FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 40012  de  M.   Colcombet François ( Socialiste - Allier ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  17/01/2000  page :  288
Réponse publiée au JO le :  05/06/2000  page :  3463
Date de signalisat° :  29/05/2000
Rubrique :  famille
Tête d'analyse :  filiation
Analyse :  enfants naturels. reconnaissance
Texte de la QUESTION : M. François Colcombet souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application d'une règle du droit de la famille actuel qui place le justiciable dans une situation quelque peu incongrue et surtout désagréable. Fondée sur un fait réel dont il a eu connaissance, il s'avère en effet qu'il existe une particularité de notre droit relative à la reconnaissance d'enfant naturel par des parents vivant en union libre. En l'espèce, la règle généralement connue sous l'adage latin mater semper certa est - c'est-à-dire le nom de la femme ayant accouché et inscrit sur l'acte de naissance de l'enfant établit la filiation maternelle - ne s'applique pas à la filiation naturelle. Dans notre droit positif, la femme ayant indiqué son nom dans l'acte de naissance de l'enfant qu'elle vient de mettre au monde doit de surcroît le reconnaître. La filiation maternelle n'est donc pas établie à l'égard de la personne, non mariée, qui accouche, sauf à engager les démarches administratives de reconnaissance ; ce qui n'est malheureusement pas toujours possible. Telle est à cet égard la situation de ce couple, dont l'enfant est mort-né après une gestation de plus de 180 jours. L'acte d'enfant sans vie a bien été dressé mais ce document n'équivaut pas à un acte de naissance et l'enfant ne peut faire l'objet d'une reconnaissance. La seule possibilité dès lors permise à l'intéressée est de produire toutes pièces utiles, notamment médicales, pour que le tribunal statue sur le fait de savoir si l'enfant est né vivant et viable ou non. Si le tribunal décide que l'enfant est né vivant et né viable, alors il pourra ordonner l'établissement d'un acte de naissance et la reconnaissance s'effectuera. Or, il est manifeste aux vues du certificat signé par le médecin accoucheur que le bébé est né ni vivant ni viable. Comment donc une juridiction pourra prétendre le contraire et accorder une reconnaissance ? Le paradoxe est ici poussé à l'extrême en ce que cet enfant n'a une filiation établie qu'à l'égard du père, par reconnaissance anténatale, alors que la maman, dont le lien avec cet enfant est plus que certain, n'a aucun droit à son égard. Au-delà des considérations émotionnelles de cette famille, devant faire le deuil de cette naissance attendue, il conviendrait surtout d'admettre définitivement l'établissement automatique de la filiation maternelle comme conséquence de l'indication du nom de la mère, en supprimant cette obligation faite aux seules mères non mariées, la déclaration à l'état civil de ce lien entre la femme accouchée et l'enfant emportant de facto reconnaissance. Cette volonté trouve d'ailleurs écho dans les propositions formulées par notre collègue, dans son rapport sur la réforme du droit de la famille, que le parlementaire espère en discussion prochaine dans les rangs de cette assemblée et remercie Mme le garde des sceaux des réponses qui seront faites en ce sens.
Texte de la REPONSE : la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire, en premier lieu, que la reconnaissance d'un enfant suppose que celui-ci soit né vivant. L'article 79-1 du code civil dispose « lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès ». Ces nouvelles dispositions, introduites par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, permettent l'établissement d'un acte de naissance, même si l'enfant n'a vécu que quelques heures, et quelle que soit la durée de la gestation. Ainsi, elles élargissent les conditions d'établissement des actes de naissance de l'enfant, et, ce faisant, celles de sa reconnaissance. Par ailleurs, l'acte d'enfant sans vie ne préjuge pas de savoir si l'enfant a vécu ou non, tout intéressé pouvant saisir le tribunal de grande instance à l'effet de statuer sur la question. Lorsqu'il constate que l'enfant a vécu, le tribunal prononce un jugement déclaratif de naissance et de décès, qui est transcrit sur les registres et mentionné en marge de l'acte d'enfant sans vie. Cette transcription ouvre droit à la reconnaissance de l'enfant primitivement enregistré à l'état civil comme un enfant né sans vie. En second lieu, il est vrai que l'indication du nom de la mère non mariée dans l'acte de naissance n'entraîne pas, en l'état du droit en vigueur, établissement de la filiation maternelle. Sur ce point, le rapport remis le 14 septembre dernier par Mme le professeur Dekeuwer-Défossez sur la réforme du droit de la famille propose de supprimer la distinction entre les filiations légitime et naturelle et de modifier les règles d'établissement de la filiation maternelle qui pourrait être établie par la simple indication du nom de la mère dans l'acte de naissance, quel que soit son statut matrimonial. Dans l'objectif de favoriser l'établissement conjoint du lien de filiation de l'enfant à l'égard de ses deux parents non mariés, le rapport précité suggère également de consacrer dans le code civil la possibilité de reconnaître prénatalement l'enfant. Les conclusions de ce rapport sont actuellement soumises à une très large consultation sur les plans institutionnel, politique, associatif et confessionnel. Il appartiendra ensuite au Gouvernement d'arrêter des solutions qui seront présentées dans leurs grandes lignes à la conférence de la famille en juin 2000.
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