FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 416  de  M.   André René ( Rassemblement pour la République - Manche ) QOSD
Ministère interrogé :  éducation nationale, recherche et technologie
Ministère attributaire :  éducation nationale, recherche et technologie
Question publiée au JO le :  10/06/1998  page :  4865
Réponse publiée au JO le :  17/06/1998  page :  5005
Rubrique :  grandes écoles
Tête d'analyse :  classes préparatoires
Analyse :  perspectives
Texte de la QUESTION : M. René André appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les graves inquiétudes que suscite parmi les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) la publication du rapport Attali relatif à la réforme de l'enseignement supérieur quant à l'avenir des classes préparatoires aux grandes écoles. La mise en place d'un premier cycle universitaire de trois ans devrait aboutir à placer les CPGE au sein des universités, alors que traditionnellement elles étaient intégrées dans les lycées. Par ailleurs, des concours spécifiques à l'entrée aux grandes écoles pour les étudiants des universités et les diplômés des IUT seraient créés. Aussi, lui demande-t-il de lui confirmer s'il envisage de transférer les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées vers les universités, de créer des concours spécifiques pour l'accès des étudiants d'universités ou d'IUT aux grandes écoles, comme le prévoit le rapport Attali, et, dans l'affirmative, s'il ne pense pas que la création de tels concours va réduire les places offertes aux étudiants des CPGE et ainsi porter un coup à cette filière de formation et aux intérêts des étudiants des CPGE qui ont fait d'importants sacrifices pour accéder à ces classes.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. René André a présenté une question, n° 416, ainsi rédigée:
«M. René André appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les graves inquiétudes que suscite parmi les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) la publication du rapport Attali relatif à la réforme de l'enseignement supérieur quant à l'avenir des classes préparatoires aux grandes écoles. La mise en place d'un premier cycle universitaire de trois ans devrait aboutir à placer les CPGE au sein des universités, alors que traditionnellement elles étaient intégrées dans les lycées. Par ailleurs, des concours spécifiques à l'entrée aux grandes écoles pour les étudiants des universités et les diplômés des IUT seraient créés. Aussi lui demande-t-il de lui confirmer s'il envisage de transférer les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées vers les universités, de créer des concours spécifiques pour l'accès des étudiants d'université ou d'IUT aux grandes écoles, comme le prévoit le rapport Attali, et, dans l'affirmative, s'il ne pense pas que la création de tels concours va réduire les places offertes aux étudiants des CPGE et ainsi porter un coup à cette filière de formation et aux intérêts des étudiants des CPGE qui ont fait d'importants sacrifices pour accéder à ces classes.»
La parole est à M. René André, pour exposer sa question.
M. René André. Qu'il me soit simplement permis - réflexion incidente - de dire à M. le ministre de l'intérieur que le problème des commissariats nous inquiète tout de même beaucoup !
Sans doute est-ce M. le secrétaire d'Etat à la santé qui va me répondre...
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Non, c'est moi, j'ai été ministre de l'éducation nationale aussi !
M. René André. Je vais donc vous poser à vous un problème que vous connaissez bien et, vous connaissant, je suis sûr que vous y serez sensible. Je tiens à attirer votre attention sur les graves inquiétudes que suscite parmi les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles la publication du rapport Attali relatif à la réforme de l'enseignement supérieur. Au vu des conclusions de ce rapport, les élèves s'inquiètent fortement au sujet de l'avenir des classes préparatoires aux grandes écoles. La mise en place d'un premier cycle universitaire de trois ans devrait aboutir à placer au sein des universités les classes préparatoires qui, traditionnellement, étaient intégrées dans les lycées. Pour entrer dans les classes préparatoires et s'y maintenir, la sélection est très poussée. Les élèves s'inquiètent de la création éventuelle de concours spécifiques à l'entrée aux grandes écoles pour les étudiants des universités et des diplômés des IUT.
Est-il envisagé, vous pouvez le confirmer ou non, de transférer les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées vers les universités, contrairement au souhait des élèves, et, en outre, de créer des concours spécifiques pour l'accès des étudiants d'université ou d'IUT aux grandes écoles, ce que prévoit le même rapport Attali ? Dans l'affirmative, la création de tels concours ne va-t-elle pas réduire le nombre des places offertes aux étudiants des classes préparatoires et porter ainsi un coup à cette filière de formation de même qu'aux intérêts de ses étudiants qui ont consenti de grands sacrifices pour accéder à ces classes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous ne m'en voudrez pas de remplacer M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie: votre question porte sur un sujet très intéressant auquel j'ai consacré, il y a une bonne douzaine d'années, quelques réflexions. Elle vise en particulier certaines propositions du rapport de la commission présidée par M. Attali, relatives aux classes préparatoires aux grandes écoles et aux concours d'accès à celles-ci.
Cette commission qui, je vous le rappelle, était composée de responsables de grands groupes industriels, comme M. Francis Mer ou M. Jérôme Monod, et de grands scientifiques tels que Mme Nicole Le Douarin ou M. Georges Charpak, souligne dans son rapport «que le premier atout des grandes écoles d'ingénieurs et de commerce» se situe «dans les classes qui préparent à leurs concours d'entrée» et que ces dernières «enseignent à leurs élèves des méthodes de travail rigoureuses permettant l'apprentissage de connaissances théoriques de haut niveau».
Personnellement, je trouve que ces observations sont justes. Elles rejoignent le message que je m'étais efforcé de faire passer en faveur de l'élitisme républicain: permettre à chaque enfant d'aller au bout de ses possibilités, quel que soit le milieu dont il est issu, en prenant en compte l'exigence d'égalité, en cherchant à valoriser au mieux le gisement de matière grise présent en France, le niveau de formation de nos enfants étant sans doute le principal atout de notre pays dans le monde d'aujourd'hui.
La qualité des méthodes de travail acquises par les élèves des classes préparatoires est une réalité qu'on ne saurait remettre en cause. Aussi Claude Allègre souhaite-t-il que soient mis en oeuvre, dans les premières années des études universitaires, des enseignements en petites classes ainsi que des séances de «colles», en s'inspirant des méthodes développées dans les classes préparatoires. Il songe donc à étendre certaines méthodes qui ont fait leurs preuves aux universités elles-mêmes. On ne saurait à mon sens que s'en réjouir ! Dans l'état actuel des premiers cycles universitaires, il n'est donc pas question de déplacer les classes préparatoires des lycées vers les universités.
Mais la commission a suggéré d'ouvrir de manière plus effective les concours d'accès aux grandes écoles à d'autres populations, à d'autres couches sociales que celles qui ont majoritairement accès aux classes préparatoires. Cette politique d'ouverture a commencé à être mise en oeuvre depuis plusieurs années puisque plus de 50 % des ingénieurs formés dans les écoles n'ont pas suivi l'enseignement dispensé dans les classes préparatoires. Il est vrai que le spectre des grandes écoles est large. De plus, des concours dans bon nombre de grandes écoles ont été mis en place à partir du DEUG et des admissions sur titres sont possibles après un DUT ou une maîtrise. Actuellement, seules sont fermées à ce recrutement les très grandes écoles ne recrutant que sur des critères d'excellence qui correspondent à certains profils de classes préparatoires.
Des améliorations sont souhaitables pour que le plus grand nombre possible d'enfants puissent avoir une chance d'entrer dans une école aussi prestigieuse que l'école Polytechnique, par exemple - à noter, toutefois, que Polytechnique a ouvert récemment une seconde voie de recrutement sur dossier pour les élèves étrangers et elle n'exclut pas de l'ouvrir à des jeunes Français en dehors des classes préparatoires.
Cette politique d'ouverture doit être poursuivie notamment pour permettre un accès plus large aux étudiants issus des formations technologiques.
Par ailleurs, les statistiques établissent que les enfants de cadres supérieurs et de professeurs représentent près de 50 % des élèves de classes préparatoires, contre 7 % pour les fils d'ouvriers alors que ces derniers représentent plus de 37 % des enfants de leur classe d'âge. Cet état de choses ne saurait nous satisfaire dans la mesure où il est la marque d'une certaine sclérose, d'une certaine «reproduction» à l'identique. Encore une fois, je crois qu'il est souhaitable de mieux valoriser le gisement de matière grise, la ressource humaine dont nous disposons, mais nous devons le faire, naturellement, dans le respect des critères d'excellences que j'évoquais précédemment.
L'égalité républicaine est battue en brèche quand les enfants des catégories sociales les plus défavorisées n'ont pas les mêmes chances d'accéder aux grandes écoles que les autres. Jadis, Alain fustigeait quelque roi né du peuple qui donnait un air de justice à l'inégalité. L'oeuvre de la République est toujours à poursuivre, elle est toujours devant parce que la République est, par définition, une construction qui requiert un effort constant.
En tout état de cause, l'offre de places dans les écoles d'ingénieurs est supérieure à la demande des élèves issus des classes préparatoires, vous le savez bien. L'ouverture d'autres concours n'aura donc pas d'incidence sur le nombre des places offertes aux élèves des classes préparatoires, qui ont tout de même de nombreux atouts et qui les conserveront. S'il y a un peu plus de concurrence, le grand libéral, que d'ailleurs vous n'êtes pas totalement (Sourires), ne saurait s'en désoler !
M. le président. La parole est à M. René André.
M. René André. Finalement, monsieur le ministre, sans vouloir faire de la peine à M. Allègre, je suis satisfait que ce soit vous qui m'ayez répondu. En vous écoutant, en effet, j'entendais à la fois l'ancien ministre de l'éducation nationale, mais aussi, et cela nous ramène à un passé quelque peu lointain, l'un des coauteurs d'un livre qui, intitulé L'Enarchie, avait été écrit par un collectif appelé Mandrin, si mes souvenirs sont exacts. Je crois que vous n'étiez pas complètement étranger à ce livre qui remonte à vingt-cinq ans à peu près.
M. le ministre de l'intérieur. Trente et un !
M. René André. Ce n'est évidemment pas l'évolution que je crains, vous le savez bien. Alors que nous avons un système permettant à l'élite républicaine d'être recrutée et de s'exprimer, j'ai peur que nous ne le cassions au profit d'un faux égalitarisme aboutissant à abaisser un niveau absolument indispensable et qui permet de promouvoir les valeurs républicaines dont vous avez parlé.
Il y a une fièvre réelle, car, incontestablement, dans les grandes écoles - Ecole nationale d'administration, Polytechnique ou autres -, les classes sociales défavorisées sont insuffisamment représentées. Il ne faudrait pas, pour leur permettre de l'être suffisamment, casser un système qui donne satisfaction à la République et permet à la France de briller parmi les élites internationales. En quelque sorte, il ne faudrait pas casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre !
C'est à l'Etat de trouver les moyens nécessaires pour que tous les Français qui le méritent et qui le peuvent puissent faire partie de l'élite. Ce n'est pas à lui d'abaisser le niveau de recrutement de ces élites.
M. le président. Je suis sûr, monsieur André, que le ministre de l'éducation nationale sera sensible à l'ensemble de vos messages.
RPR 11 REP_PUB Basse-Normandie O