Texte de la QUESTION :
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M. Gérard Revol attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le recours abusif fait par certaines entreprises aux contrats de travail à temps partiel et aux contrats à durée déterminée. Les dispositions législatives et réglementaires prises en faveur du travail à temps partiel avaient entre autres buts, à l'origine, de favoriser l'embauche de personnes en recherche d'emploi, mais indisponibles partiellement, souvent pour raisons familiales. Par ailleurs, selon le code du travail et la jurisprudence, le recours aux contrats à durée déterminée devrait être limité à des périodes de hausse ponctuelle de l'activité ou à des remplacements. Cet esprit a cependant été détourné par certaines entreprises qui recourent abusivement à ces formes de contrats de travail, et même souvent de manière cumulée. C'est le cas des grandes sociétés de distribution qui imposent à leurs employés - en grande majorité des femmes - des contrats à temps partiel en même temps qu'à durée déterminée, renouvelables de manière quasi illimitée. Ainsi, le temps partiel est souvent subi plutôt que choisi. Les changements d'horaires impromptus sont annoncés la veille ou le jour même. Les contrats de travail sont conclus pour trois heures hebdomadaires, uniquement les dimanches et jours fériés. Les CDD de un à trois mois sont renouvelés vingt à trente fois en prenant pour prétexte des changements de poste souvent fictifs. Ces femmes sont ainsi soumises à une pression psychologique extrême, pour un salaire qui dépasse souvent à peine le revenu minimum d'insertion. Le recours systématique à ces formes de contrats, qui bénéficient par ailleurs d'aides substantielles de l'Etat, devient pour certaines entreprises le mode normal de gestion des ressources humaines. Il participe également, par son effet de masse, à accroître la distorsion de concurrence entre la grande distribution et le petit commerce. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures elle envisage de prendre pour faire cesser ces abus.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire appelle l'attention de madame la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le recours abusif aux contrats à durée déterminée et à temps partiel. Il demande quelles mesures sont envisagées afin d'enrayer la progression de ces formes d'emploi et le détournement systématique de la loi dans les modalités d'utilisation de ces contrats. Le régime du travail à temps partiel a fait l'objet de deux textes législatifs récents tendant à encadrer le recours à cette forme de travail qui connaît un fort développement dans notre pays. La loi quinquennale du 20 décembre 1993 avait ouvert la possibilité de déroger par accord d'entreprise à certaines règles fixées par le code du travail (réduction du délai de prévenance en deçà de sept jours en cas de modification de la répartition de la durée du travail fixée au contrat, report du volume des heures complémentaires pouvant être demandées au salarié du dixième au tiers de la durée du travail). Cette situation a entraîné certaines dérives de nature à faire obstacle à un véritable travail à temps partiel choisi. Dans ces conditions, la loi du 13 juin 1998 a réservé la faculté de déroger aux règles précitées à la négociation de branche. En outre, elle a posé le principe que la journée de travail ne pouvait être interrompue que par une seule coupure, d'une durée au plus égale à deux heures en laissant la faculté à la négociation de branche de fixer des règles différentes sous réserve de définir, par accord étendu, des contreparties spécifiques au bénéfice des salariés. La loi a également mis en place un mécanisme permettant d'obtenir la révision de la durée du travail fixée par son contrat lorsque sa durée du travail moyenne sur douze semaines a dépassé la durée contractuelle. Le bilan des négociations impulsées par la loi du 13 juin 1998 montre le bien-fondé de l'orientation qui a été retenue puisque des contreparties substantielles ont été négociées au profit des salariés, principalement de deux types : d'une part, des garanties assurant aux salariés à temps partiel le bénéfice des droits reconnus aux salariés à temps plein, d'autre part une durée minimale de travail fixée au contrat (contrat de 20 heures dans la restauration collective ou la restauration rapide, de 26 heures dans la grande distribution ou encore de 16 à 22 heures dans le secteur des parcs et loisirs). Ainsi, alors que la loi du 20 décembre 1993 avait rendu possible la mise en place d'un temps partiel annualisé par simple avenant au contrat de travail, la seconde loi conditionne la modulation du temps partiel sur une base annuelle à la conclusion d'un accord collectif. Par ailleurs, elle met en place un régime - l'intermittence spécialement adaptée aux emplois qui comportent par nature des périodes d'interruption et dont l'application est également liée à la conclusion d'un accord. Le temps partiel annualisé source de précarité pour les salariés et inadapté aux besoins des entreprises et donc remplacé par deux régimes répondant chacun à des besoins distincts mais qui reposent tous deux sur la négociation collective. Toutefois, l'organisation du temps de travail sur l'année, qu'il s'agisse du temps partiel modulé ou du traval intermittent, sera désormais subordonnée à un accord de branche étendu ou à un accord d'entreprise afin d'assurer une meilleure prise en compte des intérêts des salariés. La loi du 19 janvier 2000, apporte de nouvelles garanties aux salariés à temps partiel. Ainsi, la nouvelle définition du travail à temps partiel qui prévoit qu'est à temps partiel tout salarié dont la durée du travail est inférieure à la durée légale ou conventionnelle met un terme à la situation de non-droit dans laquelle se trouvaient les salariés dont la durée du travail était comprise entre le seuil d'un cinquième par rapport à la durée légale et qui, de ce fait, ne bénéficiaient ni des garanties liées au statut de salarié à temps plein, ni de celles inhérentes au statut de salarié à temps partiel. Par ailleurs, la loi encadre davantage les possibilités de refus d'une modification de la durée et des horaires de travail des salariés à temps partiel. Le contrat de travail devra désormais définir les cas et la nature des éventuelles modifications de la répartition de la durée du travail. En cas de méconnaissance de cette obligation, le salarié pourra refuser toute modification de la répartition de sa durée de travail sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement. Si le contrat satisfait à cette obligation, le salarié pourra refuser en tout état de cause une modification de la répartition de sa durée de travail, dès lors que celle-ci serait incompatible avec des obligations familiales impérieuses, le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, ou l'exercice d'une autre activité professionnelle, salarié ou non salarié. Le contrat devra également préciser les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués au salarié. Enfin, afin d'éviter un recours abusif aux heures complémentaires, la loi du 19 janvier 2000 reprend et complète le mécanisme d'intégration à la durée contractuelle des heures complémentaires régulièrement effectuées figurant dans la loi du 13 juin et institue une majoration de salarie de 25 % des heures complémentaires effectuées au-delà de limite de 10 % de la durée contractuelle. La loi du 19 janvier 2000 diversifie les formes de travail à temps partiel choisi. D'une part, un salarié pourra bénéficier, à titre individuel, de périodes d'une semaine ou plus non travaillées comme par exemple tout ou partie des congés scolaires, pour des raisons liées à la vie familiale. D'autre part, la loi élargit à la négociation d'entreprise les modalités de mise en oeuvre du temps partiel choisi et définit, en l'absence d'accord collectif, les règles encadrant le passage, à la demande d'un salarié, d'un emploi à temps complet à temps partiel. Ainsi, l'employeur ne pourra refuser de faire droit à une demande de l'un de ses salariés que pour des raisons précises, limitativement énumérées et, en tout état de cause, sera tenu de préciser par écrit ces motifs. Enfin la loi supprime, au plus tard un an après l'abaissement de la durée légale du travail à 35 heures, les dispositions de l'article L. 322-12 relatif à l'abattement de charges sociales en cas d'embauche d'un salarié sous contrat à durée déterminée à temps partiel à l'exception des contrats en cours à la date de la réduction de la durée légale du travail. Par ailleurs, elle limite le bénéfice de l'allègement des cotisations sociales à la charge de l'employeur prévue par l'article 19 aux salariés dont la durée stipulée au contrat de travail est au moins égale à la moitié de la durée collective du travail applicable dans l'entreprise. L'ensemble de ces dispositions est donc de nature à garantir que le travail à temps partiel correspond à un choix véritable des salariés et ainsi à répondre aux légitimes préoccupations de l'honorable parlementaire sur les conditions de travail des salariés exerçant une activité à temps partiel, et notamment des femmes occupant un emploi à temps partiel. Concernant les formes précaires d'emploi, il convient tout d'abord rappeler que tous les recours aux contrats à durée déterminée ne constituent pas un détournement systématique de la loi par les employeurs. L'utilisation de ce type de contrats peut répondre en effet à un besoin réel de certaines entreprises qui disposent ainsi des souplesses nécessaires pour affronter la concurrence nationale et internationale et les aléas de la conjoncture économique. L'utilisation de ces contrats s'effectue alors dans les cas de recours énumérés limitativement par la loi, le surcroît temporaire d'activité étant le cas de recours le plus largement répandu avec le remplacement de salarié absent. Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de dérives sont effectivement constatées dans le recours au contrats à durée déterminée, dérives dues à une utilisation structurelle de ces contrats pour pourvoir des postes permanents. Le recours aux contrats de travail précaire ne pouvant pas être un mode de régularisation permanent des effectifs dans une entreprise, le Gouvernement a fait de la lutte contre le travail précaire une des actions prioritaires de l'inspection du travail pour 1999. Les contrôleurs et inspecteurs du travail font en l'espèce preuve d'une très grande vigilance. Outre les efforts de conseil et d'information que déploient les services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité pour informer les entreprises qui recourent à ce type de contrat, ils effectuent de nombreux contrôles dans les entreprises qui aboutissent le plus souvent à une mise en conformité des contrats. Ils veillent notamment à une utilisation des contrats à durée déterminée conforme aux dispositions légales les régissant. Par ailleurs, une démarche en vue de mobiliser les partenaires sociaux, au niveau des branches professionnelles, a été engagé par le ministère de l'emploi et de la solidarité afin que ceux-ci négocient et s'accordent pour faire baisser les taux excessifs de recours aux emplois précaires et mettent en place, en fonction des situations économiques et de l'emploi propres aux branches, des solutions visant à améliorer les trajectoires professionnelles des travailleurs précaires et à développer les moyens d'accès à la qualification. Cette négociation n'ayant pas eu lieu, le gouvernement a pris alors l'engagement que seront présentées au cours de la présente session parlementaire différentes mesures de maîtrise du recours au travail précaire. Elles sont incluses dans le projet de loi de modernisation sociale qui est en cours de préparation.
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