DEBAT :
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INÉGALITÉS SOCIALES
M. le président. La
parole est à M. Pierre Carassus, pour le groupe RCV.
M. Pierre Carassus.
Monsieur le Premier ministre, vous avez souligné, lors d'une intervention télévisée, le 5 décembre dernier, que les chefs d'entreprise n'avaient pas trop à se plaindre de ce gouvernement de gauche.
On comprend mieux la portée de cet aveu quand on découvre que les grands patrons ont vu leur rémunération augmenter de 37 % en 2001, alors que le SMIC, les minima sociaux et les retraites sont très loin d'avoir suivi la même évolution...
M. Lucien Degauchy. C'est ça la gauche !
M. Pierre Carassus.
... et que la pauvreté est restée stable malgré la réduction du chômage : 4,2 millions de personnes vivent avec moins de 3 670 francs par mois, comme il y a cinq ans.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Ça, c'est la gauche !
M. Pierre Carassus. Alors permettez-moi, au risque de vous paraître nostalgique, d'évoquer l'époque, pas si lointaine, où j'étais syndicaliste.
Nous avions pour interlocuteur un Etat moins soumis aux injonctions du libéralisme forcené voulu par Bruxelles et qui n'hésitait pas à intervenir dans la gestion de notre économie. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Les gouvernements d'alors, avec plus ou moins de conviction, veillaient à faire respecter nos principes républicains d'égalité et de fraternité, limitant ainsi les inégalités sociales.
J'entends les libéraux sociaux et une certaine gauche qui se proclame moderne m'accuser, de concert, de vouloir une France moisie, ringarde. L'esprit d'ouverture et la modernité dont ils se targuent ont pour seul mérite de contribuer à renforcer le pouvoir de la finance et la liberté des spéculateurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les faits sont là !
Cette prétendue mouvance politique se présente sous un visage peu séduisant, marqué par les rides d'une fracture sociale qui ne cesse de s'aggraver.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Bravo !
M. le président. Posez votre question, monsieur Carassus !
M. Pierre Carassus. Ma question sera très directe : ne faut-il pas reconnaître que cet accroissement inquiétant des inégalités sociales constitue un constat d'échec pour les politiques menées jusqu'à ce jour ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie. Monsieur le député... (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)
Plusieurs députés du groupe du
Rassemblement pour la République. Voyou ! Voyou !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très belle démonstration de tolérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Je vous en prie ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je souhaiterais que nous donnions une autre image de nous, mes chers collègues !
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Voyou ! Voyou !
M. le président. Du calme ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Du calme !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vous répondrai d'abord que, comme vous le savez d'ailleurs, ce n'est pas le Gouvernement qui fixe les salaires des dirigeants des grandes entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe du
Rassemblement pour la République. Voyou ! Voyou !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour le reste, si votre question vise la répartition de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, puisque là est le fond de l'affaire, vous savez sans doute, certainement même en tant qu'ancien syndicaliste, que la part de la rémunération du travail, qui avait reculé dans les années 90,...
M. Richard Cazenave. Voyou !
M. Jean-Claude Perez. Cazenave, dehors ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie. ... augmente à nouveau depuis 1997, cela peut être facilement constaté. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Je voudrais aussi vous préciser, mais vous le savez sans doute, que les décisions qui ont été prises pour créer la couverture maladie universelle, celles qui ont conduit à une diminution du nombre des RMIstes, et à l'institution de la prime pour l'emploi profitant aux salariés les plus modestes ou, d'une façon générale, aux personnes les plus modestes.
Mais, monsieur Carassus, j'en viens à l'essentiel : pourquoi y a-t-il eu une amélioration de la rémunération du travail par rapport au capital ? Parce que, d'un côté, même si le pouvoir d'achat peut être jugé insuffisant,...
M. Jean-Luc Préel. Des excuses !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... il a tout de même progressé. Et surtout parce que les années qui viennent de s'écouler ont vu une création massive d'emplois.
M. Maurice Leroy. Tu parles !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je voudrais citer un chiffre qui est trop peu cité et qui pourtant demande à être médité. Au cours des cinq années du gouvernement Jospin, il a été créé autant d'emplois que dant tout le xxe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Monsieur Carassus, ce sont là les chiffres !
Alors certains diront que c'est insuffisant. Peut-être ! Certains invoqueront le hasard. Le hasard, en l'occurrence, ferait trop bien les choses ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Certains parleront de la conjoncture internationale. Non ! C'est le Gouvernement qui, s'appuyant sur la conjoncture, a fait le maximum pour qu'elle profite à l'emploi et aux salaires. Et cela, l'ancien syndicaliste que vous êtes doit le reconnaître, car on peut avoir sur ces bancs des opinions différentes, mais il y a une chose qu'il faut respecter, c'est la vérité des faits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
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