Texte de la QUESTION :
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M. Bernard Perrut appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés qui se posent, tant au niveau juridique que sur le plan de l'équité, du fait de contradictions existantes entre des dispositions du code électoral et du code pénal concernant l'interdiction d'inscription sur la liste électoral. L'article 7 du code électoral prévoit une interdiction d'inscription sur la liste électorale pendant une durée de cinq ans pour toute personne ayant été condamnée, de manière définitive, sur le fondement des articles 432-10 à 432-16 du code pénal. L'article L. 130 du même code pénal prévoit, lui, que les personnes privées de la possibilité d'être inscrites sur la liste électorale pendant une certaine durée, seront déclarées inéligibles pour une période double de cette durée. Ceci revient à dire qu'une personne, condamnée pour l'un des délits prévus et réprimés par les articles 432-10 à 432-16 du code pénal, se trouve alors, et automatiquement, déclarée inéligible pour une durée de dix ans, et ce quelle qu'ait été la peine prononcée par le juge pénal. Or, l'article 132-21 du code pénal précise que : « l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale ». Il y a donc une contradiction flagrante entre les dispositions du code électoral et celles du code pénal conduisant à l'application d'une peine automatique, laquelle est pourtant contraire au droit français. Ainsi, l'article L 7 du code électoral prive le juge pénal de tout pouvoir d'appréciation en la matière quant à la peine à infliger, dès lors que l'article L 7 du code électoral trouve à s'appliquer de manière automatique. Dans ces conditions, il lui demande de lui apporter toutes précisions sur ce point qui pose de véritables difficultés sur le plan juridique, et ce d'autant que la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 février 2000 (élections de Solliès-Toucas), semble avoir confirmé le caractère automatique des dispositions de l'article L. 7 du code électoral.
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Texte de la REPONSE :
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la garde des sceaux, ministre de la justice, porte à la connaissance de l'honorable parlementaire que l'article 132-21 du code pénal, qu'il cite, constitue un corollaire du principe édicté à l'article 132-17,alinéa 1er, du code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, selon lequel aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée. Cette prohibition générale des peines accessoires est parfois entrée en conflit avec certains régimes particuliers d'incapacité, tel ceux fixés dans le code électoral. Pour résoudre de tels conflits de lois, il convient de distinguer selon la date d'entrée en vigueur des textes à interpréter et selon leur caractère général ou spécial. S'agissant en premier lieu de l'article L. 7 du code électoral, la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 a rétabli avec cet article une radiation automatique, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, de toute personne reconnue coupable de l'une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1 à 433-4 du code pénal ou du délit de recel de l'une de ces infractions. L'article L. 7 du code électoral prévoit en effet un régime particulier d'incapacité pour certaines infractions pénales, visant une interdiction de droit (droit de vote) citée à l'article 131-26 du code pénal. S'agissant d'un texte postérieur à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et spécifique à certaines infractions déterminées, l'article L. 7 du code électoral doit prévaloir. En ce sens, par un arrêt du 3 février 2000 auquel l'honorable parlementaire fait référence, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a considéré applicable l'article L. 7 du code électoral. La haute juridiction a donc validé cette peine accessoire réintroduite dans notre droit pénal en dérogation au principe posé par le code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994. S'agissant en second lieu de l'article L.O. 130 du code électoral, il y a lieu de noter que cet article, issu de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, prévoit que « les individus dont la condamnation empêche temporairement l'inscription sur une liste électorale sont inéligibles pour une période double de celle durant laquelle ils ne peuvent être inscrits » sur cette liste. Cette disposition paraît contraire, par son caractère automatique, aux principes du code pénal entré en vigueur en 1994 et rappelés plus haut. Selon les principes jurisprudentiels, une loi nouvelle n'abroge pas implicitement un texte spécial antérieur. Cependant, lorsque le législateur a souhaité appliquer une disposition nouvelle au-delà du champ du nouveau code pénal, il l'a explicitement précisé. C'est le cas de l'article 132-21 du code pénal selon lequel « l'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article 131-26 du même code ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale ». Par conséquent, il semble qu'il y a lieu de considérer que l'application de l'article 132-21 du code pénal prévaut sur celle de l'article L.O. 130 du code électoral.
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