FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 42096  de  M.   Sarre Georges ( Radical, Citoyen et Vert - Paris ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  21/02/2000  page :  1072
Réponse publiée au JO le :  03/04/2000  page :  2115
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  coopération scientifique et technique
Analyse :  sûreté nucléaire. Lituanie
Texte de la QUESTION : M. Georges Sarre attire de nouveau l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la centrale nucléaire lituanienne d'Ignalina, actuellement considérée comme l'une des plus dangereuses du monde. Il se félicite à ce propos du soutien financier européen - de l'ordre de 150 millions d'euros sur la période 2000-2006 - à la Lituanie, récemment réitéré à Vilnius par Monsieur Romano Prodi, en vue d'obtenir, à brève échéance, la mise hors service des deux réacteurs de conception soviétique d'Ignalina, du même type que ceux de la centrale ukrainienne de Tchernobyl. Cependant, au-delà de la perspective de fermeture de cette centrale, bien des zones d'ombre demeurent dans ce dossier. Dans sa réponse du 22 février 1999 à une précédente question écrite à ce sujet, le ministre avançait ainsi que la Lituanie possède, dans le secteur énergétique conventionnel, des capacités de production d'électricité, actuellement inutilisées, largement suffisantes pour satisfaire sa demande intérieure sans nécessité de recourir au nucléaire. Mais qu'en est-il de l'aide financière européenne au développement de ce type de capacités ? Ne serait-ce pas l'absence d'engagement européen clair dans ce domaine qui expliquerait pour l'heure que, selon le ministre, « Vilnius envisage avec beaucoup de réticences une quelconque fermeture anticipée d'Ignalina », qui couvrirait 80 % de la consommation actuelle d'électricité de la Lituanie ? De surcroît, comment avancer à la fois que la Lituanie « maintient en service une centrale nucléaire peu sûre uniquement à des fins d'exportation » d'électricité, tout en indiquant qu' « Ignalina ne constitue pas une source importante de revenus » à l'export pour la Lituanie ? Enfin, qu'en est-il du possible remplacement d'Ignalina par une nouvelle centrale nucléaire sûre, de conception occidentale, dont le gouvernement lituanien pourrait envisager la construction prochaine ? Quelle serait alors la position de la France et de ses partenaires de l'Union européenne dans le cas où la Lituanie privilégierait cette option ? Enfin, il lui demande de lui préciser le montant des crédits européens à la Lituanie débloqués en la matière pour l'année en cours, ainsi que l'état d'avancement des opérations de démantèlement de la centrale d'Ignalina.
Texte de la REPONSE : La Lituanie éprouve de fortes réticences à procéder, conformément aux dispositions de l'accord conclu en 1994 avec le Fonds multilatéral de sûreté nucélaire auprès de la Berd, à la fermeture anticipée des deux réacteurs peu sûrs d'Ignalina, car ces derniers constituent une source d'énergie relativement compétitive. Ainsi, selon une étude du secteur énergétique lituanien réalisée par la Banque européenne de reconstruction et de développement, le recours à une solution non nucléaire (la remise en service d'une partie des centrales thermiques existantes), pour équilibrer le bilan énergétique lituanien serait immédiatement envisageable, mais entraînerait un surcoût de l'ordre de 100 millions de dollars par an. Surtout, Vilnius n'est guère désireuse de mettre rapidement hors service ces deux réacteurs dangereux car elle espère, dans un futur plus ou moins proche, pouvoir exporter l'électricité produite par cette centrale vers les marchés solvables d'Europe de l'Ouest. De telles exportations étant à l'heure actuelle impossibles en raison de l'absence d'interconnexion entre les réseaux électriques balte et d'Europe de l'Ouest, les autorités lituaniennes vendent la production excédentaire à la Biélorussie qui accumule cependant des arriérés de paiement considérables. Il n'est donc pas contradictoire d'affirmer, d'une part, que les autorités lituaniennes entendent maintenir en fonctionnement cette centrale nucléaire essentiellement pour se procurer des devises et, d'autre part, qu'Ignalina ne constitue pas, du moins actuellement, une source substantielle de revenus. La France n'aurait pas d'objections à la construction en Lituanie d'une nouvelle centrale nucléaire répondant aux critères internationalement reconnus en matière de sûreté nucléaire. Il appartient en effet à chaque pays de définir les grandes orientations de sa politique énergétique. Cependant, un tel investissement semble difficilement envisageable à court terme dans la mesure où la Lituanie devrait, en raison de son coût élevé, solliciter le soutien financier des institutions financières internationales. Or, ces dernières subordonnent l'octroi de leurs prêts à la réalisation d'un certain nombre de conditions qui en l'occurrence ne semblent pas réunies. En effet, il serait nécessaire de démontrer que la construction d'une nouvelle centrale nucléaire constitue la solution la plus perninente sur le plan financier pour satisfaire les besoins en énergie lituaniens, ce qui paraît peu probable notamment en raison de l'existence d'importantes capacités de production inutilisées dans le secteur énergétique conventionnel. Enfin, le montant des fonds alloués par l'Union européenne au renforcement de la sûreté nucléaire en Lituanie s'élève cette année à 10 millions d'euros. Cette somme permettra de lancer les premières études techniques relatives au démantèlement de la centrale d'Ignalina.
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O