Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Cohen attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les limites du droit de réparation pour personnes frappées de mesures d'incapacité. Celles qui ont subi de graves préjudices sont en effet particulièrement pénalisées au regard du régime de prescription dont elles relèvent. Les personnes victimes au sens criminel du terme, en l'état actuel du droit français, sont soumises à partir des faits à la prescription criminelle classique de dix années et de trois ans en matière délictuelle. Or, les tuteurs qui ont en charge ces personnes ont en général vocation à ne suivre que les affaires d'ordre financier et n'interviennent pas sur les questions de réparation. Dans ce contexte, au moment de la levée de la mesure d'incapacité, il n'est souvent plus possible aux victimes de solliciter réparation auprès de la justice, l'échéance ayant été dépassée. Le report du délai de prescription à la levée de la mesure d'incapacité comme dans la loi du 17 juin 1998 concernant les mineurs n'est pas applicable. Aucun régime particulier n'existe pour ces victimes. Au regard de cette situation extrêmement pénalisante, il lui demande s'il est envisageable de reporter le délai de prescription et de sensibiliser les tuteurs à ces situations afin que ces victimes puissent jouir de leurs droits de réparation.
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Texte de la REPONSE :
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la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'en application des dispositions de l'article 464 du code civil, le tuteur peut, sans autorisation, introduire en justice une action relative aux droits patrimoniaux du majeur protégé. La carence du tuteur à agir en justice peut certes entraîner la prescription du droit à réparation du majeur protégé victime d'une infraction. Il n'apparaît toutefois pas envisageable de retarder le point de départ de l'action civile de ces victimes à la date de levée de la mesure de protection comme l'a prévu la loi du 17 juin 1998 pour les mineurs au jour de leur majorité ; le caractère hypothétique et indéfini de cette date pour les majeurs protégés aurait en effet pour conséquence d'allonger parfois très sensiblement les délais de prescription et de rendre incertain le terme de celle-ci. De plus, le risque de perte de ce droit à réparation est atténué par le contrôle du tuteur opéré par le conseil de famille, ou à défaut le juge des tutelles. Ces derniers peuvent en effet, conformément aux dispositions de l'article 464 du code civil, enjoindre au tuteur d'introduire une action à peine d'engager sa responsabilité. Par ailleurs, le projet de loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, actuellement en cours de discussion devant le Parlement, comporte de nombreuses dispositions destinées à informer pleinement les victimes de leur droit de se constituer partie civile ou de saisir la commission d'indemnisation de victimes d'infractions. En tout état de cause, il convient d'attendre les résultats des travaux du groupe de travail interministériel sur la réforme du dispositif de protection des majeurs présidé par monsieur le conseiller Favard et mis en place en juin 1999 conjointement par la ministre de l'emploi et de la solidarité, le garde des sceaux et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avant d'envisager les solutions les plus appropriées permettant de résoudre les difficultés soulevées par l'auteur de la question. Le groupe de travail devrait déposer son rapport au cours du premier trimestre de l'an 2000.
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