FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 45332  de  M.   Sarre Georges ( Radical, Citoyen et Vert - Paris ) QE
Ministère interrogé :  défense
Ministère attributaire :  défense
Question publiée au JO le :  24/04/2000  page :  2532
Réponse publiée au JO le :  24/07/2000  page :  4373
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  ordre public
Analyse :  maintien. force multinationale. création
Texte de la QUESTION : M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le projet actuellement en discussion, semble-t-il, entre plusieurs pays européens, visant à mettre en place une force multinationale spécialisée dans des actions de sécurité publique et de maintien de l'ordre. Constituée à partir de contingents nationaux prédéterminés, cette force aurait vocation à être déployée sur des théâtres d'opérations extérieures, en même temps que les unités militaires terrestres proprement dites, engagées dans une opération de maintien de la paix sous mandat international. Dans ce cadre, cette force multinationale serait ainsi chargée de la préservation des troubles à l'ordre public et des mouvements de foules, de la réalisation d'investigations et de fouilles en milieu urbain, ainsi que de maîtriser la violence et de réprimer le désordre dès lors que d'autres unités ne seraient pas explicitement chargées de telles missions. A cet égard, il désire que lui soit précisé dans quel cadre et avec quels pays européens partenaires ce projet a vu le jour et est actuellement discuté, ainsi que l'état d'avancement des travaux en ce sens. Il s'interroge également sur la part jouée par la France dans cette initiative, ainsi que sur les positions défendues par notre pays en la matière. Il s'interroge de surcroît sur le bien-fondé de créer une structure spécifique pour remplir de telles missions, sur le mode de financement, le statut et les règles d'engagement de cette force (de qui dépendrait-elle ? Qui en assurerait le commandement opérationnel ? Quels seraient ses liens avec l'OTAN et l'ONU ?) ainsi que sur son articulation avec la structure civile de réaction rapide (composée notamment de policiers et de magistrats) dont le commissaire européen Chris Patten a proposé la création, le 11 avril dernier. Sur tous ces points, il lui demande donc de lui apporter les précisions et éclaircissements qui s'imposent.
Texte de la REPONSE : Les leçons tirées de la gestion des crises intervenues ces dix dernières années soulignent l'importance de la restauration de la sécurité publique dans les opérations de soutien de la paix. Des réflexions sur les moyens permettant de mieux faire face à cet enjeu et de conforter la fonction de police civile dans la gestion des crises sont actuellement menées au sein de l'ONU et de l'Union européenne (UE), l'ONU est confrontée, depuis environ cinq ans, à une recrudescence du nombre et du volume des opérations de « police civile » (plus de 4 500 CIVPOL à ce jour sur un total de près de 19 000 casques bleus), qui impose au secrétariat de cette organisation de trouver, souvent dans l'urgence, les contributions nationales nécessaires. L'ONU se voit aussi confier par ses Etats membres des missions différentes de celles, traditionnelles, de contrôle et de formation des polices locales. Ainsi, en Haïti, des policiers ont été amenés, lors de la phase finale de l'opération de maintien de la paix, à assurer la protection des observateurs après le retrait d'une composante militaire. Au Kosovo, les policiers de la MINUK ont une mission générale de substitution aux moyens locaux quasi inexistants à la mi-1999. Enfin, en Bosnie, l'identification d'un vide sécuritaire pénalisant pour le retour des réfugiés a conduit l'OTAN à mettre sur pied des unités militaires spéciales (MSU), constituées de carabiniers italiens. La réflexion engagée souligne la nécessité d'une approche globale de la restauration de la sécurité publique dans les opérations de soutien de la paix. Au sein de l'UE, des travaux sont également engagés sur la base des conclusions du Sommet d'Helsinki. Le rapport de la présidence sur la gestion non militaire des crises conclut en effet qu'une étude devrait être menée, tenant compte de l'expérience acquise, afin de définir des objectifs concrets s'agissant de la réponse non militaire collective qu'apportent les Etats membres de l'UE aux crises internationales (par exemple, la capacité de déployer rapidement et de soutenir pendant une période donnée une force de police civile d'un volume déterminé dans le cadre de la participation à des missions de police civile...) «. La réunion du groupe sécurité (COSEC) du 5 mai 2000 a été consacrée à un échange de vues sur le renforcement des capacités européennes en matière de police. La présidence portugaise a fait adopter par le Conseil européen de Feira un » objectif concret « (5 000 officiers de police d'ici à 2003) afin de mobiliser les efforts des Etats membres dans le cadre de la gestion non militaire des crises. Il n'est pas envisagé de constituer une force de police internationale permanente, mais d'améliorer l'aptitude à un déploiement rapide de contingents nationaux selon les circonstances et le type de crise. A cet effet, l'ONU et l'UE constituent des banques de données permettant de connaître les moyens tenus en alerte par les nations pour une éventuelle contribution. Les réflexions françaises conduiraient à envisager de déployer, dans les circonstances où il est nécessaire de maîtriser la violence et de travailler en complémentarité avec les armées, des unités constituées qui devraient, en plus des capacités de maintien de l'ordre, être en mesure de remplir des missions de sécurité publique générale. Le problème de la disponibilité des moyens se pose en termes cruciaux à l'UE, où les quinze sont engagés dans un exercice de développement des capacités européennes et où la France entend couvrir toute la gamme des missions dites de Petersberg pour la gestion des crises en Europe. La réflexion engagée au sein du ministère de la défense met l'accent sur l'importance de la synergie entre l'action des armées et celles des forces de police, quelle que soit la nature ou la phase de l'opération considérée. Cette synergie est devenue indispensable dans les conflits à caractère intraétatique, où les populations sont au coeur des opérations, ainsi que dans les situations de restauration de la paix qui imposent souvent de se substituer à des polices locales (insuffisantes ou impliquées dans la crise) en attendant le rétablissement du fonctionnement normal des institutions. Elle exige entre les forces armées et de police une combinaison des savoir-faire, un soutien réciproque des actions et le relais d'une composante par l'autre en fonction de l'effet à obtenir et du degré de violence à affronter. Les premières discussions à quinze ont confirmé une large convergence de vues sur le caractère strictement national des décisions visant à engager des éléments de police sur un théâtre extérieur, sur la possibilité de tirer profit de la diversité des forces de police des pays de l'Union, en définissant des domaines d'excellence selon les types de mission (maintien de l'ordre, coopération dans le domaine de la formation, expertise technique...), ainsi que sur la nécessité d'insérer l'action de la police dans un cadre global prenant en compte le fonctionnement du système administratif, judiciaire et pénal. Il ne faut pas se dissimuler l'ensemble des défis à surmonter (y compris pour la France) dans l'acquisition de ces capacités collectives. Mais la crédibilité de l'ONU et de l'Union européenne, piliers de l'action internationale de notre pays, implique que nous puissions déployer les moyens efficaces de triompher de la violence là où nos choix politiques conscients nous ont conduits à nous engager.
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O