Texte de la QUESTION :
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M. Alain Moyne-Bressand attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'évolution des missions du corps européen. Créé par la France et l'Allemagne en 1993 et auquel se sont joints la Belgique et le Luxembourg puis l'Espagne, il dispose à Strasbourg d'un état-major et d'un bataillon de quartier général (ainsi que d'un régiment de transmissions en propre). La brigade franco-allemande lui est rattachée. Il pourrait s'appuyer sur près de 60 000 hommes appartenant aux meilleures unités blindées. Depuis plusieurs années, le corps européen s'est doté des concepts d'emploi et des moyens permettant d'intervenir dans des opérations de gestion de crise. Or, force est de constater que cette structure techniquement opérationnelle n'est jamais intervenue en tant que formation dans une crise européenne même si certains de ses éléments participent à la force internationale en Bosnie (SFOR). A la suite du conseil franco-allemand, la déclaration de Toulouse du 29 mai dernier prévoit d'adapter le corps européen pour qu'il « constitue à l'avenir un corps de réaction rapide européen ». Le Conseil européen de Cologne a également mis l'accent sur la nécessité pour l'Union européenne de disposer d'une capacité militaire d'action autonome. L'Union européenne s'est ainsi engagée à améliorer l'efficacité des moyens militaires multinationaux. Il souhaite savoir quelles mesures seront prises afin de transformer le corps européen conçu à l'origine pour la défense territoriale en une force multinationale projetable. Cette transformation incitera-t-elle d'autres pays à rejoindre le corps européen ? Par ailleurs, quelles réflexions sont engagées pour renforcer les moyens du corps dans les domaines du renseignement, de la planification et des structures de commandement ? Pendant six ans, le corps européen n'a pas fonctionné. Est-ce qu'une décision politique est enfin prise pour en faire une structure active ?
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Texte de la REPONSE :
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Créé lors du sommet franco-allemand de La Rochelle du 22 mai 1992, le Corps européen était initialement destiné aux missions définies à l'article V du traité de Washington (OTAN) du 4 avril 1949. En effet, à cette époque, l'Allemagne n'envisageait que très difficilement une opération militaire hors du cadre de la défense collective de l'Alliance atlantique. Aussi, cette unité a-t-elle été constituée comme un corps d'armée pour un engagement blindé-mécanisé. Cette structure, techniquement opérationnelle depuis 1995, n'a jamais été engagée en tant que telle lors d'une crise européenne. Cependant, la participation à titre individuel de personnels du quartier général du Corps européen (état-major et bataillon de quartier général) au sein du quartier général de la SFOR, depuis l'été 1998, a permis de renforcer l'expérience des personnels détachés et de faire reconnaître par le SACEUR (Supreme Allied Command for Europe) la valeur de cette unité. Celui-ci a proposé au général commandant le Corps européen de faire désormais participer cette unité à la planification opérationnelle du SHAPE (Supreme Headquarters Allied Power in Europe). Le Corps européen est appelé à évoluer dans ses structures et ses missions. En effet, il est passé d'une structure bilatérale, fondée sur le principe de réciprocité entre la France et l'Allemagne, à une structure à cinq pays. Les trois nouvelles nations (Belgique, Espagne et Luxembourg) ont adhéré sans que les bases de l'accord de La Rochelle précité aient été modifiées. Une occasion est aujourd'hui offerte pour une évolution du Corps européen qui soit conforme aux capacités prioritaires que la France entend lui donner. De plus, les Européens tentent, dans le cadre de l'Union européenne, de se doter des capacités nécessaires à la conduite d'opérations militaires. Enfin, les Allemands peuvent désormais participer à des opérations militaires en dehors du cadre de la défense principale de l'Alliance. La déclaration adoptée le 3 juin 1999 à l'occasion du Conseil européen de Cologne a d'ailleurs défini un cadre politique pour l'évolution du Corps européen vers un corps de réaction rapide européen. Il s'agit de conférer au Corps européen : une capacité lui permettant de déployer rapidement un quartier général de commandement de composante terrestre, ayant la capacité de commandement de forces ad hoc d'un niveau maximum de corps d'armée. Ce quartier général serait créé à partir d'un noyau de l'état-major permanent du corps de réaction rapide européen, ouvert à d'autres nations, en fonction de leur participation à la mise en place d'une force européenne. Il serait utilisé en priorité pour une opération autonome européenne non prévue à l'article V ; une capacité de corps d'armée européen de réaction rapide. Le quartier général du Corps européen et tout ou partie de ses forces pré-affectées devront pouvoir être engagés dans une opération de gestion de crise. D'autres unités non affectées, provenant de pays non membres, pourraient également être placées sous son commandement. Ce projet entraînera une réorganisation de l'état-major du Corps européen, ainsi qu'une nouvelle approche au niveau des forces pré-affectées et des capacités nécessaires. En effet, il s'agit de disposer d'un état-major apte à gérer le Corps européen dans ses différentes configurations (quartier général de commandement de composante terrestre, corps de réaction rapide et corps d'armée). Dans les deux premiers cas, il doit être capable d'accueillir d'autres nations. Cette réorganisation nécessite également la création de nouvelles cellules, comme celles concernant les actions psychologiques et les actions civilo-militaires. Lors de l'exercice « Cooperative Guard », qui s'est déroulé en République tchèque du 18 mai au 4 juin 1999, l'état-major du Corps européen a, pour la première fois, joué le rôle d'un quartier général de commandement de composante terrestre et organisé son état-major d'exercice en conséquence. Les premiers résultats de l'évaluation de cet exercice montrent que cette expérience s'est révélée positive. Concernant l'évolution des forces pré-affectées, le Corps européen doit avoir la capacité d'un corps d'armée apte à s'engager dans un format de force immédiate légère ou de force immédiate mécanisée dans le cadre de la gestion de crises, tout en conservant la capacité qu'il a acquise au titre des missions définies à l'article V du traité de Washington. La France a, par conséquent, adopté un dispositif souple, qui s'inscrit dans le cadre de la refondation de l'armée de terre. Ainsi, un état-major de forces, deux brigades de types différents (une légère et une lourde) et des éléments organiques (niveaux corps d'armée et division) seront rattachés au Corps européen. Il est à noter qu'une évolution similaire est en cours pour l'Espagne, la Belgique et l'Allemagne. Concernant la recherche du renseignement, le Corps européen ne possède pas de moyens propres. En revanche, son état-major va être raccordé aux réseaux de renseignement dénommés BICES et CRONOS, lui permettant d'acquérir les données nécessaires et d'améliorer l'interopérabilité avec l'OTAN. Au niveau des systèmes de commandement, les industriels français et allemands développent un système d'information et de commandement compatible avec les moyens des cinq nations et interopérable avec ceux de l'OTAN. Enfin, il est prévu d'acquérir des « shelters » aérotransportables, munis d'équipements de commandement et de communication, qui donneront à l'état-major du Corps européen une capacité de déploiement opératif. S'agissant de l'avenir du Corps européen, l'augmentation du nombre de pays y participant n'est pas actuellement envisagée. Toutefois, il est nécessaire, dans l'esprit de la constitution des quartiers généraux de groupement des forces interarmées multinationales, de pouvoir accueillir des pays qui, bien que n'appartenant pas au Corps européen, souhaitent néanmoins participer à une opération éventuelle. Pour cela, il peut être envisagé de s'inspirer du principe d'abonnement de grandes unités multinationales, comme cela prévaut pour l'ARRC (Allied Rapid Reaction Corps). L'état-major disposerait d'un noyau à partir duquel le poste de commandement projeté serait constitué. Il pourrait être complété par du personnel des nations abonnées participant à un engagement donné, proportionnellement au volume des forces engagées au sol.
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