FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 41017  de  M.   Hervé Edmond ( Socialiste - Ille-et-Vilaine ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  07/02/2000  page :  816
Réponse publiée au JO le :  12/03/2001  page :  1559
Erratum de la Réponse publié au JO le :  26/03/2001  page :  1863
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  indemnisation à raison d'une détention provisoire
Analyse :  action récursoire de l'Etat. statistiques
Texte de la QUESTION : M. Edmond Hervé demande à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, si la procédure fondée sur l'action récursoire de l'Etat est utilisée à l'encontre des magistrats lorsque la responsabilité collective est engagée, par exemple en application de l'article 149 du code de procédure pénale. Il lui demande quel est l'aboutissement de ce genre de procédure et s'il est possible de disposer d'une étude chiffrée depuis 1972 faisant le point sur cette action. Il souhaiterait également disposer pour la même période de données sur les actions engagées par les citoyens à l'encontre de l'Etat, du chef de dysfonctionnement du service public de la justice, ainsi que leur issue et le montant des réparations allouées.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'indemnisation des personnes qui ont été placées en détention provisoire avant de bénéficier d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, telle qu'elle résulte des dispositions de la loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 modifiée par la loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 codifiée à l'article 149 du code de procédure pénale, repose sur un régime de responsabilité sans faute de la puissance publique, qui n'impose pas au requérant la démonstration du caractère fautif de son placement en détention provisoire, de sorte que l'action récursoire prévue par les dispositions de l'article 11-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui dispose que les magistrats du corps judiciaire ne sont responsables que de leurs fautes personnelles, ne peut être mise en oeuvre. S'agissant des actions engagées par les citoyens à raison du fonctionnement défectueux du service de la justice, il doit être précisé que la responsabilité de l'Etat peut être recherchée pour faute lourde ou déni de justice sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire qui ne se limite pas aux seuls actes des magistrats, mais s'étend à l'ensemble des actes relatifs à l'exécution du service public de la justice, en particulier les activités de greffe et des collaborateurs du service public de la justice, ainsi qu'aux fautes commises par les services de police dans le cadre des missions de police judiciaire, dont la responsabilité peut être également recherchée sur le fondement de la responsabilité sans faute. Il ne sera donc pas possible de déduire à partir des chiffres ci-après exposés que chaque action en responsabilité dirigée contre l'Etat à raison du fonctionnement défectueux du service de la justice sous-tend une faute personnelle de la part de magistrats, étant relevé qu'en matière de tutelles ou de tenue du livre foncier pour l'Alsace-Moselle la preuve d'une faute simple suffit à engager la responsabilité de l'Etat. En dépit de l'apport de la loi de 1972 (article L. 781-1 du COJ précité), il était admis que, la notion de faute lourde faisant l'objet d'une application stricte, la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat à raison du fonctionnement défectueux du service de la justice demeurait difficile (cass. 1re civ. 20 mars 1989 Bull. civ. I, n° 131 ; Gaz. Pal. 1989, 2, somm. 121.-7 janvier 1992 : JCP 1992 Epan. 6.-C.A. Paris 1re ch. B, 25 nov. 1988 : Gaz. Pal. 1989, 1, 253). La ratification par la France du recours individuel devant la Cour européenne des droits de l'homme et l'applicabilité en droit interne de la Convention europénne des droits de l'homme ont eu pour effet de permettre la saisine de la cour et d'accroître considérablement le nombre de recours dont s'est trouvé saisi le ministère, mais aussi d'étendre la notion de déni de justice au défaut de protection juridictionnelle de l'article 6-1 de la convention à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne. En outre, le ministère de la justice s'attache à rechercher des solutions transactionnelles, notamment lors de l'examen des recours déposés devant la Cour européenne des droits de l'homme. Si pendant les vingt premières années de son entrée en vigueur, la loi de 1972 n'a pas provoqué un afflux de recours, en revanche, force est de constater qu'à l'augmentation mesurée des recours jusqu'en 1976, s'est substituée une progression considérable des procédures fondées sur le fonctionnement défectueux du service de la justice. En effet, sur une période de vingt et un ans, hors contentieux européen, le ministère de la justice a été saisi au titre du dysfonctionnement de 620 recours, dont 260 avaient un caractère contentieux. Par suite, 52 condamnations pour un montant de 5 019 267,97 francs ont été prononcées contre l'Etat, qui a par ailleurs transigé dans 136 procédures pour un montant de 3 112 375,63 francs, étant relevé qu'entre janvier 1989 et janvier 1993 le nombre de condamnations a doublé par rapport aux années précédentes. A compter de cette date et jusqu'en décembre 1998, la responsabilité de l'Etat a été recherchée dans le cadre de 266 procédures contentieuses, alors que sur les 181 décisions rendues pendant cette période, 36 aboutissaient à des condamnations pour un montant total de 8 308 165 francs, dont 13 pour faute simple et 5 au titre de la responsabilité sans faute. Les requêtes amiables, au nombre de 20 au cours de l'année 1993 après une progression régulière jusqu'en 1996, ont connu une croissance très importante pour atteindre le chiffre de 128 en 1998 pour une indemnisation totale de 507 218 francs. Si les condamnations mises à la charge de l'Etat se sont élevées à la somme de 4 663 263 francs (dont 1 109 840 francs au titre de la police judiciaire) outre une somme de 10 348 216 francs au titre de la responsabilité sans faute (décision frappée d'appel) pour l'année 1999, et les montants versés en règlement de 139 requêtes gracieuses à la somme de 301 576 francs, les sommes versées au titre des condamnations des sept premiers mois de l'année 2000 s'élèvent à la somme de 1 440 131,97 francs, alors que celles déjà versées en règlement d'une partie des 104 requêtes amiables déposées depuis le 1er janvier s'élèvent à 321 467,22 francs. La progression de ces dépenses confirmées en 1999 et pour les premiers mois de l'année 2000 traduit à la fois non seulement un changement d'attitude des requérants et une sévérité accrue des juridictions de l'ordre judiciaire pour sanctionner le fonctionnement défectueux du service de la justice, mais aussi le souci d'indemniser rapidement et dans de meilleures conditions les citoyens ayant eu à subir une rupture de l'égalité devant les charges publiques.
SOC 11 REP_PUB Bretagne O