Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la tendance de plus en plus affirmée et inquiétante qui consiste à utiliser les rapports psychiatriques des médecins du travail pour permettre aux employeurs de refuser d'embaucher les salariés, notamment et surtout s'ils sont syndiqués. La pratique n'est pas nouvelle, et les cas ne sont pas aussi isolés qu'il y paraît, car nombreux sont les élus qui sont saisis de litiges similaires même si le fondement de la discrimination diffère d'une affaire à l'autre. En l'occurrence, pour prendre un exemple récent, un jeune employé intérimaire de la SNCF qui souhaitait devenir contrôleur se retrouve sans emploi après une semaine stage, à la suite de l'avis motivé du psychiatre qui fait allusion « aux engagements » de l'intéressé « dans des organisations à caractère humanitaire et social ». En premier lieu, ceci pose le problème de savoir qu'elles sont les prérogatives et les limites des médecins du travail qui doivent être nécessairement consultés, comme le code du travail le précise pour éviter de mettre la vie des autres en danger. Cependant, ces médecins sortent de leur rôle de conseil et de leurs compétences strictement médicales quand ils font référence à des faits qui ne relèvent pas d'expertises purement psychiatriques ou psychologiques et sans rapport avec le poste de travail. En second lieu, si l'employeur a une liberté à l'embauche, il ne faut pas perdre de vue que des discriminations fondées sur l'appartenance à un parti politique, un syndicat, ou une association, sont prohibées par la loi. Il ne faudrait pas que la pratique de la médecine légale aboutisse à des sélections détournées et abusives contraires à nos libertés les plus fondamentales. C'est pourquoi il lui demande de faire un bilan de ces pratiques, de leur impact, et des diverses formes qu'elles peuvent prendre. A ce titre une enquête approfondie paraît nécessaire, voire la création d'une commission pour faire des propositions destinées à éviter ce type de dérives.
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Texte de la REPONSE :
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L'attention de la ministre de l'emploi et de la solidarité a été appelée sur l'utilisation par les employeurs de données à caractère médical et, plus particulièrement, de rapports psychiatriques établis par les médecins du travail ou à leur demande, pour refuser l'embauche de salariés syndiqués. Comme le soulignel'honorable parlementaire, la loi prohibe toute pratique discriminatoire fondée sur les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes d'un salarié. Plus généralement, l'article L. 122-45 du code du travail prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, dans le cadre du Titre IV du Livre II du code du travail et précise que tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit. Les articles 225-1 à 225-4 du nouveau code pénal permettent, en outre, de sanctionner tout refus d'embauche discriminatoire fondé sur l'état de santé ou le handicap du salarié, dès lors que l'inaptitude n'est pas constatée par le médecin du travail. Les sanctions pénales prévues sont de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende. Le médecin du travail est en effet seul juge de l'aptitude médicale d'un salarié, c'est-à-dire de l'adéquation entre son état de santé et les contraintes inhérentes au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter. Le médecin du travail, en sa qualité de médecin, est soumis au respect du code de déontologie médicale et, donc, au secret médical. Le fait qu'il soit lié à son employeur par un contrat de travail n'enlève rien à ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance de ses décisions. En aucune circonstance, il ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part de l'entreprise qui l'emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l'intérêt des salariés et de leur sécurité au sein des entreprises où il exerce. Le médecin du travail est, en outre, responsable des dossiers médicaux des salariés dont il assure la surveillance médicale ; il ne peut, en application de l'article R. 241-56 du code du travail, communiquer ces dossiers qu'aux médecins inspecteurs régionaux ou, sur demande d'un salarié, au médecin choisi par celui-ci. A l'issue de l'examen médical d'embauchage, le médecin du travail remet au salarié une fiche d'aptitude ; une double de cet avis est également adressé à l'employeur. Sur cet avis ne doit figurer aucune donnée à caractère médical, ni indication concernant la pathologie dont souffre le salarié. Le médecin du travail qui souhaite, avant de se prononcer sur l'aptitude d'un salarié, recueillir l'avis d'un confrère spécialiste, peut le faire, mais là encore cette pièce est couverte par le secret médical et ne doit en aucun cas être communiquée à l'employeur. L'employeur, quant à lui, ne peut pas exiger que le salarié se soumette à un examen psychiatrique. Par ailleurs, compte tenu des conséquences importantes que l'avis d'aptitude peut emporter sur le contrat de travail, le législateur a prévu une possibilité de contestation de cet avis auprès de l'inspecteur du travail. Ainsi, l'article L. 241-10-1, alinéa 3, du code du travail prévoit qu'« en cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur régional du travail ». La jurisprudence a précisé que cette voie de recours administratif était ouverte tant à l'employeur qu'au salarié, en cas de contestation portant sur l'état de santé du salarié ou la nature des postes de travail que cet état de santé lui permet d'occuper.
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