FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 3217  de  M.   Roman Bernard ( Socialiste - Nord ) QG
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  16/01/2002  page : 
Réponse publiée au JO le :  16/01/2002  page :  465
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  magistrats
Analyse :  indépendance
DEBAT :

DÉMISSION DU JUGE HALPHEN

    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste.
    M. Bernard Roman. Madame la garde des sceaux, la démission d'un juge (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) n'est jamais un acte anodin. La démission du juge Halphen...
    M. Charles Cova. Nous ne le pleurerons pas !
    M. Bernard Roman. ... est un événement majeur sur lequel nous devons nous interroger, parce qu'il est révélateur, à tout le moins, d'un malaise de la justice. Du reste, de nombreux magistrats ont témoigné de leur compréhension et de leur soutien à Eric Halphen.
    M. Maurice Leroy. Il est en vacances !
    M. Bernard Roman. Madame la garde des sceaux, depuis quatre ans et demi, le Gouvernement a renforcé de manière significative les moyens dont dispose l'institution judiciaire afin de lui permettre de mener à bien sa mission.
    M. Bernard Deflesselles. Cela ne marche pas !
    M. Bernard Roman. Toutefois, nous savons que la décision d'Eric Halphen soulève d'autres interrogations. Elle pose, en particulier, avec acuité la question de l'indépendance de la justice. Et qu'il me soit permis de regretter de nouveau que la réforme engagée au cours de cette législature, qui avait précisément pour but de la renforcer, ait subi un coup d'arrêt. Faut-il rappeler que c'est la droite tout entière qui s'est opposée à la ratification par le Congrès du projet de loi constitutionnel qui aurait permis de rompre définitivement tout lien entre le pouvoir politique et la justice ?
    Madame la garde des sceaux, au-delà des efforts importants réalisés depuis quatre ans, pouvez-vous nous informer des actions que vous souhaitez développer pour assurer à la justice les conditions lui permettant de fonctionner en toute indépendance, impartialité et sérénité, afin que disparaisse dans notre pays le sentiment d'une inégalité des citoyens devant la loi, qui est la négation même de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
    M. le président. Mes chers collègues, pouvez-vous prendre vos places rapidement pour que je puisse donner la parole à Mme la ministre de la justice ?
    M. Thierry Mariani. Si ça avait été la droite, vous n'auriez pas attendu !
    M. le président. Pareil, monsieur Mariani. C'est précisément parce que je constate qu'il y a un peu de désordre du côté gauche de l'hémicycle que je le fais remarquer.
    Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Vous voulez dire que c'est la pagaille !
    M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
    Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président de la commission des lois,...
    M. Maurice Leroy. Je vous remercie de votre question. (Rires.)
    Mme la garde des sceaux. ... la démission d'un juge d'instruction n'est pas un fait anodin, même si, dans le cas que vous évoquez, il ne s'agit pas précisément d'une démission, mais d'une demande de mise en disponibilité.
    M. Michel Debré. Ça change tout !
    Mme la garde des sceaux. C'est vrai qu'il s'agit du geste personnel d'un juge d'instruction blessé dans sa vie professionnelle et dans sa vie privée : on se souvient de l'affaire Schuller-Maréchal ou du refus d'officiers de police judiciaire de l'accompagner pour procéder à une perquisition. Ces faits ont marqué ce juge d'instruction, et, je le pense, l'ensemble des juges d'instruction.
    M. Charles Cova. De gauche !
    Mme la garde des sceaux. Si je comprends son geste, je trouve qu'il est triste pour nous, mais surtout pour l'institution judiciaire.
    Cela dit, je rappelle que, en 1997, sous l'autorité de Lionel Jospin (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), Elisabeth Guigou et moi-même avons mis fin à toute instruction individuelle...
    M. Michel Debré. Ça n'a rien à voir !
    Mme la garde des sceaux. ... car il est important, pour que les citoyens aient confiance dans la justice de leur pays, qu'il ne puisse pas y avoir un lien direct entre l'instruction d'une affaire et le pouvoir politique.
    M. René André. Demandez à Destrade !
    Mme la garde des sceaux. Sans quoi risquerait de se reproduire ce que nous avons connu avant 1997 pour certaines affaires, notamment celles qui ont concerné le juste d'instruction dont il est aujourd'hui question.
    Je suis donc personnellement attachée, sous l'autorité du Premier ministre (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République), à trouver une solution institutionnelle, et à traduire dans le droit ce qui, pour l'instant, n'a qu'une existence de fait. Faut-il rappeler ici que l'institution judiciaire n'est pas un pouvoir, mais une autorité, et que, pour s'exercer, elle doit être indépendante ?
    M. Hervé de Charette. Comme le Président de la République !
    Mme la garde des sceaux. Dès le début de la prochaine mandature, il faut que puisse reprendre la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste) et faire en sorte qu'il n'y ait plus aucun lien entre les nominations et le pouvoir politique. En revanche, il faudra que soit défini un lien clair entre la Chancellerie et les parquets, entre la Chancellerie et l'institution judiciaire, pour que les instructions de politique pénale s'appliquent partout de la même façon.
    Je profite de votre question pour rendre hommage aux procureurs généraux, aux premiers présidents et aux présidents qui, ce matin, ont souligné dans leurs discours quel point l'indépendance acquise dans les faits était souhaitée en droit, pour que la justice de ce pays soit enfin une justice des citoyens, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, et qu'elle s'applique dans la sérénité, dans l'apaisement et dans le respect du droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

SOC 11 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O