Texte de la QUESTION :
|
M. Alfred Recours appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les projets de protection par brevet des logiciels proposés par la Commission européenne. Le 25 juin dernier, le Parlement européen a proposé une directive relative au rapprochement des régimes juridiques de protection des inventions, par l'application d'un « certificat d'utilité ». L'article 4 de la proposition écartait du régime les inventions impliquant des programmes d'ordinateur afin, d'une part, de limiter l'incertitude juridique liée à la délivrance d'un trop grand nombre de titres n'ayant pas fait l'objet d'un examen préalable de la nouveauté ni du degré d'inventivité et, d'autre part, parce que les programmes d'ordinateurs sont actuellement protégés soit par le brevet, soit par le droit d'auteur. Or, la Commission, saisie de la proposition, a amendé cet article et supprimé l'exception concernant les logiciels. L'application afférente de certificats d'utilité aux logiciels, en permettant aux éditeurs les plus importants de déposer un nombre considérable de certificats, risque d'accroître la position quasi monopolistique des grandes firmes en limitant les possibilités des développeurs et en réduisant très fortement les marges de manoeuvre des créateurs de « logiciels libres » pour lesquels l'audience est de plus en plus forte et qui constituent une alternative de plus en plus crédible aux logiciels commerciaux standards. Il lui demande en conséquence quelle position pourrait prendre le ministère face à cette proposition.
|
Texte de la REPONSE :
|
L'article 52 paragraphe 2 de la convention de Munich et les lois nationales des Etats membres de l'office européen des brevets (OEB) ne permettent pas la brevetabilité des programmes d'ordinateurs en tant que tels. Toutefois, il est possible en l'état actuel du droit de breveter une invention technique qui fait appel à un logiciel. Il existe ainsi environ 13 000 brevets européens portant sur du logiciel. Aux Etats-Unis et au Japon, les logiciels sont protégeables par brevet. Cette situation semble insatisfaisante. La pratique européenne, peu transparente, écarte de fait de la pratique du brevet une majorité des PME du secteur des logiciels : celles-ci ignorent qu'il est possible d'obtenir une protection par brevet et s'en remettent au droit d'auteur, dont la protection est différente quant à son objet. Il existe en outre des divergences d'appréciation entre les tribunaux des Etats membres, qui rendent utile l'harmonisation des pratiques, au moins au sein de l'Union européenne. La consultation lancée par la Commission européenne autour du « livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe » a montré que l'environnement juridique actuel devrait être clarifié. Lors de l'audition organisée à Luxembourg les 25 et 26 novembre 1997, la suppression des logiciels de la liste des inventions non brevetables de l'article 32 paragraphe 2 est apparue utile aux intervenants. Des inquiétudes se sont cependant manifestées récemment quant à l'impact qu'aurait cette mesure sur les entreprises de logiciel, et notamment pour les logiciels libres. Le Gouvernement a pris note de ces remarques qu'il étudie avec attention. Comme elle l'a annoncé dans sa communication de suivi du 2 février 1999, la Commission a décidé de présenter prochainement une proposition de directive basée sur l'article 95 (ex-100A) du Traité. Un avant-projet de ce texte devrait être disponible avant la fin de l'année 1999. Le fond du débat sur le projet de directive portera sur l'étendue du domaine brevetable. La pratique développée par l'OEB considère une invention comme brevetable si elle présente une « contribution technique » à l'état de la technique. L'approche est différente aux Etats-Unis et au Japon : ces pays admettent la brevetabilité de « business methods », comme, par exemple, un programme de comptabilité ou un programme financier d'achat et de vente de devises. Il ne semble pas que la plupart des pays européens soient prêts à accepter une telle extension. La proposition de directive devra donc soigneusement préciser les limites de la brevetabilité des logiciels. Pour préciser la position du Gouvernement, au regard notamment des inquiétudes signalées sur les « logiciels libres », le secrétaire d'Etat à l'industrie, en liaison avec l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), organisera donc une consultation des parties intéressées. La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des régimes juridiques de protection des inventions par le modèle d'utilité donne également lieu à un débat sur les inventions non protégeables. La France estime qu'il est prématuré de protéger les logiciels par des modèles d'utilité puisque la Commission est sur le point de présenter une proposition de directive relative à la protection des logiciels par brevet. Il sera possible de reprendre l'examen de cette question à une étape ultérieure, dans le cadre de la procédure de suivi prévue à l'article 28.
|