Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«M. Jean-Pierre Brard attire l'attention du ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le projet de route Yélimané-Kayes. Le cercle de Yélimané au Mali est traditionnellement une région d'émigration. Les migrants de cette région sont fortement attachés au développement de leur village d'origine. Ce cercle se caractérise par un enclavement géographique important. Les migrants originaires de ce cercle tentent de compenser par leurs revenus les insuffisances naturelles. C'est un investissement humain et financier considérable qui est en majeure partie absorbé par la consommation alimentaire. Le tissu économique local, essentiellement agricole, est faible. Il n'existe que peu d'entreprises artisanales, de service ou commerciales. Toutefois, ces dernières années, un programme de développement, coélaboré et mis en oeuvre avec la ville de Montreuil, a permis des progrès importants, notamment dans le domaine de l'agriculture, lesquels se heurtent maintenant à l'absence de liaison routière. La construction d'une route reliant Yélimané à Kayes, dont on parle depuis vingt ans, en desservant le plus grand nombre de villages, sera un atout formidable pour le développement économique de ce cercle où se joue l'avenir de milliers de personnes qui tentent d'échapper à la misère. Il lui demande donc ce que prévoit le gouvernement français pour la création de cette route qui démultiplierait l'effet des coopérations existantes.» La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour exposer sa question. M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, le cercle de Yélimané au Mali est traditionnellement une région d'émigration. Les migrants de cette région sont fortement attachés au développement de leur village d'origine. Ce cercle se caractérise par un enclavement géographique important. Les migrants qui en sont originaires tentent de compenser par leurs revenus les insuffissances naturelles de leur région. C'est un investissement humain et financier considérable, absorbé en majeure partie par la consommation alimentaire. Quand je parle d'investissement humain, je pense à ces hommes qui arrivent jeunes chez nous et y demeurent, souvent dans des conditions épouvantables, pendant vingt ou trente ans, pour aider leurs familles à survire. Le tissu économique local, essentiellement agricole, est faible. Il n'existe que peu d'entreprises artisanales de service ou commerciales. Toutefois, ces dernières années, un programme de développement, coélaboré et mis en oeuvre avec la ville de Montreuil, avec le soutien du gouvernement français et de l'Union européenne, a permis des progrès importants, notamment dans le domaine de l'agriculture. Ces progrès se heurtent mainenant à l'absence de liaison routière. On parle depuis vingt ans de construire une route reliant Yélimané à Kayes en desservant le plus grand nombre de villages. Ce serait un atout formidable pour le développement économique de ce cercle, où se joue l'avenir de milliers de personnes qui tentent d'échapper à la misère. Le recensement de 1996 fait état d'une population de 137 407 habitants qui vivent dans 90 villages, soit un taux de croissance annuel de 2,5 % environ. La densité moyenne y est de 20,8 habitants au kilomètre carré mais cette population est inégalement répartie dans le cercle, avec une plus forte concentration le long de la rivière Térékollé, dans le Diafounou, plus faible dans le Tringa. Les ressortissants du cercle qui ont émigré représentent plus de 10 % de la population, soit environ 15 000 personnes et environ 25 % des actifs. Près de 6 000 migrants vivent à Montreuil et plus de 50 % d'entre eux sont originaires du cercle de Yélimané, qui est enclavé dans une région où les pistes d'accès sont en très mauvais état et qui est isolé durant tout l'hiver du fait de l'absence d'ouvrages routiers. Les coûts de transport et les prix des marchandises sont parmi les plus élevés du Mali, ce qui grève encore davantage les revenus rapatriés par les migrants pour leurs familles et freine le décollage économique de la région, malgré les efforts considérables des villageois et des villageoises; on ne soulignera d'ailleurs jamais assez à quel point ils contribuent, en particulier grâce au maraîchage, à l'autosuffisance alimentaire. Monsieur le ministre délégué, que prévoit le Gouvernement français à propos de cette route qui démultiplierait l'effet des coopérations existantes ? Dans quels délais pourra-t-elle être réalisée ? Quand le démarrage des travaux est-il prévu ? M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, vous m'interrogez sur les problèmes posés par l'enclavement de la première région du Mali, celle de Kayes, et plus particulièrement celui du cercle de Yélimané. Je sais l'intérêt que vous-même et votre ville accordez à cette région, puisque, bon nombre des migrants de Montreuil en sont originaires. Dans cette partie du Mali, le manque de communications et la mauvaise qualité des infrastructures représentent évidemment un très réel handicap au développement comme au codéveloppement auquel vous attachez, vous aussi, beaucoup d'importance et qui constitue une des voies d'un retour apaisé au pays d'origine des migrants. Nous avons conscience de l'importance de ce dossier et le Premier ministre, Lionel Jospin, en a parlé à Bamako avec le président Konaré lors de son dernier voyage en décembre dernier. Le désenclavement du cercle de Yélimané constitue pour nous aussi une priorité. L'actuelle route Kayes-Yélimané est difficilement praticable en saison sèche; pour parcourir 144 kilomètres, il faut cinq heures ! En saison des pluies, elle est tout à fait impraticable. La France s'est donc engagée à financer la réalisation d'une route praticable en toute saison. L'Agence française de développement a marqué son intérêt pour cette réalisation, en indiquant toutefois qu'elle aurait préféré une variante de l'actuel tracé. Cette variante présente plusieurs avantages. Elle est moins onéreuse: 4,2 milliards de francs CFA au lieu de 7,5 milliards; moins longue: 107 kilomètres au lieu de 44; et elle desservirait une population plus importante: 70 000 personnes contre 60 000 dans le tracé actuel. La partie malienne préférait garder le tracé actuel. Des discussions sont intervenues. Après plusieurs mois, un compromis a été trouvé, qui répond d'ailleurs très largement à l'attente de nos partenaires. Dès que la promesse de prendre en charge cette réalisation a été faite, le ministère de la coopération a financé une étude dont l'objectif était précisément d'identifier les différentes options de tracés. En août 1997, la Caisse française de développement, devenue depuis l'Agence française de développement, a donné son accord de principe pour financer l'étude de faisabilité. Le projet a été approuvé en novembre 1997, l'appel d'offres de l'étude de faisabilité lancé en décembre dernier et dépouillé en février 1998. Compte tenu des délais d'exécution, du lancement de l'appel d'offres, des négociations de marchés que nécessitent les réglementations en usage, les travaux étaient programmés pour ne commencer qu'au cours du premier semestre 2000 et la mise en service de ce nouvel axe ne devait intervenir qu'un an plus tard. Fort heureusement, et la visite du Premier ministre y a contribué, ces délais ont pu être raccourcis. Nous pensons pouvoir raisonnablement gagner au moins un an sur le calendrier prévisionnel. Je serai moi-même en visite au Mali à la fin de ce mois et si le programme de ma visite - en cours de discussion avec nos partenaires - le permet, je me rendrai à Yélimané pour donner symboliquement le premier coup de pioche et marquer de la façon la plus solennelle notre engagement à résoudre cette contrainte majeure. La France a recherché les financements additionnels qui, en l'état actuel des dossiers, s'avèrent indispensables. Cette recherche s'est faite en direction de la Banque africaine de développement, de la Banque ouest africaine de développement et de la Banque islamique de développement. Mais son engagement est sans ambiguïté: la route sera réalisée. Il faut que nos partenaires maliens soient totalement rassurés, tout en prenant en compte le fait que des contraintes existent et qu'elles exigent du temps: l'investissement est lourd et le montage financier a nécessité de longues et difficiles négociations, d'autant qu'il s'agit, dans notre esprit, d'un élément fort d'une politique d'ensemble visant au désenclavement de toute la région. Vous voilà, je l'espère, monsieur le député, rassuré sur nos engagements et sur le règlement rapide de cette contrainte qui demain, ne sera plus qu'un lointain et mauvais souvenir. M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je suis satisfait de votre réponse. Et dans le domaine des relations avec l'Afrique, il n'est pas si fréquent d'être satisfait comme je le suis aujourd'hui. Ce que vous venez de dire exprime très clairement que l'on donne la priorité à l'investissement dans les infrastructures pour le codéveloppement. C'est une rupture avec le passé, où l'on investissait souvent dans des dépenses somptuaires ou militaires, dont l'utilité n'était pas toujours... M. Gilbert Meyer. Mais non ! M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas à vous que je m'adresse, monsieur Meyer, c'est au ministre ! Mais le fait que vous réagissiez est assez significatif du changement de politique; ce n'est plus celle que vous souteniez ! M. Gilbert Meyer. Vous n'avez pas d'autres arguments ? M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que sont inscrites à l'ordre du jour des questions orales «sans débat» ! (Sourires.) M. Jean-Pierre Brard. Je reprends les propos que je destine au ministre, et pas à vous, monsieur Meyer. Car les électeurs ont déjà réglé votre sort... Nous entrons donc incontestablement, monsieur le ministre, dans une nouvelle ère de la coopération qui joue le développement et l'indépendance, la coopération entre partenaires et la renonciation à des schémas où le néocolonialisme n'était pas toujours absent. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) M. Bernard Schreiner. Vous n'allez tout de même pas nous donner des leçons ! M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des choix respectueux du partenaire. Vous l'avez fort bien exprimé en soulignant que, dans ce cas précis, le gouvernement français avait abandonné son projet initial pour se rallier à un projet résultant de l'échange avec les partenaires maliens qui, après tout, sont les mieux placés pour apprécier ce qui convient à leur pays. Les Français ont une responsabilité particulière dans cette région du monde. Voilà une façon positive d'entretenir le prestige national sur la base de valeurs de solidarité et de coopération ! Mieux que tout autre pratique, celles-ci aideront la France à rayonner dans le monde. Je remercie le Premier ministre et j'entends avec intérêt ce que vous avez dit sur le premier coup de pioche. |