FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 343  de  M.   Carvalho Patrice ( Communiste - Oise ) QOSD
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  13/05/1998  page :  3723
Réponse publiée au JO le :  20/05/1998  page :  4033
Rubrique :  déchets, pollution et nuisances
Tête d'analyse :  installations classées
Analyse :  zones Seveso. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Patrice Carvalho attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les mesures qu'elle compte prendre pour éviter ou réparer les préjudices subis par les populations vivant dans des communes où sont appliquées les dispositions relatives aux zones Seveso. En effet, les populations de ces communes d'une part volent la valeur de leur patrimoine foncier, et immobilier baisser de manière vertigineuse et d'autre part ne sont pas autorisées à effectuer des travaux tendant à l'agrandissement de leur habitat. Enfin, les dispositions liées aux zones Seveso interdisent toute nouvelle construction, ce qui freine le dynamisme des communes. C'est pourquoi, il lui demande de prendre des mesures d'indemnisation des populations, ou d'imposer aux industriels des normes telles qu'elles permettent d'éviter l'inscription d'une zone Seveso autour de leurs sites et des communes qui les accueillent.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Patrice Carvalho a présenté une question, n° 343, ainsi rédigée:
«M. Patrice Carvalho attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les mesures qu'elle compte prendre pour éviter ou réparer les préjudices subis par les populations vivant dans des communes où sont appliquées les dispositions relatives aux zones Seveso. En effet, les populations de ces communes, d'une part, voient la valeur de leur patrimoine foncier et immobilier baisser de manière vertigineuse et, d'autre part, ne sont pas autorisées à effectuer des travaux tendant à l'agrandissement de leur habitat. Enfin, les dispositions liées aux zones Seveso interdisent toute nouvelle construction, ce qui freine le dynamisme des communes. C'est pourquoi il lui demande de prendre des mesures d'indemnisation des populations, ou d'imposer aux industriels des normes telles qu'elles permettent d'éviter l'inscription d'une zone Seveso autour de leurs sites et des communes qui les accueillent.»
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour exposer sa question.
M. Patrice Carvalho. Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, je souhaite appeler votre attention sur la situation des populations qui vivent dans les communes soumises à la réglementation Seveso.
Dans l'une des communes de ma circonscription, Ribécourt, la présence de deux sites industriels a entraîné la création de zones Seveso dont le périmètre empiète sur le territoire de neuf communes limitrophes. De surcroît, un projet d'implantation d'un incinérateur de déchets industriels spéciaux attend l'aval du préfet. Je vous ai d'ailleurs saisi de cette affaire et je dois vous rencontrer demain pour en discuter avec vous.
Les populations de ces communes se voient imposer une kyrielle d'interdits sans qu'aucune compensation soit prévue. J'en veux pour preuve le cas de propriétaires d'un terrain constructible situé en centre-ville, dont la surface est inférieure à mille mètres carrés. Il était estimé à 150 000 francs. Depuis qu'il a été classé en zone Seveso, sa valeur a chuté à 2 400 francs parce qu'il n'est plus constructible.
Par ailleurs, les habitants de ces zones sont dans la totale impossibilité d'agrandir leur maison. Or nombreux sont les jeunes couples qui ont acheté de vieilles bâtisses avec l'idée de les agrandir au fur et à mesure que leurs enfants naîtraient. Aujourd'hui, ils doivent changer de projet familial ou déménager !
J'évoquerai aussi le cas d'un homme d'une soixantaine d'années devenu handicapé et de son épouse, qui pensaient avoir le droit d'installer leur mobil home sur le terrain de leur fille en attendant de prendre leur retraite dans trois ans. Ils sont aujourd'hui menacés d'expulsion au motif de la zone Seveso.
Et puis il y a le projet d'une femme, Ann Bonnand, qui souhaite installer un centre pour autistes adultes. Ce centre serait le premier et le seul du département, mais elle risque de devoir y renoncer en raison d'une extension définitive de la zone Seveso à la fin de l'année. Pourtant, le terrain est idéal, qu'il s'agisse de sa situation ou de ses accès.
Depuis plusieurs mois, l'éventualité d'une extension de la zone Seveso avait entraîné la suspension de toutes les décisions de permis de construire demandés par des personnes habitant des secteurs qui n'étaient pas encore touchés. Aujourd'hui, la zone Seveso est étendue et le refus opposé aux projets individuels et collectifs, confirmé.
Tous ces refus gèlent le dynamisme de notre région. C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de rétablir la justice sociale en prenant des mesures particulièrement attendues. Si l'on doit maintenir de telles contraintes à l'égard des populations, qu'au moins on les en dédommage. Mais mieux vaudrait plutôt imposer des normes d'exploitation aux industriels, afin que les risques que leurs sites présentent soient réduits et n'entraînent plus la fixation d'un périmètre Seveso.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous m'interrogez, monsieur le député, sur la réglementation Seveso, et plus précisément sur les normes imposées aux industriels concernés, ainsi que sur l'indemnisation des populations riveraines.
Cette réglementation concerne environ 400 établissements sur le territoire national, essentiellement des industries chimiques et pétrolières. Compte tenu de la présence de gaz et liquides inflammables et de substances toxiques dans ces installations, un certain nombre de précautions élémentaires doivent être prises pour limiter au maximum les risques d'accidents majeurs.
A cet égard, la directive européenne 82/501 du 24 juin 1982, communément appelée «directive Seveso», demande aux autorités compétentes de mettre en place un dispositif de prévention des risques autour des sites industriels à haut risque en imposant des normes aux industriels concernés. Elle se décline en quatre composantes fondamentales.
La première priorité est la réduction des risques à la source. L'exploitant doit justifier ses choix technologiques et, sur la base des meilleures techniques disponibles à un coût acceptable, réduire les risques par la mise en oeuvre de mesures de prévention limitant la probabilité des sinistres ou de protection limitant la gravité des accidents.
La deuxième priorité concerne la réalisation de plans de secours. Deux types de plans sont à mettre en oeuvre: le plan d'opération interne, de la responsabilité de l'exploitant, pour combattre un sinistre à l'intérieur de son établissement; le plan particulier d'intervention, de la responsabilité du préfet, pour faire face à un sinistre débordant les limites de l'établissement.
Le troisième axe est celui de l'information des populations. Une information préventive est donnée aux populations résidant dans la zone du plan particulier d'intervention, pour préciser notamment les conduites à tenir en cas d'accident.
Enfin, le quatrième axe concerne la maîtrise de l'urbanisation autour des installations dangereuses. Gestion des risques et développement économique ne sont pas incompatibles. Mais aucune mesure ne peut assurer un risque nul. C'est pourquoi il est essentiel de maintenir une distance suffisante entre les usines concernées et les habitations, notamment par la mise en place de périmètres de sécurité. Il ne s'agit pas d'interdire toute urbanisation, mais d'apporter les garanties fondamentales pour assurer la sécurité de la population avoisinante.
Les industriels devront réaliser ou mettre à jour une étude des dangers inhérents à leurs installations et l'adresser aux préfets au plus tard en février 2001 ou en février 2002, selon les cas. Ce document prendra en compte les différents choix technologiques possibles, par exemple la mise sous talus des réservoirs aériens de gaz inflammables liquéfiés. L'étude des dangers sera analysée au cas par cas par l'inspection des installations classées. S'il s'avère que certaines solutions envisagées dans ces documents entraînent une réduction significative des risques pour les populations, le préfet pourra imposer à l'établissement la réalisation des travaux nécessaires.
Mais, encore une fois, il serait illusoire de croire que le risque zéro existe. C'est pourquoi la maîtrise de l'urbanisation et la réduction du risque à la source sont deux objectifs fondamentaux et complémentaires.
En ce qui concerne les préjudices subis par les populations riveraines d'une zone Seveso, et plus particulièrement la baisse de la valeur des terrains, des études fines ont été réalisées il y a quelques années au plan national. Elles n'ont pas conclu à la baisse vertigineuse que vous décrivez.
Enfin, s'agissant de l'indemnisation des riverains le dispositif est le suivant:
Pour de nouvelles implantations d'établissements à risque, le préfet peut, en vertu de l'article 3 de la loi du 19 juillet 1976, subordonner la délivrance de l'autorisation d'exploiter une installation à son éloignement des habitations ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers.
L'article 7-1 de cette même loi permet l'instauration de servitudes d'utilité publique pour une catégorie d'installations identifiées dans la nomenclature. Ces servitudes donnent droit à indemnisation des propriétaires par l'exploitant, sous le contrôle du juge.
Pour les établissements existants, il appartient au préfet de porter à la connaissance des maires concernés les informations nécessaires à une prise en compte des risques industriels dans les documents d'urbanisme. Au cas par cas, une ou plusieurs zones de protection seront définies et inscrites dans ces documents. Mais le législateur n'a pas prévu que les contraintes donnent lieu à indemnisation dans ces cas. Les collectivités concernées retirent d'ailleurs certains avantages de ces installations. Je pense bien sûr à la taxe professionnelle mais aussi aux emplois.
Je tiens à rappeler qu'il appartient en premier lieu au maire d'éviter de délivrer un permis de construire dans une zone où le risque résiduel est jugé incompatible avec les activités projetées. Vous le comprendrez, il n'est pas possible de laisser se développer sans contrôle tous les projets individuels qui exposeraient les pouvoirs publics à des demandes d'indemnisation. Le problème des zones Seveso n'est pas très différent de celui que nous rencontrons dans les zones proches de certains aéroports. On ne peut pas à la fois accepter l'extension incontrôlée des zones d'habitation et laisser ensuite les propriétaires demander que la puissance publique finance les travaux nécessaires pour réduire les nuisances. Une telle démarche, me semble-t-il, serait extrêmement dangereuse. Le contrôle est exigeant pour les industriels. Les contraintes sont beaucoup plus faibles pour les usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.
M. Patrice Carvalho. Je vous remercie, madame le ministre, pour cette réponse assez complète.
A Ribécourt, je tiens à vous le rappeler, le périmètre de protection a été porté de quelques centaines de mètres à 2,3 kilomètres, il y a quelques mois, et à 4 kilomètres il y a quelques jours: maintenant, cinq communes se trouvent dans l'incapacité totale de faire quoi que soit et se voient refuser tout permis de construire.
Voilà ce que nous contestons. Compte tenu de ce qu'ont fait les industriels, on pourrait peut-être envisager de ramener la distance de protection à un périmètre de quelques centaines de mètres.
COM 11 REP_PUB Picardie O