FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 32254  de  M.   Lang Jack ( Socialiste - Loir-et-Cher ) QE
Ministère interrogé :  éducation nationale, recherche et technologie
Ministère attributaire :  fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation
Question publiée au JO le :  05/07/1999  page :  4065
Réponse publiée au JO le :  24/01/2000  page :  559
Date de changement d'attribution :  04/10/1999
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  relations culturelles
Analyse :  agents recrutés localement. statut
Texte de la QUESTION : M. Jack Lang attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. La France développe à l'étranger, dans le respect de la souveraineté nationale des Etats, une action de service public qui dépasse largement la diplomatie et qui concerne notamment la culture de milliers d'agents public français ou étrangers qui relèvent, pour l'essentiel, du droit public français y compris lorsqu'ils sont recrutés localement. Or, le « projet de loi tirant les conséquences de l'arrêt du tribunal des conflits du 25 mars 1996, Berkani » qui a été soumis au Conseil supérieur de la fonction publique le 12 octobre dernier, tend à inverser le régime de droit applicable aux recrutés locaux par la disposition suivante de son article 2 : « Lorsque les nécessités du service le justifient, les services de l'Etat à l'étranger peuvent faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place par des contrats de travail soumis au droit local pour exercer toute fonction concourant au fonctionnement desdits services. » Ce qui est en cause, c'est implicitement le rappel, avec l'arrêt Berkani, que les recrutés sur place relèvent de notre droit public. Ainsi, bon nombre de nos administrations se trouvent en situation de porte à faux. En effet, celles-ci ont, pour des raisons budgétaires, massivement recruté sous contrat de droit local, soit en contournant les textes applicables, soit en excluant de leur champ d'application certaines catégories d'agents publics. Ce n'est donc pas un ajustement technique qui est proposé, mais bien une modification du régime des agents publics en poste à l'étranger. Ainsi de l'exception, on veut faire la règle. Par ailleurs, il faut souligner qu'en mentionnant, sans les définir, les « personnels contractuels recrutés sur place », l'article 2 vise aussi bien les agents non titulaires que les titulaires, également recrutés localement, le cas échéant, et par la voie d'un contrat. Une telle mesure, s'agissant d'une telle masse de fonctionnaires, serait sans précédent. L'application de ce dispositif reviendrait à admettre en premier lieu que les agents participant à l'exécution directe du service public pourraient être soumis à des autorités étrangères, notamment juridictionnelles. Une telle démarche remettrait en cause les soubassements même de la conception française des services publics. Ainsi, dans le domaine de l'action culturelle extérieure de la France, ce serait une rupture radicale dans la stratégie suivie jusqu'alors. Plusieurs années ont été nécessaires aux autorités françaises pour faire admettre à l'étranger que les activités de leurs services publics culturels exprimaient l'action de l'Etat français en tant que puissance publique. La permissivité du droit international, mais aussi l'influence des concepts juridiques français à l'étranger, ont permis de soustraire, dans la plupart des cas, les services publics culturels français à l'étranger à la législation des pays sur le territoire desquels ils opéraient. C'est parce que les agents de l'Etat français sont soumis au droit public français que leurs différends avec l'administration seront soumis au juge administratif français et que le juge étranger ne connaîtra pas ces différends. Modifier cet état de fait reviendrait à ballotter, au gré des évolutions pouvant affecter les législations locales la situation juridique des agents visés par l'avant-projet de loi. Compte tenu de la régression qu'entraînerait l'adoption de cette mesure, il souhaite connaître la position du Gouvernement à ce sujet.
Texte de la REPONSE : Les agents en fonction dans les représentations françaises à l'étranger, dits « recrutés locaux », comptent, outre des étrangers, des agents de nationalité française recrutés sur place. S'agissant de ceux des services culturels à l'étranger, ils sont au nombre de 1 400, parmi lesquels 400 sont des fonctionnaires détachés, embauchés sur des contrats de travail soumis au droit local. Depuis l'arrêt « Félicien » du 7 janvier 1987, le Conseil d'Etat leur avait conféré la qualité d'agent public soumis au droit local. Cette jurisprudence a été confirmée à plusieurs reprises depuis l'arrêt « Berkani » du 25 mars 1996, qui reconnaît à l'ensemble des personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public administratif la qualité d'agent contractuel de droit public, et notamment par les arrêts « Schont » et de « Waelde » du 10 mars 1997. Dans sa rédaction d'origine, l'amendement gouvernemental au projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration n'apportait donc aucun changement par rapport à la situation juridique des intéressés. Dans sa décision « Tegos » du 19 novembre dernier, la Haute Assemblée est toutefois revenue sur cette position : considérant d'une part que le contrat de travail considéré comportait une clause attributive de juridiction aux tribunaux locaux, d'autre part que le choix de soumettre ce contrat à la loi locale résultait de la volonté commune des parties, enfin que la qualification d'agent public ne peut être retenue que lorsque les dispositions du contrat de travail ou rendues applicables aux agents confèrent un caractère public à ce dernier ou lorsque, en absence de telles dispositions, les clauses expriment le choix de la loi française, elle a conclu que, en l'espèce, il ne s'agissait pas d'un contrat de droit public et que l'agent en bénéficiant ne pouvait se prévaloir de la qualité d'agent public. Par ailleurs, il est indispensable d'avoir une gestion homogène des « recrutés locaux » quelle que soit leur nationalité, et l'application à tous du droit local semble la solution la plus appropriée. En outre, s'agissant des « recrutés locaux » étrangers, la France - qui prend en considération les conventions internationales du travail - respecte ses engagements internationaux en soumettant leurs contrats de travail à leur droit national. Elle a, par ailleurs, conclu des conventions bilatérales avec quarante-quatre pays pour réglementer le recrutement local ou encore instituer un régime de protection sociale adéquat. C'est dans cet esprit que le Gouvernement, soucieux d'apporter dans les meilleurs délais une solution à ce dossier sensible, a déposé devant l'Assemblée nationale un amendement au projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, adopté en deuxième lecture le 23 novembre dernier. Par ailleurs, conscient des difficultés soulevées par ce type de recrutement et la diversité des situations rencontrées, il s'est engagé à remettre au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la date de publication de la loi et après consultation des organisations syndicales représentatives, un rapport exhaustif sur la situation de ces personnels afin de dégager les lignes directrices d'une clarification et d'une amélioration du recrutement local. L'amendement gouvernemental évoqué ci-dessus ne change donc en rien le régime actuel des « recrutés locaux ». Bien au contraire, en consacrant la solution jurisprudentielle, il consolide la situation des agents concernés en conférant une base légale et pérenne à ces recrutements et à la loi des contrats. Cette disposition répond également aux attentes de la plupart des intéressés, qui souhaitent pouvoir bénéficier d'un emploi stable sans être soumis pour autant à une obligation de mobilité, dans la mesure où, dans l'immense majorité des cas, il s'agit de personnels résidant depuis de nombreuses années dans l'Etat où ils exercent leurs fonctions, et où se trouve par ailleurs le centre de leurs intérêts.
SOC 11 REP_PUB Centre O