Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Claude Perez appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur le traitement des fonctionnaires suspendus pendant l'instruction d'une plainte au pénal, reconnus par la suite innocents des faits qui leur étaient reprochés et réintégrés de plein droit dans leur administration d'origine. Dans l'exercice de leur fonction, nombre de fonctionnaires peuvent faire l'objet de plaintes entraînant des poursuites judiciaires et des suspensions administratives. Il constate que, dans ce cas précis, la présomption d'innocence est largement bafouée dans la mesure où l'administration, avant que la justice ait pu statuer, se substitue au droit en amputant largement le traitement du fonctionnaire. Cette situation génère, au-delà du désarroi qui s'empare de ce dernier, d'énormes difficultés financières. Il regrette que la sanction se trouve encore accentuée lorsque l'administration d'origine, contrainte à procéder à la réintégration du fonctionnaire déclaré innocent et relaxé par la justice, refuse cependant de lui verser le rappel des sommes amputées durant sa suspension. Au moment où la justice a dit le droit et démontré ainsi que le fonctionnaire avait été abusivement privé d'une partie de son traitement, l'obstination de l'administration ne peut s'apparenter qu'à une brimade sans fondement. En conséquence, il lui demande de lui faire connaître les textes administratifs précis régissant ce type d'affaires qui semblent être interprétées différemment par les administrations départementales. Il lui demande, en outre, les dispositions qu'il compte prendre pour mettre fin à ce déni de justice afin que les fonctionnaires, comme l'ensemble de nos concitoyens, puissent bénéficier de la présomption d'innocence et que, d'autre part, ils soient réintégrés de plein droit dans leur administration d'origine avec rétablissement rétroactif de l'intégralité de leurs droits lorsqu'ils bénéficient d'une décision de relaxe définitive.
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Texte de la REPONSE :
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L'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose qu'en cas de faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, le fonctionnaire peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois, à l'expiration duquel, en l'absence de décision prise par l'autorité disciplinaire, il est rétabli dans ses fonctions. Ce n'est que dans l'hypothèse où le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales que la suspension peut être prolongée au-delà de quatre mois ; le fonctionnaire peut alors subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de sa rémunération, mais il continue à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. Il résulte de ces dispositions que la suspension est une faculté allouée à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, c'est-à-dire à celle investie du pouvoir de nomination, qui lui permet d'éloigner temporairement du service un fonctionnaire sur lequel pèse une présomption sérieuse de faute grave, dans l'intérêt du service comme dans l'intérêt même de l'agent, notamment afin de permettre à ce dernier de préparer utilement sa défense lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales. La suspension est une mesure conservatoire, qui n'a aucun caractère disciplinaire et ne préjuge en rien de la qualification juridique donnée ultérieurement aux faits, ni des suites décidées sur le plan pénal ou disciplinaire. L'administration peut, d'ailleurs, y mettre fin à tout moment. Le fonctionnaire suspendu bénéficie bien évidemment de la présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'a pas été reconnue par le juge pénal. Il demeure en position d'activité et bénéficie de tous les droits reconnus aux fonctionnaires par la loi du 13 juillet 1983 précitée, y compris du droit à la protection fonctionnelle instituée par l'article 11 de cette loi. S'agissant de l'incidence pécuniaire de la décision de suspension, comme il a été rappelé ci-dessus, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement, de l'indemnité de résidence et des suppléments pour charges familiales pendant quatre mois. Passé ce délai et dans le seul cas où il fait l'objet de poursuites pénales et où l'administration choisit de maintenir la mesure de suspension, cette dernière a la possibilité de réduire sa rémunération dans la limite maximale de la moitié. Au surplus, le Conseil d'Etat a reconnu, dans une décision concernant un agent non titulaire, transposable aux fonctionnaires, qu'au terme de la période de suspension l'agent a droit, dès lors qu'aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prononcée à son encontre, au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension (CE, Assemblée, 29 avril 1994, M. Colombani). Le pouvoir de suspension est exercé sous le contrôle du juge administratif, qui vérifie que les griefs articulés à l'appui de la décision sont réels et que le caractère de gravité de la faute invoquée est établi et engage, le cas échéant, la responsabilité pour faute de l'administration en cas de décision illégale de suspension, le fonctionnaire se voyant allouer une indemnité réparatrice du préjudice subi.
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