FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 34380  de  M.   Gremetz Maxime ( Communiste - Somme ) QE
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  06/09/1999  page :  5219
Réponse publiée au JO le :  03/04/2000  page :  2205
Date de signalisat° :  27/03/2000
Rubrique :  entreprises
Tête d'analyse :  personnel
Analyse :  dossier administratif individuel. accès. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Maxime Gremetz attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité au sujet des droits du salarié concernant son dossier administratif individuel. La loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 prévoit des garanties sur le contenu et l'accès du dossier individuel informatisé et donne des possibilités de recours en cas de contestation. Dans les entreprises, avec ou sans l'aide de l'outil informatique, des dossiers individuels administratifs (papiers) concernant les salariés sont mis en oeuvre par les directions d'entreprise. Or, aucune loi n'aborde l'approche de ces dossiers, leur contenu, leur accès, leurs limites. Pour les fonctionnaires de l'Etat, le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 (JO du 27 octobre 1984, modifié par le décret n° 88-583 du 6 mai 1988, JO du 8 mai 1988), relatif à la procédure disciplinaire dont relèvent les fonctionnaires de l'Etat, octroie certains droits au « citoyen fonctionnaire » qui se résument comme suit : « En cas de procédure disciplinaire, le fonctionnaire concerné est informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de tous les documents annexes de son dossier individuel. » En outre « les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés » ; de plus « le fonctionnaire a la possibilité après un certain délai, s'il est passible d'une sanction, de faire effacer toute trace de sanction de son dossier par recours auprès de son ministre de tutelle » ; enfin « son dossier dans ce cas est constitué sous le contrôle du conseil de discipline ». La relation contractuelle du droit privé, par vide législatif, laisse à l'employeur un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'introduire et de conserver tout document, hors informatique, à l'insu du salarié. Ce dernier ne peut en effet s'appuyer sur aucun recours légal pour demander l'accès à son dossier individuel. L'employeur a donc toute latitude pour lui refuser cet accès. De plus, en l'absence actuelle de garanties individuelles, l'employeur peut conserver des documents que la loi considère pourtant sans portée après un certain délai. C'est ainsi, par exemple, que des sanctions disciplinaires prononcées depuis plus de trois ans restent dans des dossiers individuels administratifs ce malgré les prescriptions contenues dans l'article L. 122-44 du code du travail. Il n'est pas rare que des employeurs utilisent de tels documents, même amnistiés par les délais contenus dans la loi, pour appuyer leurs prétentions à l'occasion d'un litige qui les oppose à un salarié, comme cela se produit devant le conseil de prud'hommes par exemple. Ce vide législatif ne permet pas au salarié de connaître les actes parfois mis en oeuvre par son employeur contre ses intérêts. Au regard de l'article 18 de la résolution du 12 avril 1989 du Parlement européen, liée à la déclaration des droits et libertés fondamentaux (JOCE n° 120 du 16 mai 1989, page 51) : « Le droit d'accès et de rectification est garanti à toute personne pour les documents administratifs et les données qui la concernent. » Il apparaît urgent de combler le vide législatif interne. Cette démarche pourrait s'appuyer sur les dispositions relatives au recrutement individuel et aux libertés individuelles mises en oeuvre à la suite du rapport du professeur Gérard Lyon-Caen au titre V de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992. Ainsi, un nouvel article pourrait être inséré dans le code du travail sous les articles L. 120-2 ou L. 121-6 à L. 121-8 ou à la section VI Règlement intérieur, protection des salariés, droit disciplinaire. Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour remédier à ce manque de protection et de démocratie.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'existence de dossiers administratifs individuels dans les entreprises et lui fait remarquuer l'absence de réglementation interne concernant le droit d'accès et de rectification des salariés à leur dossier. Il lui fait observer que, pour les fonctionnaires de l'Etat, en matière de procédure disciplinaire, ce droit d'accès et de rectification du dossier individuel est organisé par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire dont relèvent ces agents. Il constate que la relation contractuelle de droit privé, en l'absence d'une telle réglementation, laisse à l'employeur un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'introduire et de conserver tout document, hors informatique, à l'insu du salarié. Il lui propose d'insérer un nouvel article dans le code du travail sous les articles L. 120-2 ou L. 120-6 à L. 120-8 ou à la section VI (règlement intérieur, protection des salariés, droit disciplinaire). Réglementer le droit d'accès et de rectification des salariés de droit privé à leur dossier individuel impliquerait la reconnaissance légale de ce type de dossier, ce qui n'est pas envisageable dans la mesure où la situation du salarié est différente de celle du fonctionnaire. En effet, celui-ci à vocation à effectuer la totalité de sa carrière au sein de l'administration ce qui justifie l'existence d'un dossier individuel pour des raisons de gestion du personnel et de connaissance du parcours professionnel de l'agent. En revanche, pour un salarié de droit privé, un tel dossier, qui le suivrait chez ses employeurs successifs, n'aurait pas la même justification et serait par ailleurs susceptible de dérives comme l'a montré le précédent fâcheux du livret ouvrier. Il convient de préciser que, d'ores et déjà, selon l'article L. 121-8 du code du travail, introduit par la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 adoptée suite au rapport du professeur Gérard Lyon-Caen intitulé « Les libertés publiques et l'emploi », qu'« aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à l'emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à l'emploi ». Par sa délibération du 15 octobre 1985 la commission nationale Informatique et libertés a posé le principe selon lequel le droit d'accès et de rectification est ouvert aux intéressés, tant pour les fichiers informatisés que pour les fichiers manuels tenus par les entreprises. En outre, l'article L. 432-21 du même code prévoit que « le comité d'entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d'aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de celles-ci. Le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés. » Par ailleurs, en matière de sanction disciplinaire, l'article L. 122-44, alinéa 2 du code du travail prévoit la prescription de celle-ci à compter de l'engagement des poursuites disciplinaires dans un délai de trois ans. Enfin, les diverses lois d'amnistie s'appliquent aux fautes disciplinaires ou professionnelles, sanctionnées ou non dans la période couverte par chaque loi d'amnistie. Ces mêmes lois prévoient que l'inspection du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait état des faits amnistiés et à ce qu'elle s'assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l'amnistie. L'ensemble de ces règles et dispositions est donc de nature à apporter des garanties pour assurer la protection des droits des salariés.
COM 11 REP_PUB Picardie O