FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 403  de  M.   Dosé François ( Socialiste - Meuse ) QOSD
Ministère interrogé :  PME, commerce et artisanat
Ministère attributaire :  PME, commerce et artisanat
Question publiée au JO le :  03/06/1998  page :  4621
Réponse publiée au JO le :  10/06/1998  page :  4785
Rubrique :  entreprises
Tête d'analyse :  délais de paiement
Analyse :  paiement inter-entreprises
Texte de la QUESTION : M. François Dosé attire l'attention de Mme la secrétaire d'Etat chargée des PME, du commerce et de l'artisanat sur la nécessité d'offrir un environnement favorable au développement des entreprises pour mieux relever le défi de la création d'emplois et de favoriser des pratiques financières transparentes et saines, en engageant dès cette année, par voie législative ou réglementaire, la réduction - si nécessaire en plusieurs étapes - des délais de paiement entre les clients et les fournisseurs. Des échéanciers à quatre-vingt-dix jours fragilisent les entreprises - notamment celles de main-d'oeuvre - les conduisant souvent à des mobilisations financières dites « de trésorerie » sanctionnées par des agios enrichissant le système bancaire mais appauvrissant les fournisseurs. Cette nouvelle donne doit engager aussi prioritairement l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises publiques ; il est intolérable que certaines PMI-PME attendent un semestre avant le paiement des ministères donneurs d'ordres. Il vaudrait mieux réduire certaines subventions et s'engager clairement dans la réduction des délais de paiement. Il lui demande donc si elle envisage d'agir dans cette direction et de rappeler aux intéressés leurs obligations légales par la voie des préfets.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. François Dosé a présenté une question, n° 403, ainsi rédigée:
«M. François Dosé attire l'attention de Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur la nécessité d'offrir un environnement favorable au développement des entreprises pour mieux relever le défi de la création d'emplois et de favoriser des pratiques financières transparentes et saines, en engageant dès cette année, par voie législative ou réglementaire, la réduction - si nécessaire en plusieurs étapes - des délais de paiement entre les clients et les fournisseurs. Des échéanciers à quatre-vingt-dix jours fragilisent les entreprises, notamment celles de main-d'oeuvre, les conduisant souvent à des mobilisations financières dites «de trésorerie» sanctionnées par des agios enrichissant le système bancaire mais appauvrissant les fournisseurs. Cette nouvelle donne doit engager aussi prioritairement l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises publiques; il est intolérable que certaines PMI-PME attendent un semestre le paiement des ministères donneurs d'ordres. Il vaudrait mieux réduire certaines subventions et s'engager clairement dans la réduction des délais de paiement. Il lui demande donc si elle envisage d'agir dans cette direction et de rappeler aux intéressés leurs obligations légales par la voie des préfets.»
La parole est à M. François Dosé, pour exposer sa question.
M. François Dosé. Madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, nous souhaitons tous conjuguer efficacité et solidarité dans le domaine économique en offrant un environnement favorable au développement des entreprises, afin de mieux relever le défi de la création d'emplois. Nous souhaitons tous favoriser des pratiques financières transparentes et saines qui soient au service des entreprises au lieu de les spolier. Aussi émets-je le voeu que s'engage, dès cette année, par voie législative ou réglementaire, la réduction, au besoin en plusieurs étapes, des délais de paiement entre les clients et les fournisseurs.
Il est anormal, injuste, parfois dangereux d'un point de vue économique, financier et éthique, de tolérer des délais de quatre-vingt-dix jours - qui d'ailleurs se transforment rapidement en cent vingt jours - pour honorer un travail ou un service réalisé. De tels échéanciers fragilisent les entreprises, notamment de main-d'oeuvre, les conduisant souvent à des mobilisations financières dites «de trésorerie», sanctionnées par des agios qui assurément enrichissent le système bancaire mais appauvrissent les fournisseurs.
Cette nouvelle donne doit évidemment engager aussi, et prioritairement, l'Etat, c'est-à-dire les ministères, les collectivités territoriales et les entreprises publiques. Il est intolérable que des PMI-PME attendent un semestre le paiement des ministères donneurs d'ordres.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. François Dosé. Il faut savoir, au besoin, le dénoncer. Ainsi, dans un département que je connais bien, on a vu des autorisations d'engagement décidées par un ministère quatre mois après la réception des travaux.
M. Pierre Lellouche. Vous avez parfaitement raison ! C'est scandaleux !
M. François Dosé. Pour répondre aux attentes des responsables d'entreprise, au service de la communauté entrepreneuriale et de ses salariés, mieux vaudrait parfois réduire certaines subventions et s'engager clairement dans la réduction des délais de paiement. Cette initiative témoignerait de notre capacité et de notre volonté politique de moraliser les relations donneurs d'ordres-fournisseurs et permettrait d'éviter certaines difficultés, allant parfois jusqu'au dépôt de bilan, de fournisseurs ou sous-traitants entraînés par la liquidation ou la faillite de donneurs d'ordres.
M. Pierre Lellouche. Tout à fait !
M. François Dosé. Dès aujourd'hui, le Gouvernement peut-il rappeler aux uns et aux autres leurs obligations par le biais des préfets ? L'Etat est souvent hors la loi, c'est tout de même un comble !
M. Pierre Lellouche. En effet !
M. François Dosé. Peut-on, le cas échéant, mettre en demeure les intéressés de payer dans les délais légaux, sous peine de sanctions ?
M. Pierre Lellouche. Bravo ! La droite vous soutient !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le député, je constate que votre question fait l'unanimité dans l'hémicycle. Elle suit, du reste, très opportunément celle concernant les marchés publics.
Les délais de paiement, qui ne concernent pas seulement les relations entre le public et le privé, constituent, en France comme dans tous les pays, un élément du financement des entreprises. Toutefois, leur allongement excessif est globalement préjudiciable à certaines entreprises. Il alourdit les frais financiers des fournisseurs, fragilise l'équilibre financier des entreprises et augmente effectivement les risques de faillites en chaîne.
En cela, les délais de paiement excessifs représentent un danger pour l'ensemble de l'économie, et les pouvoirs publics ont entrepris depuis plusieurs années de favoriser leur réduction.
Pour ce qui concerne l'Etat lui-même, le ministre de la défense a récemment pris l'engagement de convaincre l'ensemble de ses directions de trouver les procédures les plus appropriées, même lorsque l'Etat-donneur d'ordre est très loin de l'entreprise exécutante.
L'ensemble des ministres concernés ont donc chargé l'observatoire des délais de paiement, composé de représentants des professionnels et des administrations, de veiller à la mise en place de négociations professionnelles, d'analyser leur progression et de mesurer les effets des accords privés sur les usages commerciaux.
Dans son dernier rapport, l'observatoire souligne un raccourcissement en 1996 des délais fournisseurs - moins 3,6 jours - et clients - moins 2,5 jours, raccourcissement qui s'inscrit dans la tendance observée depuis 1988.
Cette évolution favorable recouvre une amélioration sensible de la situation des grandes entreprises, plus nette encore pour les firmes de plus de 2 000 salariés, mais une dégradation pour les PME, et particulièrement les très petites entreprises.
L'observatoire soulignait néanmoins dans son rapport qu'il n'existe pas en France de consensus en faveur d'une réglementation des délais de paiement et que notre pays dispose d'une réglementation satisfaisante pour assurer la transparence des conditions de paiement.
Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons décidé de confier une mission de concertation au président de l'observatoire, René Ricol, pour lui demander d'organiser la concertation sur le projet de directive européenne qui, de l'avis de plusieurs d'entre nous, paraît une avancée intéressante.
S'agissant de la réduction des délais de paiement publics, une série de dispositions concrètes peut s'appliquer aux règlements de l'Etat et de ses établissements publics. Ces mesures comprennent notamment la généralisation du recours à la lettre de change comme moyen de règlement, la réduction des délais de mandatement, que vous souhaitez à juste titre, et diverses dispositions de simplification des procédures et de renforcement des sanctions.
En outre, une instruction administrative du ministère de l'économie et des finances du 12 novembre 1996, prise conformément à une circulaire du Premier ministre du 6 novembre 1996 relative au paiement rapide des sommes dues par l'Etat et certains de ses établissements au titre des achats publics, prévoit la suspension des contrôles fiscaux à l'égard des petites et moyennes entreprises qui n'obtiennent pas le paiement, dans les délais, des sommes qui leur sont dues par l'Etat au titre des marchés publics et des achats sur facture de travaux, fournitures et services.
C'est un premier pas, encore insuffisant certes; nous veillerons à progresser encore dans cette voie et dans celle des simplifications administratives: je pense en particulier à l'allégement des procédures des certificats de conformité.
La diminution des délais de paiement ne peut être qu'une oeuvre progressive compte tenu des montants financiers en cause: les créances commerciales inter-entreprises représentent plus de 2 000 milliards contre seulement 800 milliards pour les crédits de trésorerie aux entreprises. Résultat des négociations commerciales dont ils ne sont qu'un élément, les délais de paiement se prêtent difficilement à une intervention de type réglementaire. Si la situation nous y obligeait, nous serions cependant obligés de revoir cette position jusqu'alors partagée par l'ensemble des partenaires.
M. le président. La parole est à M. François Dosé.
M. François Dosé. Madame la secrétaire d'Etat, vous faites partie d'un gouvernement que je soutiens et dont l'action m'honore, mais je ne peux m'empêcher de penser que, tandis que nous réfléchissons aux meilleurs moyens de récolter les fruits de la croissance attendue, il serait bon, plutôt que de mobiliser parfois des crédits supplémentaires, de songer à faire travailler l'argent autrement. Il y va d'abord de l'autorité de l'Etat: réglementer les 35 heures, demander un effort sur l'apprentissage, c'est bien, mais si l'on veut un partenariat sincère avec les entreprises, surtout avec les PME-PMI en milieu rural, il faut leur faire sentir que l'Etat n'est pas seulement un demandeur, qu'il est au rendez-vous des attentes et qu'il sait s'imposer à lui-même des exigences quand il en appelle aux autres.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Si, sur ce point particulier, l'observatoire n'a pas permis de dégager une position globale et unanime de tous les partenaires, c'est parce que toute disposition que nous prendrions pour le donneur d'ordre public s'appliquerait également au donneur d'ordre privé: l'égalité de droit joue pour tout donneur d'ordre, quelle que soit sa nature juridique.
Pour ma part, j'avais tenté de défendre l'idée - pas si folle en soi - des pénalités automatiques. Mais elle pose d'autres problèmes à certaines entreprises. La prudence qui doit guider toute action, en particulier la mienne, en direction des PME, m'a finalement conduite à laisser cet élément de débat sur la table.
M. Pierre Lellouche. Mais l'Etat ?
Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Pour les collectivités territoriales, nous avons proposé de réduire le délai de l'instruction; le processus de simplification administrative a également permis, pour le mandatement, d'obtenir plus rapidement les pièces justificatives.
Il reste que c'est parfois le comptable public qui a besoin de délais supplémentaires, par manque d'informatisation des systèmes. De ce point de vue, M. Christian Sautter s'est engagé à ce que la comptabilité publique dispose des moyens minimaux pour accélérer le paiement des collectivités territoriales.
Pour les paiements de l'Etat, il nous faut, ministère par ministère - M. Richard, ministre de la défense, vient de lancer le processus - une vision des choses plus juste, plus rapide, des crédits plus déconcentrés et une autorité préfectorale plus attentive aux décalages entre l'autorisation de programme et l'engagement des crédits de paiement au moment où le programme commence. Souvent le problème ne se pose pas tant sur la date de facturation et de paiement que sur l'engagement du crédit de paiement au début de la réalisation du programme.
C'est sur ce point que nous avons un travail urgent à réaliser. Alain Richard rendra dès la fin de l'été les conclusions du «mini-observatoire» qu'il a constitué sur les commandes les plus importantes du secteur dont il a la charge, mais je pense que l'ensemble des ministères feront en sorte que les crédits de paiement soient engagés au moment de la remise des certificats de conformité. M. Allègre, par exemple, va tester un nouveau système informatique.
M. Pierre Lellouche. Que l'Etat applique le droit commun !
SOC 11 REP_PUB Lorraine O