FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 35285  de  M.   Aubry Pierre ( Rassemblement pour la République - Val-de-Marne ) QE
Ministère interrogé :  culture et communication
Ministère attributaire :  culture et communication
Question publiée au JO le :  04/10/1999  page :  5683
Réponse publiée au JO le :  27/12/1999  page :  7416
Rubrique :  patrimoine culturel
Tête d'analyse :  jardin colonial du bois de Vincennes
Analyse :  restauration
Texte de la QUESTION : M. Pierre Aubry attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'état dans lequel est abandonné le jardin colonial situé dans le bois de Vincennes, à proximité de Nogent-sur-Marne. Celui-ci comportait, et il en reste quelques-unes, des constructions caractéristiques de l'architecture des pays qui avaient fait partie de l'Empire français. Il est regrettable que celles qui subsistent restent en état d'abandon, alors qu'elles constituent pour les peuples intéressés une référence à leur patrimoine architectural. Il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour restaurer le jardin colonial dans son ensemble ainsi que les bâtiments qu'il comporte.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a souhaité appeler l'attention de madame la ministre de la culture et de la communication sur le jardin d'agronomie tropicale, ancien « jardin colonial », situé dans le bois de Vincennes, sur le territoire de la commune de Paris. Ce monument constitue un vaste ensemble, édifié par l'Etat sur des terrains appartenant à la ville et mis à sa disposition pour la création du jardin colonial, dont la vocation était, à sa fondation, en 1899, l'étude des plantes tropicales, en vue de favoriser la réussite économique, et principalement agricole, de la colonisation française. Dès 1902, l'Ecole nationale supérieure d'agriculture coloniale est fondée sur le site du jardin colonial. De cette occupation primitive du jardin subsistent des bâtiments administratifs et des laboratoires construits par l'architecte Barberot, et l'une des grandes serres. C'est la grande exposition coloniale de 1907 qui a laissé au jardin le patrimoine insolite et de grand intérêt qui en fait la réputation. Pour cette manifestation dont nous devons aujourd'hui constater l'ambivalence (illustration des préoccupations de la France en matière de développement de ses colonies, mais aussi « exposition » à la curiosité des visiteurs des populations « indigènes » au sein de villages reconstitués), des pavillons ou frabriques supposés caractéristiques des architectures traditionnelles des pays colonisés furent créés ou remontés au sein du jardin. En subsistent aujourd'hui des constructions originales, qui vont de la reconstitution fantaisie (serre du Dahomey) au « modèle d'exposition » de la maison pour colons (pavillon du Congo). Architectures fragiles au demeurant, dans lesquelles le ciment et le bois sont très présents. La plus célèbre de ces fabriques était incontestablement le « dinh » ou temple indochinois, authentique construction locale, démontée et remontée en France pour l'exposition de Marseille en 1906. Acquis par l'Etat, le temple fut remonté en 1907 sur le site pour l'exposition coloniale. En 1917, il fut concédé à l'association du souvenir indochinois, et consacré à la mémoire des Indochinois morts pour la France. Il fut remis à neuf, doté d'un riche mobilier provenant du Sud-Est asiatique, et doté d'un vaste portique et d'ornements divers par l'architecte Lichtenfelder. La dédicace du temple eut lieu en 1920, en présence d'Albert Sarrault et du maréchal Joffre. Le « dinh » était accompagné, dès 1907, de nombreuses décorations ou fabriques éparses, ornant initialement le « village » indochinois. Furent associés à ce monument à la mémoire des Indochinois tombés lors du premier conflit mondial, en 1920, des monuments aux soldats noirs, malgaches, indochinois chrétiens, cambodgiens et laotiens. En 1948, un projet de vaste complexe fonctionnel fut établi par l'architecte Roux-Spitz. Seule la première phase, comportant la construction d'un grand bâtiment au nord du site, fut menée à bien. Les autres tranches furent abandonnées, ce qui permit la conservation des vestiges du jardin colonial, dont la destruction était programmée. Le jardin colonial, devenu jardin d'agronomie tropicale, est aujourd'hui occupé par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (C.I.R.A.D.), établissement public relevant de la tutelle du ministère de l'éducation nationale et du ministère des affaires étrangères (coopération). Il abrite également la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires du ministère de l'agriculture et de la pêche. L'intérêt des vestiges de l'exposition coloniale de 1907 et leur état de conservation préoccupant avaient conduit le ministère de la culture à inscrire à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, dès 1963, le « dinh » indochinois ; ce temple, dont la gestion avait été concédée en 1983 à la ville de Paris, disparut malheureusement dans un incendie l'année suivante. Le 1er juin 1994 étaient inscrits à l'inventaire supplémentaire la grande serre et la serre du Dahomey, les pavillons de l'Indochine, du Maroc, de la Tunisie, de la Réunion, du Congo et de la Guyane, l'esplanade du dinh disparu et son décor, l'ensemble des fabriques du village indochinois et les monuments aux morts. L'éventualité d'une protection des bâtiments primitifs de Barberot est actuellement étudiée par la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France. La question de la conservation de ces vestiges, nécéssitant une intervention urgente, et de leur mise en valeur, s'est posée depuis le début des années 1990. Le ministère de la culture et de la communication a réuni, en 1998, l'ensemble des institutions et administrations concernées ; un projet se dégage aujourd'hui, qui consisterait en un regroupement des services du C.I.R.A.D. et du ministère de l'agriculture et de la pêche au nord du site ; les pavillons et fabriques de l'exposition coloniale seraient rétrocédés à la ville de Paris, laquelle en effectuerait la restauration, avec le concours de l'Etat, et en assurerait l'ouverture au public, dans le cadre d'un projet en cours d'élaboration. Le ministère de la culture et de la communication suivra avec la plus grande attention l'évolution de ce dossier, concernant des bâtiments dont la fragilité et le caractère pittoresque ne doivent pas faire oublier qu'ils sont les reliques d'une page importante, mais ambiguë et souvent douloureuse, de l'histoire nationale.
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O