FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 3155  de  M.   Mariani Thierry ( Rassemblement pour la République - Vaucluse ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  13/12/2001  page : 
Réponse publiée au JO le :  13/12/2001  page :  9280
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes. application
DEBAT :

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

    La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe du RPR.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre,...
    M. Charles Miossec. Absent !
    M. Thierry Mariani. ... la semaine dernière, deux jeunes passeuses de drogue ont été arrêtées en possession de neuf kilos de cocaïne. Placés en garde à vue, puis mises en examen, 137elles ont par la suite été remises en liberté. Ce qui était prévisible est arrivé : elles ont, bien sûr, disparu.
    M. Jean-Claude Lenoir. C'est scandaleux !
    M. Thierry Mariani. Pendant la même période, deux violeurs interpellés ont, eux aussi, été libérés.
    Je pourrais citer bien d'autres exemples préoccupants pour la sécurité des Français.
    Ceux-ci ont raison d'être inquiets du fonctionnement de notre justice pénale qui ne remplit plus la mission qui est la sienne. De plus un véritable sentiment d'impunité chez les délinquants ne cesse, hélas ! de progresser. D'ailleurs, en matière de justice pénale, 83 % de plaintes ne sont-elles pas désormais classées sans suite ?
    Il apparaît, à l'évidence, que la loi dite « Guigou » ne fait qu'accroître ce malaise et progresser la paralysie de la justice et les dysfonctionnements dans la police. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Du reste, nous n'avons pas voté ce texte (« C'est faux ! » sur les mêmes bancs), estimant que, faute de moyens, cette loi serait inapplicable.
    Vous seul, monsieur le Premier ministre, persistez à ne pas reconnaître le caractère inadapté de certaines dispositions de la loi Guigou.
    Mme Nicole Bricq. La question !
    M. Thierry Mariani. Vous tergiversez, vous demandez à l'un de vos amis politiques d'enquêter, de faire un rapport : tout cela, une fois de plus, pour gagner du temps, donner le change et ne pas reconnaître que vous avez fait voter une loi dont certaines dispositions sont aujourd'hui inapplicables. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ma question est simple, et je pense qu'elle intéresse non seulement les policiers et les magistrats mais aussi tous les Français : quand proposerez-vous les adaptations nécessaires à cette loi ? Nous attendons aujourd'hui un engagement précis quant aux dates. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
    Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous savez que lorsque j'estime que l'institution judiciaire ne remplit pas ou remplit mal sa mission, je le dis et j'en tire les conséquences qui s'imposent. Je l'ai toujours fait, comme ma prédécesseure.
    Vous avez cité deux exemples, mais ne trouvez-vous pas curieux, monsieur le député, la multiplication des critiques émises à l'encontre de décisions de justice, critiques qui ne s'appuient d'ailleurs, en tout et pour tout, que sur trois cas, nombre qui doit être comparé à celui des décisions qui sont prises en matière pénale ?
    Ne trouvez-vous pas, en tant que parlementaire votant des textes importants, qu'un tel comportement peut parfois ressembler à une campagne de déstabilisation injuste et dangereuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Demandez aux Français ce qu'ils en pensent !
    Mme la garde des sceaux. C'est en tout cas ce que ressentent et vivent la plupart des magistrats qui se sont exprimés à ce sujet.
    M. Pierre Lellouche. C'est vous qui êtes déstabilisée, pas la justice !
    Mme la garde des sceaux. Non, monsieur Lellouche, et je ne vous ferai pas l'affront de lire ici vos diverses déclarations car je ne les ai pas avec moi.
    M. Jean-Louis Debré. C'est une menace ? Du chantage ?
    Mme la garde des sceaux. La question qui nous est posée est relativement simple. Sur l'ensemble des bancs de cette assemblée, comme sur ceux du Sénat, vous avez estimé, en commun, que la détention provisoire était beaucoup trop appliquée en France et qu'une telle situation était inacceptable. Au demeurant, vous l'avez écrit dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les prisons. Vous avez estimé qu'il fallait remédier à cette situation et que nous devions, en la matière, rejoindre le niveau moyen des pays européens : c'est ce que nous avons fait grâce à la loi présentée par Elisabeth Guigou et que vous avez largement approuvée, même si certains d'entre vous ont estimé que nous n'allions pas assez loin.
    M. Jean-Louis Debré. Nous n'avons pas voté la loi !
    M. Claude Goasgen. Il n'y a pas assez de moyens !
    Mme la garde des sceaux. Je vous répète ce que j'ai indiqué la semaine dernière, ici et ailleurs. Les postes nécessaires ont été créés, sauf dans deux cas : la juridictionnalisation des peines et l'appel en cour d'assises, qui résultaient d'amendements proposés et votés par la majorité sénatoriale. Or nous ne pouvions pas anticiper des créations de postes découlant du vote d'amendements d'origine sénatoriale.
    Depuis, 300 postes supplémentaires par rapport aux prévisions ont pu compenser les manques. Il ne s'agit donc pas d'une question de moyens, mais d'une question de fond sur le contenu d'un texte. Rien n'empêche que nous examinions de près les procédures relatives aux gardes à vue, ainsi que les problèmes auxquels sont confrontées la police ou la gendarmerie, en particulier pour les arrestations en nombre lorsqu'il s'agit de bandes - et c'est à cette tâche que s'est attelé Julien Dray. Quant à Christine Lazerges, elle mène en parallèle une mission sur le fond de la loi.
    S'il faut procéder à des ajustements, nous les proposerons, mais accordez-nous au moins quatre semaines de délai pour effectuer ce travail.
    Prenez tout de même en compte, monsieur le député, le fait que cette loi fait honneur à notre pays (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et, par pitié, ne déstabilisez pas sa justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

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