Rubrique :
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marchés publics
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Tête d'analyse :
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passation
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Analyse :
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critères sociaux. réglementation
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Texte de la QUESTION :
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M. Yves Bur attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'utilisation de la clause du mieux-disant social dans les marchés publics. Le tribunal administratif de Strasbourg vient de juger illégale l'insertion d'une telle clause dans un marché public passé entre une communauté urbaine et une structure d'insertion au motif que celle-ci constituait un critère discriminatoire et ne respectait pas le principe de liberté et d'égalité des candidats dans le cadre de cet appel d'offres. Selon les dispositifs juridiques existants, seuls les critères mentionnés aux article 97 bis et 299 ter du code des marchés publics (valeur technique des projets, prix des prestations, coût d'utilisation, délais d'exécution...) sont applicables. Ils doivent respecter les règles de concurrence, de transparence et d'égalité de traitement. Néanmoins, des critères additionnels peuvent compléter ce dispositif et sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. L'introduction de tels critères permet de pondérer les critères légaux du code et répond ainsi au mieux à l'objectif d'une commande publique. Le critère du « mieux-disant social » est donc concerné par cette ouverture. Outre le rapport qualité/prix du marché, il introduit les actions pouvant être menées par l'entreprise en faveur de l'emploi, de l'insertion ou de la lutte contre les exclusions. Déjà la circulaire interministérielle du 29 décembre 1993 proposait d'introduire dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres les clauses relatives à l'emploi. La circulaire du 14 décembre 1995 a confirmé cette orientation. Toutefois, ces documents n'ont aucune valeur réglementaire et le Conseil d'Etat a confirmé leurs simple valeur de déclaration d'intention (CE du 10 mai 1999). Donc, ce critère du « mieux-disant social » doit être une simple intention spécifique qui ne doit pas créer d'effets discriminatoires entre les candidats. Cette position a été confirmée par le Conseil constitutionnel qui a censuré l'article 17 de la loi du 29 juillet 1998 relatvie à la lutte contre les exclusions. Si cette approche sociale des commandes publiques, qui n'est pas un objectif du code des marchés publics, peut être soutenue par des politiques locales d'encouragement à l'emploi, les règles de la concurrence doivent toujours être respectées. C'est pourquoi, la portée de ces circulaires impose des limites au critère du mieux-disant social. Alors que la décision du tribunal administratif de Strasbourg rappelle que la clause du mieux-disant social est dépourvue de toute valeur normative, il est urgent de préciser par un prochain projet de loi la nécessité de prendre en compte cette approche sociale du rôle de la commande publique tout en respectant les règles de la concurrence. L'écart flagrant entre le cadre législatif actuel et les pratiques mises en oeuvre nécessite des adaptations juridiques qui permettraient de préciser les conditions d'utilisation de ce critère, de fixer les limites d'utilisation et de garantir la sécurité juridique des contractants. Il souhaiterait donc connaître les réactions du Gouvernement sur ces propositions qui permettraient d'éviter la mise en péril du secteur de l'insertion.
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Texte de la REPONSE :
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Le tribunal administratif de Strasbourg a jugé récemment (30 novembre 1999) qu'était illégale l'insertion d'une clause de « mieux-disant social » dans un marché public. Il a ainsi fait une application rigoureuse de la règle selon laquelle les critères d'attribution des marchés publics ne doivent pas être étrangers à l'objet du marché. Cette règle est affirmée dans le code des marchés publics, mais elle est également contenue dans les directives communautaires sur les marchés publics. La Cour de justice des Communautés européennes s'était d'ailleurs prononcée dans le même sens que le tribunal de Strasbourg, dans un arrêt de 1988. Deux exigences contradictoires se trouvent ici en présence. D'une part, les marchés publics devraient pouvoir constituer un instrument, parmi d'autres, de soutien aux actions d'insertion ou de réinsertion. D'autre part, le droit de la commande publique est régi par le principe d'égalité d'accès des entreprises aux marchés publics, qui prohibe toute mesure discriminatoire au profit d'une catégorie particulière de fournisseurs. Des solutions existent néanmoins qui permettent de prendre en compte des aspects sociaux dans les marchés publics. Tout d'abord, il doit être clair que les entreprises dites du tiers secteur, comme les régies de quartier ou les entreprises d'insertion peuvent concourir aux marchés publics, dans des conditions d'égalité avec les autres entreprises candidates. Par ailleurs, si une offre ne peut être retenue pour un marché sur la base de ce qu'on appelle le « mieux-disant social », en revanche, les acheteurs publics sont en droit d'imposer, dans leurs cahiers des charges, à toutes les entreprises, de souscrire à des obligations à caractère social. De tels engagements de moyens demandés identiquement à toutes les entreprises concurrentes ne sauraient donc servir à les départager mais s'imposent ensuite au titulaire du marché. Dans le cadre de la réforme du code des marchés publics, il conviendra que les textes fassent apparaître ces possibilités sans l'ambiguïté qui caractérise en ce domaine le code actuel.
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