FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 398  de  M.   Cochet Yves ( Radical, Citoyen et Vert - Val-d'Oise ) QG
Ministère interrogé :  affaires européennes
Ministère attributaire :  affaires européennes
Question publiée au JO le :  12/02/1998  page :  1459
Réponse publiée au JO le :  12/02/1998  page :  1459
Rubrique :  relations internationales
Tête d'analyse :  commerce international
Analyse :  AMI. négociations
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Monsieur le président, mes chers collègues, je vais une nouvelle fois poser une question relative à l'AMI, l'accord multilatéral sur l'investissement, en l'adressant à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Pierre Lellouche. Mettez-vous d'accord entre vous !
M. Yves Cochet. L'Union européenne conduit actuellement, au sein de l'OCDE, les négociations sur ce futur accord multilatéral sur l'investissement. D'ici à la fin de l'année, il sera probablement demandé aux parlements des pays de l'Union - dont, je l'espère, le nôtre - de le ratifier. Je dis «probablement», parce que, jusqu'à présent, nous n'avons pas eu d'informations suffisamment précises en la matière. Quand disposerons-nous du texte de cet accord et quand sera-t-il soumis à ratification ?
Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de solliciter rapidement une analyse approfondie et accessible au public des incidences de cet accord sur la législation européenne ? Plus précisément, nous souhaitons obtenir des éclaircissements pour savoir si les obligations prévues par l'AMI, notamment en matière de statu quo et de démantèlement, pourraient faire obstacle à une harmonisation plus poussée des législations au sein des Etats membres de l'Union européenne. Le Parlement européen sera-t-il lui-même consulté sur la conclusion de l'AMI au nom de l'Union européenne, selon la procédure de l'avis conforme, en application de l'article 228, paragraphe 3, du traité de l'Union ?
Compte tenu de la primauté que l'AMI accorde à l'économique sur le politique, ce que je regrette, il aura des conséquences à mon avis dévastatrices pour la démocratie. Pour éviter cela, quelle institution démocratique et de contrôle effectif sur les transactions économiques et financières envisagez-vous de proposer à l'échelon européen ?
M. Jacques Myard et M. Michel Bouvard. Aucune !
M. Yves Cochet. Quelle est la position de la Commission européenne dans les négociations sur l'AMI ? En particulier, les normes sociales et environnementales européennes seront-elles intégrées au traité ?
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que l'AMI ne s'opposera pas à l'approfondissement et à l'élargissement de l'Union européenne, compte tenu de la clause REIO relative aux espaces d'intégration économique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, l'AMI est-il notre ami ou notre ennemi ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Pierre Lellouche. Très fort ! Il fallait oser !
M. Christian Cabal. Il l'a fait !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. Je vais essayer de répondre à cette question, d'abord en décrivant la situation, ensuite en indiquant quelles sont nos conditions et comment nous exercerons notre vigilance.
Cet accord multilatéral sur les investissements dont la négociation est engagée depuis mai 1995 vise à renforcer la discipline en matière de libéralisation et de protection des investissements entre les pays industrialisés. A cet égard, je vous rappelle que, au sein de l'OCDE, la Commission européenne ne négocie que sur les sujets relevant de sa compétence et pour lesquels le Conseil lui a donné mandat. Pour les autres thèmes, les Etats continuent de négocier directement.
A notre connaissance, l'objectif actuel est de parvenir à faire signer l'accord lors de la réunion ministérielle des pays de l'OCDE en avril 1998. Néanmoins, compte tenu des difficultés de la négociation, il est loin d'être certain que ce calendrier puisse être tenu. En tout état de cause, cet accord, lorsqu'il aura été signé, sera soumis à votre ratification sur la base d'une information précise.
Pour ce qui est de la compétence communautaire, je n'ai pas de raison de douter que la Commission ne s'écartera pas des procédures démocratiques habituellement suivies en la matière.
Sur le fond nous pouvons avoir, même si cela se discute, un intérêt à conclure cet accord. Il constitue, en effet, une occasion de faire lever certains obstacles que rencontrent nos investisseurs dans les Etats fédérés. Cela étant, comme l'a précisé Dominique Strauss-Kahn en répondant à votre question sur le même sujet, la semaine dernière, nous ne signerons pas cet accord tant que trois conditions n'auront pas été satisfaites.
Il faudra d'abord trouver une solution au problème des législations extraterritoriales qui contredisent le principe du traitement juridique équitable entre les investisseurs. Ainsi nous ne pourrions pas concevoir de conclure l'AMI sans qu'y figurent des dispositions mettant fin à ces pratiques, essentiellement américaines, qui nous préoccupent.
La deuxième condition concerne l'exception culturelle sur laquelle Mme Catherine Trautmann a répondu hier. Notre souci est, en effet, de mettre hors du champ de l'accord l'ensemble des activités culturelles, notamment audiovisuelles, ainsi que les droits de propriété littéraire et artistique.
Mme Frédérique Bredin. Très bien !
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. Enfin, nous souhaitons que l'AMI comporte des dispositions permettant d'éviter, comme vous le demandez, le dumping social et environnemental. Nous nous battrons sur ce sujet de façon extrêmement vigoureuse.
Par ailleurs, monsieur le député, vous avez évoqué à juste titre les incidences possibles de cet accord sur la poursuite de la construction de l'Europe, en particulier sur la mise en oeuvre de ses politiques propres. Vous avez bien raison d'être préoccupé à cet égard car l'enjeu est clair.
L'Union européenne n'est pas qu'une collection d'Etats et de politiques nationales; elle est également un modèle exemplaire d'intégration économique, commerciale, voire culturelle sans équivalent dans le monde. Nous tenons donc absolument à ce que cet aspect des politiques communautaires soit préservé. C'est pourquoi, dans le cadre de la négociation, nous avons d'ores et déjà obtenu pour les quinze Etats membres de l'Union et pour les futurs adhérents le maintien de la clause dite des accords régionaux d'intégration économique qui figure au GATT. Cela nous permettra de continuer à accorder aux investisseurs de l'Union des avantages que nous ne serons pas tenus d'accorder aux investisseurs des autres pays.
Il est évident que nous ne pourrions pas continuer à développer une politique commune si nous acceptions l'AMI sans que ces conditions aient été remplies. Notre souhait est, au contraire, qu'il soit possible de continuer à mener des politiques aussi diverses que celles relatives aux droits d'entrée et de séjour des investisseurs ou à la création d'un droit des sociétés européennes, pour lesquelles nous militons, dans le cadre de cet accord, qui reste encore très éventuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O