Texte de la QUESTION :
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M. André Aschieri souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation engendrée par la prestation compensatoire en matière de divorce. La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 traitant du divorce prévoit l'institution d'une prestation compensatoire. Cette loi aboutit aujourd'hui à de nombreuses situations d'injustice du fait de ses effets pervers. En effet, la mise en pratique de ce dispositif soulève deux interrogations principales. Tout d'abord, ce régime ne tient pas compte des changements de situation qui peuvent survenir. Une fois la prestation définie, elle ne supporte aucune révision (article 273 C Civil) ce qui met parfois les citoyens dans des situations qui ne leur permettent plus, ou presque, de faire face à leurs dépenses quotidiennes une fois la pension versée. Par ailleurs, elle empêche les citoyens désireux d'officialiser leur union libre de concrétiser leur souhait du fait des conséquences du régime de l'héritage. En effet, le compagnon du débiteur se retrouve, en cas de décès, dans l'obligation de continuer à verser la prestation compensatoire pour une personne avec qui il n'a aucun lien (article 276-2 C Civil). Ce même devoir est transmis aux enfants de cette deuxième union. Il s'avère, de plus, que dans certains cas l'ex-époux(se) après un remariage se trouve dans une situation bien plus enviable que celle du débiteur. Il souhaiterait connaître quelles mesures elle envisage de prendre pour remédier à cette situation.
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Texte de la REPONSE :
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la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'un certain assouplissement des conditions de mise en oeuvre de la prestation compensatoire, notamment de sa révision, actuellement posées par la loi, paraît en effet s'imposer eu égard au contexte socio-économique, sans qu'il y ait lieu, cependant, de revenir à un régime comparable à celui des pensions alimentaires préexistant à la réforme de 1975, dont les inconvénients ont été unanimement dénoncés. Lors de la discussion au Sénat des deux propositions de loi de MM. About et Pages relatives à la prestation compensatoire, le 25 février 1998, le Gouvernement a déposé différents amendements en ce sens, abordant les problèmes fréquemment dénoncés de la transmissibilité de la charge de la rente aux héritiers du débiteur. Ces amendements n'ont toutefois pas été adoptés par la Haute Assemblée. Les réflexions engagées à ce sujet à la Chancellerie se sont poursuivies au sein du groupe de travail pluridisciplinaire, installé le 31 août 1998, sous la présidence de Mme Dekeuwer-Defossez, chargé de présenter des propositions de réforme du droit de la famille d'ici le 15 septembre 1999. Il apparaît souhaitable d'attendre les résultats des travaux du groupe avant d'engager la réforme du dispositif en vigueur. C'est en effet dans le cadre d'une étude globale de l'ensemble des questions liées au divorce et à ses conséquences pécuniaires que doit être recherchée une solution tendant à remédier aux difficultés posées par la législation en vigueur relative à la prestation compensatoire. Outre la question de la révisibilité et de la transmissibilité de la rente, le groupe de travail a intégré dans sa réflexion les moyens propres à favoriser le versement de la prestation compensatoire en capital, le cas échéant sous forme d'annuités dont le versement est limité dans le temps ainsi que la question délicate de l'éventuelle déductibilité de la pension de réversion du montant de la prestation compensatoire. En revanche, il semble difficile de systématiser la suppression de plein droit de la prestation compensatoire en cas de remariage de son bénéficiaire. Une telle solution méconnaîtrait en effet le pouvoir d'appréciation du juge en fonction des circonstances de l'espèce. De plus, la prestation compensatoire est une indemnité forfaitaire versée pour compenser, dans la mesure du possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des conjoints. En instituant la prestation compensatoire, le législateur a voulu que les effets pécuniaires du divorce soient réglés une fois pour toute lors du prononcé de celui-ci. Pour cette raison, la prestation doit en principe être versée en capital et ce n'est qu'à titre subsidiaire, lorsque l'allocation d'un capital n'est pas possible, qu'une rente peut être attribuée. Dès lors, il serait peu justifié que la rente cesse d'être versée de façon automatique en cas de remariage de son créancier. Il paraît également difficile de rendre la prestation compensatoire dans tous les cas intransmissible alors que le créancier est le plus souvent une femme qui s'est consacrée pendant de longues années à l'éducation des enfants et qui, au moment de la séparation, peut ne pas être en mesure de retrouver du travail et d'assurer son autonomie financière.
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