitivement l'idée de liaison souterraine. J'ai bien compris qu'il subsistait certaines contraintes, mais je relève, de manière positive, que l'on n'oppose plus le code rural à un projet de ce type. Puisque vous vous êtes déclarée prête à une discussion sur les différents moyens d'assurer la survie et le développement de ce village, je serais très heureux de pouvoir, avec le maire de Bonneval, rencontrer votre équipe et vous-même, si vous le voulez bien, à ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne voudrais pas, monsieur le député, vous avoir donné l'impression que j'était prête à rediscuter du tunnel, car tel n'est pas le cas. En effet, je ne dispose pas, dans mon ministère, des moyens financiers considérables qu'il serait nécessaire de mobiliser, ne serait-ce que pour la phase des études.
Par ailleurs, je ne pense pas que cela corresponde tout à fait aux besoins de cette commune qui jouit d'un capital d'estime très fort, d'une image intacte, et qui devrait fonder son développement économique sur d'autres aspects que la banalisation et l'asservissement à une certaine conception du ski de consommation.
Cela étant je demeure effectivement à votre disposition pour examiner, avec vous, d'autres modalités.
En ce qui concerne le survol par hélicoptère, nous avons déjà fait preuve d'énormément de patience et un travail de pédagogie active a été mené par le préfet et par les services de l'Etat en direction des praticiens de l'héliportage. Ces efforts pédagogiques visant à trouver les voies d'un compromis n'ayant été suivis d'aucun effet réel sur le terrain - la réalité ayant au contraire été un renforcement de l'activité et une augmentation du nombre des rotations - je n'envisage pas le moins du monde de revenir sur la décision ferme et définitive qui a été prise avec le soutien d'une bonne partie de la population.
RPR 11 REP_PUB Rhône-Alpes O