Texte de la QUESTION :
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M. Jean Marsaudon appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur l'application du décret n° 62-1389 du 22 novembre 1962 relatif à la révision de l'indemnité dite différentielle créée au bénéfice des fonctionnaires issus du personnel ouvrier des corps de « techniciens supérieurs d'études et de fabrication » ou « d'ingénieurs d'études et de fabrication » de l'ordre technique du ministère de la défense. Ce décret a institué une indemnité différentielle égale « à la différence entre, d'une part, le salaire maximal de la profession ouvrière à laquelle appartenaient les anciens ouvriers ou le salaire réellement preçu par les anciens contractuels à la date de leur nomination et, d'autre part, la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaire ». Cette indemnité devait faire l'objet d'une révision suite au deuxième modificatif du 13 mars 1998 de l'instruction n° 154/DEF/SGA du 20 février 1995 relative à la nomenclature des professions aéronautiques, d'accéder à l'échelle de rémunération hors catégorie C. Ce texte n'est pas appliqué par l'administration. Celle-ci refuse de prendre en compte cette nouvelle catégorie pour le calcul de l'indemnité différentielle. Elle considère que le montant de l'indemnité différentielle est déterminé, pour toute la période d'activité d'un agent, à la date de sa nomination dans les corps des fonctionnaires et que les modifications éventuelles de la nomenclature des professions ouvrières qui interviennent postérieurement à la date de nomination ne produisent pas d'effet sur les modalités de calcul de l'indemnité. L'administration interprète manifestement le décret dans un sens contraire à la volonté du législateur. C'est en effet l'occasion de la création d'une indemnité différentielle pour les techniciens d'étude et de fabrication issus des agents contractuels, que le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 a été institué. Le législateur a repris dans ce décret la clause relative à l'octroi de l'indemnité différentielle accordée aux TEF issus des ouvriers et fixée jusqu'à présent dans le décret n° 53-1221 du 8 décembre 1953 (art. 8). La circulaire d'application du décret de 1962 précise clairement que rien ne se trouve donc changé en ce qui concerne ces derniers personnels. Il convient de rappeler que le décret de 1953 prévoyait que « les techniciens d'étude et de fabrication provenant du personnel ouvrier perçoivent, le cas échéant, une indemnité égale à la différence entre la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaire et celle qui correspond au salaire maximal de la profession ouvrière à laquelle ils appartenaient ». Déjà en 1981, l'arrêt Houdayer du Conseil d'Etat, définissant la notion de salaire maximal, avait contraint l'administration à mettre son mode de fonctionnement en conformité aves les dispositions du décret de 1962. Le défaut d'application apparu en 1998, suite à la modification de la nomenclature ouvrière est d'autant plus incompréhensible que l'administration prend la nouvelle catégorie en compte pour le régime de pension. D'ailleurs, nouveau paradoxe, la circulaire d'application relative au régime des pensions précise que « les éléments servant de base à la liquidation de la pension ouvrière sont très exactement ceux qui servent dans le calcul de l'indemnité différentielle perçue par l'intéressé ». Il est donc clairement exprimé dans la loi n° 59-1479 du 28 décembre 1959 pour les pensions et dans le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 pour les rémunérations, que le législateur voulait que les ouvriers de la défense nationale qui ont intégré le corps des TSEF ne subissent pas de perte de revenus par rapport à ceux auxquels ils auraient pu prétendre s'ils étaient restés ouvriers. Il ne semble donc pas que cette disposition doive être remise en caue par les dispositions relatives aux TSEF issus d'agents contractuels et il souhaiterait que les personnels concernés puissent être rapidement rassurés à cet égard.
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Texte de la REPONSE :
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Il convient tout d'abord de rappeler que tous les techniciens d'études et de fabrications (TEF) ont été intégrés le 1er novembre 1989 dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF) à l'occasion d'une réforme statutaire intervenue en faveur des fonctionnaires de ce corps. Cette réforme a conduit à une amélioration très sensible du déroulement de carrière de ces personnels qui bénéficient depuis d'un classement indiciaire intermédiaire (CII). A cette occasion, un nouveau dispositif d'indemnité compensatrice a été mis en place au profit des fonctionnaires du corps des TSEF issus des ouvriers de l'Etat. Toutefois, les TEF intégrés dans le corps des TSEF ont pu conserver le régime de l'indemnité différentielle, prévu par le décret du 23 novembre 1962, s'ils en bénéficiaient à la date de leur intégration et s'il était plus favorable que le nouveau dispositif. Le décret du 23 novembre 1962 a repris le principe de l'indemnité différentielle prévue à l'article 8 du décret n° 53-1221 du 8 décembre 1953 qui fixait le statut commun des corps de techniciens d'études et de fabrications des arsenaux, établissements et services du ministère de la défense nationale. Toutefois, il est de jurisprudence constante que nul ne peut se prévaloir de dispositions réglementaires abrogées, ce qui est le cas du décret du 8 décembre 1953. En tout état de cause, et ainsi que l'indiquait la circulaire n° 30782/MA/ DPC/CRG du 16 janvier 1963 relative à l'application du décret du 23 novembre 1962, ce texte n'a ps modifié la situation des TEF issus des ouvriers. Ces personnels ont continué à bénéficier d'une indemnité différentielle calculée par référence au salaire maximum de la profession ouvrière à laquelle ils appartenaient à la date de leur nomination. En revanche, cette circulaire précisait la situation des agents non titulaires au regard de ce régime indemnitaire. Pour ces agents, c'est le salaire réellement perçu à la date de la nomination qui sert de référence au calcul de l'indemnité différentielle, et non le salaire maximum de la catégorie d'agents non titulaires à laquelle ils appartenaient à la date de leur nomination en qualité de TEF. Par ailleurs, l'économie générale du décret du 23 novembre 1962 prévoit l'octroi d'une indemnité différentielle aux TEF provenant des ouvriers ou des contractuels lorsque, à la date de leur nomination, la rémunération qu'ils perçoivent en qualité de fonctionnaires est inférieure à la rémunération qu'ils percevaient en qualité d'ouvrier ou de contractuel. Lorsque ce droit est ouvert, le montant de l'indemnité « est égal à la différence entre, d'une part, le salaire maximum de la profession ouvrière à laquelle appartenaient les anciens ouvriers ou le salaire réellement perçu par les anciens contractuels à la date de leur nomination et, d'autre part, la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaires ». Il découle donc des termes mêmes du décret que le salaire maximum de la profession ouvrière s'apprécie à la date de la nomination en qualité de fonctionnaire. Il convient de souligner en outre que ce salaire n'est pas le salaire réellement perçu mais celui susceptible d'être atteint. Il est à préciser que les dispositions du décret du 23 novembre 1962 ne prévoient pas de révision de l'indemnité différentielle en cas de modification de la nomenclature des professions ouvrières. Il est cependant procédé à sa revalorisation sur les bases déterminées à la date de nomination dans le corps des TEF à chaque fois que varie l'un des éléments constitutifs de ces bases. C'est ainsi que les évolutions du taux horaire ouvrier ou de la valeur du point d'indice de la fonction publique, pour ne citer que les principaux éléments, entraînent la fixation du nouveau montant de l'indemnité différentielle accordée au titre du décret du 23 novembre 1962. L'attention de l'honorable parlementaire est appelée sur la constance de la doctrine du ministère de la défense en ce qui concerne l'application du décret du 23 novembre 1962. La circulaire n° 300354/DEF/DFP/PER/2 du 19 février 1991 a d'ailleurs repris les modalités antérieures d'application des régimes des indemnités compensatrice et différentielle attribuées à certains TSEF et à certains ingénieurs d'études et de fabrications (IEF), en les complétant des précisions nécessaires à l'application des régimes introduits à compter du 1er novembre 1989. Son paragraphe I.2.3 d indique très clairement que « les modifications de la nomenclature des professions ouvrières ou des techniciens à statut ouvrier (TSO) qui interviennent ultérieurement à la nomination en qualité de TEF ou de TSEF ne peuvent avoir d'incidence sur la base de calcul d'une indemnité différentielle déjà versée ». Cette indication ne constitue aucunement une innovation dans l'application du décret du 23 novembre 1962. Dans l'arrêt Houdayer (9 janvier 1981) mentionné par l'honorable parlementaire, le Conseil d'Etat a donné l'interprétation du principe énoncé dans la loi d'option du 28 décembre 1959, selon lequel le « salaire maximum » susceptible d'être perçu dans la profession ouvrière exercée par les agents au moment de leur nomination dans un corps de TEF doit servir de base à la liquidation de leurs pensions ouvrières. Il a estimé que cette notion de « salaire maximum » devait s'entendre dans son sens strict, sans autre considération de fait. Une note d'information n° 32483/DEF/DPC/RGB/2 du 12 août 1985 visait déjà à éviter toute confusion entre le dispositif de l'indemnité différentielle prévue par le décret du 23 novembre 1962 et le dispositif du droit d'option pour une pension ouvrière ouvert aux fonctionnaires de l'ordre technique au titre de la loi n° 59-1459 du 28 décembre 1959. En effet, ces deux dispositifs, relevant de deux logiques différentes, se réfèrent à la notion de salaire maximum de la profession ouvrière d'appartenance pour les modalités de calcul des droits qu'ils ouvrent. La note précitée distingue très précisément le salaire maximum à prendre en considération dans l'un et l'autre cas. Ces maxima peuvent être différents si des modifications de la nomenclature des professions ouvrières sont intervenues entre la date de nomination dans le corps des TEF puis des TSEF et la date de radiation des cadres si le fonctionnaire exerce son droit d'option. Dans l'hypothèse contraire, ces maxima sont bien évidemment identiques. Enfin, il est précisé que de nombreuses requêtes ont été introduites devant les tribunaux administratifs par des TSEF auxquels le ministère de la défense a opposé un refus de révision de leur indemnité différentielle sur la base du deuxième modificatif de la nomenclature des professions ouvrières du 13 mars 1998, pour les motifs exposés ci-dessus. Le ministère de la défense s'en remet donc à la décision du juge administratif pour trancher ce différend.
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