FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 456  de  M.   Boulaud Didier ( Socialiste - Nièvre ) QOSD
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  24/06/1998  page :  5316
Réponse publiée au JO le :  01/07/1998  page :  5491
Rubrique :  assurance invalidité décès
Tête d'analyse :  pensions
Analyse :  conditions d'attribution
Texte de la QUESTION : M. Didier Boulaud attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le cas d'une jeune fille victime en 1982 d'un très grave accident de la circulation. Renversée par une voiture, elle a subi des lésions irréversibles. L'automobiliste, reconnu entièrement responsable, a été condamné au remboursement des frais médicaux, d'hospitalisation et au paiement d'un capital-rente de 321 784 francs, la totalité de ces sommes ayant été versée par la compagnie d'assurances à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Après cet accident et une période d'invalidité totale de trois années, cette jeune femme a perçu une pension d'invalidité avec un taux d'incapacité fixé, après expertise judiciaire, à 57 %. En 1990, elle trouve un emploi. Un an après, elle est titularisée. Au fur et à mesure des années, le montant de sa pension va décroître jusqu'à disparaître totalement en raison du dépassement du plafond de ressources. Aujourd'hui, cette jeune femme, victime dans sa chair, l'est également dans ses droits, ne pouvant percevoir le restant de son capital-rente, gardé par la CPAM. Aussi lui demande-t-il si cette personne n'est pas en droit de récupérer ce que la justice lui a accordé en réparation du préjudice qu'elle a subi.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Didier Boulaud a présenté une question, n° 456, ainsi rédigée:
«M. Didier Boulaud attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le cas d'une jeune fille victime en 1982 d'un très grave accident de la circulation. Renversée par une voiture, elle a subi des lésions irréversibles. L'automobiliste, reconnu entièrement responsable, a été condamné au remboursement des frais médicaux, d'hospitalisation et au paiement d'un capital-rente de 321 784 F, la totalité de ces sommes ayant été versée par la compagnie d'assurances à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Après cet accident et une période d'invalidité totale de trois années, cette jeune femme a perçu une pension d'invalidité avec un taux d'incapacité fixé, après expertise judiciaire, à 57 %. En 1990, elle trouve un emploi. Un an après, elle est titularisée. Au fur et à mesure des années, le montant de sa pension va décroître jusqu'à disparaître totalement en raison du dépassement du plafond de ressources. Aujourd'hui, cette jeune femme, victime dans sa chair, l'est également dans ses droits, ne pouvant percevoir le restant de son capital-rente, gardé par la CPAM. Aussi lui demande-t-il si cette personne n'est pas en droit de récupérer ce que la justice lui a accordé en réparation du préjudice qu'elle a subi.»
La parole est à M. Didier Boulaud, pour exposer sa question.
M. Didier Boulaud. Madame la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, je viens à nouveau attirer l'attention du Gouvernement sur un dossier déjà connu, puisque j'avais sollicité par écrit Mme Martine Aubry à ce propos l'hiver dernier - elle m'avait du reste répondu.
Je vous rappelle brièvement les faits. Une jeune femme avait été victime d'un très grave accident de la circulation en 1982. Renversée par une voiture, elle a subi des lésions irréversibles. L'automobiliste, reconnu entièrement responsable, a été condamné au remboursement des frais médicaux, d'hospitalisation et au paiement d'un capital représentatif d'une rente d'un montant de 321 784 francs, la totalité de ces sommes ayant été versée par la compagnie d'assurances à la caisse primaire d'assurance maladie; la victime a également perçu des indemnités au titre du pretium doloris.
Après cet accident et une période d'invalidité totale de trois années, elle perçoit une pension d'invalidité avec un taux d'incapacité permanente partielle fixé, après expertise judiciaire, à 57 %. En 1990, elle trouve un emploi. Un an après, elle est titularisée. Au fur et à mesure des années, le montant de sa pension décroît jusqu'à disparaître totalement en raison de son dépassement de ressources.
Aujourd'hui, cette jeune femme, victime dans sa chair, l'est également dans ses droits, ne pouvant percevoir le restant de son capital-rente, gardé dans les caisses de la Caisse primaire d'assurance-maladie alors qu'il correspond à la réparation de son incapacité permanente partielle pour laquelle elle n'a pas été indemnisée !
Une modification de la législation actuelle ne pourrait-elle pas être envisagée en la matière pour ce qui concerne les accidents de la circulation ?
En effet, en cas d'accident du travail, c'est la sécurité sociale qui paie de ses propres deniers la rente à son assuré. S'il s'agit en revanche d'un accident de la circulation, de droit commun, en quelque sorte, la sécurité sociale devrait régler la rente à son assuré avec le capital que lui a versé la compagnie d'assurances du tiers responsable, déduit par le tribunal de l'indemnité pour incapacité permanente partielle. Mais ce capital n'appartient pas à la sécurité sociale. En étendant les règles des accidentés du travail aux accidents de droit commun, la loi lèse la victime qui voit son indemnisation abusivement réduite.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.
Mme Nicole Pery, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle. Monsieur le député, vous attirez notre attention sur un cas bien douloureux. Vous en aviez dejà alerté Mme Martine Aubry dans le cadre d'une question écrite. Mme Aubry vous avait alors transmis une réponse; or ce matin, je ne peux que vous apporter oralement qu'une réponse identique. J'ai bien conscience qu'elle aura un ton juridique qui n'est pas tout à fait celui que j'aurais voulu employer à propos d'un tel drame humain, mais les règles sont ainsi faites.
Le cas précis que vous évoquez obéit à des règles complexes applicables à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, à la subrogation des organismes de sécurité sociale dans les droits de la victime et aux versements des prestations de sécurité sociale. Le sujet est, j'en conviens, difficile; je vais m'efforcer néanmoins de répondre clairement à vos préoccupations.
En ce qui concerne l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, les différents préjudices subis sont évalués par le tribunal: ce sont notamment l'atteinte à l'intégrité physique et à la capacité de gain et les préjudices moraux ou esthétiques. L'indemnité attribuée à la victime correspond à ces différents préjudices. Elle est versée directement à la victime, sauf la part correspondant à l'indemnisation du préjudice physique et de la perte de la capacité de gain.
En ce qui concerne cette dernière, c'est l'organisme de sécurité sociale qui doit verser les prestations correspondantes, en nature et en espèces, pour éviter à la victime d'attendre la fin de l'instance judiciaire qui peut, malheureusement, être longue. Il est donc subrogé dans les droits de la victime pour en récupérer le montant et dispose de ce fait d'une créance sur le tiers responsable de l'accident et son assureur, qui ne dépasse pas les frais qu'il doit supporter. Cette créance s'impute sur l'indemnité due par le tiers responsable de l'accident et son assureur à hauteur de la somme destinée à réparer l'atteinte à l'intégrité physique de la victime. Cette somme, fixée par le juge, tient compte non seulement des frais certains supportés par la CPAM - pension déjà versée -, mais également des frais futurs que la situation de la victime pourrait entraîner.
Cette prestation peut être suspendue mais, en tout état de cause, cette suspension n'entraîne pas la fin de l'avantage accordé puisque la pension d'invalidité sera rétablie dans son intégralité dans le cas où la victime viendrait à cesser son activité professionnelle, quel que soit le motif, notamment en raison d'une aggravation de son état de santé.
J'ai conscience, monsieur le député, que cette réponse est bien juridique alors que vous m'interpellez sur une situation humaine douloureuse, mais je ne peux que vous répondre dans le cadre du code de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Je comprends bien votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, mais j'avoue qu'il est difficile d'admettre que cette jeune fille bénéficie, grâce au cumul de la pension et des revenus professionnels, de «ressources supérieures à celles dont elle disposait avant son invalidité».
Un tel argument ne peut résister à l'examen, car c'est ne tenir aucun compte de la décision de justice qui entend compenser par des indemnités la perte de revenus consécutive à l'accident de droit commun et reconnue par des experts qui ont fixé l'incapacité permanente partielle à 57 %. En effet, les experts précisent dans leur rapport, entériné par les juges, que si les capacités de réinsertion socioprofessionnelle sont très limitées, cette blessée est définitivement inapte à la reprise de ses activités antérieures en raison de séquelles stomatologiques et surtout neurologiques et neuro-psychologiques considérables.
On ne peut soutenir sérieusement que «la suspension de la pension d'invalidité n'entraîne pas la fin de l'avantage accordé puisque la pension d'invalidité sera rétablie dans son intégralité dans le cas où l'assuré vient à cesser son activité professionnelle quel que soit le motif et notamment en raison d'une aggravation de son état de santé».
«L'avantage accordé» nécessiterait quelques explications car, pour moi, la pension est un dû et non une faveur, un dû fixé par la justice.
Je ne vois pas comment cette personne pourrait cesser son activité professionnelle puisqu'elle est titulaire de la fonction publique. En cas d'aggravation de son état, ce que personne ne doit souhaiter, le recours s'exercerait contre le tiers responsable. Au surplus, je ne pense pas que «l'avantage» de cette pension, qui s'élève pour le dernier trimestre à 4 409 francs, compenserait les 57 % d'incapacité permanente partielle fixés par décision judiciaire.
Je vous précise que cette personne ne touche plus rien depuis plusieurs trimestres et qu'on peut parler maintenant de suppression et non plus de suspension. Mais, Courteline n'est pas mort, elle adresse chaque trimestre une déclaration de salaires, suivie régulièrement d'un courrier de la caisse notifiant une «suspension de pension d'invalidité pour dépassement de ressources». Il y a sans doute là aussi quelques économies à faire.
Je persiste, madame la secrétaire d'Etat, à demander que la loi relative aux accidents du travail soit modifiée car elle ne devrait pas être étendue aux accidents de droit commun, en l'occurrence les accidents de la circulation.
SOC 11 REP_PUB Bourgogne O