FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 42510  de  M.   Feurtet Daniel ( Communiste - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  28/02/2000  page :  1216
Réponse publiée au JO le :  17/04/2000  page :  2427
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Irak
Analyse :  embargo
Texte de la QUESTION : M. Daniel Feurtet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation en Irak. Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissaient le Koweit. En quelques semaines, une coalition de vingt-six pays, sous commandement américain, se mobilisait dans le Golfe. Après une offensive aérienne et terrestre des forces alliées, les troupes irakiennes évacuaient le Koweit et un cessez-le-feu était conclu au printemps 1991. Mais l'embargo instauré par les Nations unies après l'agression était maintenu au nom de nouveaux objectifs dont le principal était le désarmement de l'Irak. Dix ans plus tard, le conflit perdure et un embargo drastique aux conséquences humaines et sociales désastreuses frappe durement la population civile. Les bombardements et raids américains et britanniques maintiennent la tension et ne règlent rien face à un régime qui joue de cette situation, un régime de dictature qui bafoue gravement et en permanence les droits de l'homme et les principes essentiels de la démocratie. L'Irak est aujourd'hui dans « un état de décrépitude et de délabrement », selon les rapports des organisations humanitaires et internationales qui travaillent sur place. La mise en oeuvre du programme « pétrole contre nourriture » a certes autorisé l'importation de nourriture et de médicaments, mais elle ne permet pas de subvenir aux besoins de la population ni de reconstruire les infrastructures civiles. Les démissions récentes et successives des coordinateurs humanitaires de l'ONU en poste en Irak montrent de façon criante la gravité de la situation et les difficultés du travail humanitaire. Dernièrement, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution qui prévoit la levée de l'embargo par périodes de cent vingt jours si l'Irak coopère avec des inspecteurs en désarmement. Mais cette résolution ne peut être appliquée tant que le gouvernement irakien ne l'accepte pas. En attendant, la population civile souffre terriblement. Dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité, la France, fidèle à ses valeurs, a su faire entendre une voix singulière et positive qui, malheureusement, n'a pu s'imposer jusqu'à ce jour. Il lui demande donc quelles nouvelles initiatives la France envisage de prendre ou de proposer pour que la question des besoins humanitaires de cette population écrasée par la pénurie soit dissociée de celle du désarmement et par quelles mesures elle va contribuer à une issue politique et à une levée de l'embargo, à l'exception de celui qui vise les armements, pouvant permettre au peuple irakien de choisir sa voie et ainsi mettre fin à cette véritable tragédie humaine.
Texte de la REPONSE : La situation humanitaire en Irak préoccupe depuis longtemps les autorités françaises, qui ne ménagent pas leurs efforts pour tenter d'y remédier, à titre bilatéral ou au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Les rapports du secrétaire général des Nations unies et des agences spécialisées de l'ONU (UNICEF, PAM, PNUD, OMS) décrivent la détérioration des conditions de vie de la population iraquienne, qui apparaît aujourd'hui comme la principale victime des sanctions imposées à ce pays depuis près d'une décennie. Les propos tenus par le coordinateur humanitaire des Nations unies, M. Hans Von Sponeck, au moment de sa démission, le confirment. Nous partageons pleinement son évaluation de la situation sociale et humaine en Irak, qu'il juge déplorable, en dépit de la mise en oeuvre, depuis décembre 1996, du dispositif « pétrole contre biens humanitaires ». La France n'a pas cessé, au cours de ces trois dernières années, de chercher à corriger les dysfonctionnements du programme onusien. Nous déplorons en particulier les nombreux blocages au sein du Comité des sanctions chargé d'approuver à l'unanimité les contrats passés entre l'Irak et ses fournisseurs. Les mises en attente ont atteint au premier trimestre de cette année un niveau inacceptable, dépassant 1,7 milliard de dollars. Les blocages concernent principalement les contrats destinés aux secteurs de l'électricité, de l'eau, des transports, des télécommunications et des équipements pétroliers. En l'absence de pièces de rechange, ces infrastructures de base continuent de subir une dégradation accélérée, qui rend aléatoire toute amélioration de la situation sanitaire. Le volet humanitaire de la résolution 1284, adoptée en décembre 1999, prévoit des mesures qui, une fois appliquées, devraient contribuer à corriger les dysfonctionnements du programme. La France encourage ses partenaires à mettre en oeuvre rapidement ces mesures, dans un esprit de consensus. Cependant, le dispositif « pétrole contre biens humanitaires » ne peut constituer une réponse suffisante aux souffrances de la population iraquienne ni se substituer à la levée des sanctions. Après l'opération « Renard du désert », en décembre 1998, qui a provoqué l'impasse que l'on connaît, la France a proposé au Conseil de sécurité un mécanisme qui permettrait la suspension des sanctions en contrepartie de l'établissement d'un nouveau régime de contrôle renforcé des armements et de la mise en place d'un dispositif de transparence financière. Aux termes de longues négociations, le Conseil de sécurité a adopté, le 17 décembre dernier, la résolution 1284 qui s'inspire largement de ces idées. Ce texte ouvre en effet la perspective d'une suspension des sanctions, première étape vers leur levée, afin de convaincre l'Irak d'accepter de coopérer avec la commission de contrôle. La France s'est abstenue lors de l'adoption de cette résolution, qui contient encore trop d'ambiguïtés, notamment sur le critère de déclenchement de la suspension des sanctions. La diplomatie française s'efforcera de dissiper ces ambiguïtés pour inciter Bagdad à coopérer et rendre possible l'application des orientations positives de ce texte. Elle continuera de faire valoir auprès de ses partenaires une position équilibrée, afin de favoriser une solution durable à la crise qui permette de garantir la sécurité des pays de la région et de lever les sanctions qui pèsent depuis trop longtemps sur le peuple irakien.
COM 11 REP_PUB Ile-de-France O