Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Claude Lefort souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la sauvegarde du statut du français comme langue officielle des brevets d'invention, à l'occasion des réformes en cours en Europe. Le français est actuellement l'une des trois langues officielles, avec l'allemand et l'anglais, utilisées pour les demandes déposées à l'Office européen des brevets (OEB), ce qui oblige à traduire les brevets en français lorsqu'ils sont déposés dans une autre langue. Les 24 et 25 juin dernier, une conférence intergouvernementale s'est tenue à Paris pour réformer le système des brevets, où les Etats présents ont convenu d'améliorer la réduction des coûts, la sécurité juridique des brevets et le fonctionnement de l'OEB. M. Lefort s'interroge sur les risques de voir disparaître les traductions au travers de l'objectif de la réduction des coûts. Alors qu'une seconde conférence doit se dérouler à Londres en l'an 2000, il lui demande quel est l'état des discussions sur le statut de la langue française à l'OEB. Il lui pose la même question concernant les concertations en cours sur la mise en place d'un brevet communautaire et lui demande de renforcer les exigences de la France dans ce domaine.
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Texte de la REPONSE :
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L'auteur de la question fait part de sa préoccupation relative à la conférence intergouvernementale des Etats membres de l'organisation européenne des brevets (OEB), qui s'est tenue à Paris les 24 et 25 juin 1999. Il attire plus particulièrement l'attention sur les décisions qui auraient pu être prises lors de cette conférence en matière d'usage de la langue française dans le domaine des brevets. Cette conférence a fait suite à l'initiative annoncée par le Premier ministre le 12 mai 1998, lors des assises de l'innovation, en vue de renforcer et de moderniser le système du brevet européen. En effet, le brevet constitue un outil stratégique pour protéger, consolider et valoriser les innovations des entreprises confrontées à la concurrence mondiale. Cependant, comme l'ont noté diverses études, notamment en France le rapport Lombard publié en décembre 1997, les entreprises européennes sous-utilisent le système de brevets, alors que leurs homologues américaines et japonaises adoptent une attitude plus offensive. En France, seulement 25 % des entreprises inustrielles ont, dans leur histoire, déposé au moins un brevet. Cette situation résulte, sans nul doute, d'une prise de conscience insuffisante de l'importance économique et du rôle stratégique du brevet. Mais, comme l'a souligné le Livre Vert adopté par la Commission euroépenne en juin 1997, le système actuel de brevets peut et doit être amélioré pour répondre mieux aux besoins des déposants. C'est d'abord un enjeu européen : il est essentiel que l'Union européenne se doit d'une véritable politique de propriété industrielle. Il faut sans doute aller plus loin que l'actuel brevet européen, et passer au brevet communautaire, qui sera un puissant instrument si son coût est abordable. Cependant, la mise au point d'un accord et la mise en oeuvre du nouvel instrument nécessiteront plusieurs années : il est impératif d'améliorer le fonctionnement du système existant sans attendre. Malgré les réductions de taxes récemment mises en oeuvre par l'OEB, le coût d'obtention de la prtection restre trop élevé, principalement en raison des coûts intervenant après la délivrance du titre. Ce surcoût pénalise les entreprises européennes sur leur marché principal, les conduisant à être excessivement sélectives dans le choix des inventions qu'elles protègent ou des pays dans lesquels elles demandent la protection du brevet. En dissuadant certaines PME et de nombreux chercheurs ou inventeurs indépendants d'y entrer, le système faillit en partie à sa justification économiques et sociale. A contrario, les caractéristiques actuelles du brevet européen n'en font pas un obstacle pour les grandes entreprises internationales, notamment américaines et japonaises. Le coût d'obtention de la protection n'est pas un réel problème pour ces entreprises et leur organisation leur permet de défendre le brevet devant les tribunaux de multiples pays. L'objectif poursuivi dans le cadre du processus engagé par la conférence est donc de rendre le brevet européen plus attractif, en rendant le ticket d'entrée moins coûteux et en améliorant la sécurité juridique procurée. La conférence a adopté un mandat, dont la première partie concerne la question du coût. Aux termes de ce mandat, les moyens de réduire le coût d'obtention des brevets doivent faire l'objet d'un groupe de travail chargé de remettre aux états membres un rapport visant cet objectif. C'est sur la base de ce rapport, que les gouvernements décideront de s'engager au second semestre 2000. La démarche française a été établie après la plus large concertation, tant au niveau interministériel qu'avec les milieux intéressés, notamment les conseils en propriété industrielle représentés par la CNCPI. Cette concertation se poursuivra pour préparer les positions que nous serons amenés à prendre et qui seront guidées par l'impératif de concilier la défense de la langue française, le respect du principe d'égalité de traitement des langues nationales et le réalisme économique. Le français est une des 3 langues officielles de l'OEB et il doit le demeurer. Environ 7 % des déposants choisissent le français comme langue de la procédure. Il faut également adjouter qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement français de proposer l'adoption d'une mesure conduisant à ne plus disposer des traductions en français des brevets déposés par la procédure européenne. L'une des propositions mises à l'étude par la conférence et confiée au groupe de travail consiste néanmoins à limiter l'obligation de traduction aux parties du fascicule porteuses de l'intelligibilité de l'invention. Cette proposition, qui ne supprime pas l'obligation de traduction, devra être expertisée par le groupe de travail. D'autres propositions sont envisagées pour atteindre l'objectif de réduction des coûts. L'une d'entre elles consisterait, notamment, à ouvrir la possibilité de dépôt des traductions à l'OEB, plutôt qu'auprès des offices nationaux, ce qui permettrait, tout en maintenant le princip des traductions, de limiter certains frais de procédure. La méthode envisagée permettra aux Etats de se rallier, « à la carte » et selon les priorités politiques de chacun, à telle ou telle mesure permettant de réduire globalement le coût d'obtention du brevet européen. Ainsi, la France gardera sa marge de manoeuvre dans tout ce processus. Cependant, la réduction du coût demeure au centre des préoccupations du secrétariat d'Etat à l'indutrie. L'expertise d'un grand nombre de solutions, chacune susceptible d'être mise en oeuvre dans un groupe de pays membres, permettra de déboucher sur une réduction effective du coût d'accès au brevet européen, tout en préservant les intérêts stratégiques de la France. Il est clair que le brevet communautaire, titre unique pour le marché unique, est un objectif majeur et correspond à une attente des entreprises. Il ne pourra pas être instauré si des solutions réalistes ne sont pas trouvées aux problèmes du coût et de l'harmonisation du contentieux. La Commission européenne devrait présenter prochainement une proposition de règlement visant à créer un brevet communautaire. La France soutient cette initiative.
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