Texte de la QUESTION :
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M. Henri Cuq appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre le blanchiment d'argent par le biais de sociétés immobilières de personnes. En effet, lorsqu'un immeuble est détenu par une société de personnes, et en particulier par une société civile, son transfert s'opère par le biais de la cession des droits sociaux. Ce transfert s'opère presque toujours par un acte sous seing privé, sans intervention ni contrôle d'un officier public. Il en résulte diverses fraudes telles que des signatures de cessions en blanc ou à des sociétés fictives. Dans un souci de transparence, plusieurs pays membres de l'Union européenne exigent désormais un acte ou une authentification notariale. Il lui demande donc quelles sont ses intentions en ce domaine.
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Texte de la REPONSE :
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la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle se félicite de la proposition du Conseil supérieur du notariat qui atteste de la volonté de la profession de s'associer à l'action conduite par les pouvoirs publics en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Il apparaît s'avère toutefois que cette proposition, tendant à ce que les statuts ainsi que les cessions de parts de capital des sociétés civiles à prépondérance immobilière soient dressés par acte authentique, ne semble pas de nature à répondre aux objectifs recherchés. En effet, d'une part, la société civile à prépondérance immobilière est une notion fiscale reposant sur des données comptables, aux contours juridiques mal déterminés, qui ne permettrait pas de distinguer les situations dans lesquelles l'acte authentique serait obligatoire de celles dans lesquelles il ne serait que facultatif. D'autre part, les sociétés civiles ne sont pas des supports juridiques uniques de cessions d'immeubles, puisque ces dernières peuvent également être opérées au moyen de cessions de parts de sociétés commerciales. Ainsi, soumettre à l'obligation de l'acte authentique les seules constitutions et cessions de parts de sociétés civiles immobilières ne serait pas très efficace dans la mesure où les cocontractants pourraient contourner la difficulté par la création de sociétés commerciales et, peut-être même, d'associations. Au surplus, les règles applicables au sein de l'Union européenne permettent à quiconque de créer une société dans n'importe quel Etat membre selon les règles applicables dans cet Etat. C'est pourquoi le recours à l'acte authentique n'empêcherait nullement les auteurs d'opérations de blanchiment de venir opérer sur des territoires où n'existe pas ce type de réglementation, par exemple au Royaume-Uni, où la fonction notariale n'existe pas. Enfin, les avantages attachés à la forme authentique ne permettent pas réellement de répondre à l'objectif recherché, consistant à contrôler l'origine des fonds. Même si le notaire obtient des renseignements à ce sujet, il ne dispose pas, en effet, des moyens nécessaires à la vérification de leur véracité. Il faut constater en outre que le contrôle d'origine des fonds n'est pas exigé pour la rédaction d'un acte authentique et que le paiement du prix peut se faire hors la vue du notaire. Il reste, cependant, que des travaux tendant au renforcement de la lutte contre le blanchiment sont actuellement conduits au sein de différentes instances internationales. C'est à la lumière de ceux-ci que des voies nouvelles pourront être explorées pour répondre le plus efficacement aux objectifs poursuivis. D'ores et déjà, le ministère de la justice souhaite favoriser, en droit interne, une plus grande transparence des sociétés civiles, en rendant obligatoire l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de celles qui ont été créées avant 1978. Une telle formalité permettrait de lever l'opacité actuelle, soulignée par la profession.
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