Texte de la QUESTION :
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M. André Aschieri attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les problèmes aigus que pose la croissance rapide du nombre de loups dans les montagnes des Alpes-Maritimes. Les loups sont réapparus en 1992 et se sont multipliés très rapidement, trouvant en abondance dans les alpages gibier sauvage et proies domestiques. Les prélèvements opérés sur les ovins par les quatre meutes actuelles et la cinquième en formation, soit plus de 20 individus, doublent chaque année, et ont atteint des chiffres qui deviennent inquiétants pour les éleveurs. En 1996, 783 brebis furent tuées, lors de 189 attaques, occasionnant le versement de 1 MF d'indemnités aux éleveurs. Sur le plan économique, l'élevage ovin est fondamental dans la partie rurale des Alpes-Maritimes, soit 90 % du territoire. Les éleveurs y sont encore plus de 300 et représentent un frein à la désertification de certaines communes du haut pays. Le chiffre d'affaires annuel s'élève à 45 MF, hors transports de troupeaux, commerce de grains, fourrages et autres aliments, produits pharmaceutiques et emplois induits. Il faut ajouter à cela la « location des alpages » qui rapporte à l'ensemble des communes de montagne près de 5 MF annuels, ce qui représente, pour certaines d'entre elles, l'essentiel de leurs ressources. Plus de 250 troupeaux (locaux et transhumance) séjournent l'été dans les Alpes-Maritimes. Le cheptel compte plus de 90 000 ovins. Sur le plan environnement, les éleveurs entretiennent, par leur seule présence, les 100 000 hectares d'alpages et une bonne partie des espaces ruraux du département, pour un coût de 200 francs l'hectare (calculé sur les primes à l'herbe). Ils empêchent ainsi la friche et la forêt d'envahir les paysages et de les rendre impénétrables à toute activité humaine, qu'elle soit économique ou touristique. Si cet entretien « naturel » disparaissait, cela créerait un surcroît de charges pour le débroussaillement que bien des communes sont dans l'incapacité d'assumer. Par ailleurs, le Parc national du Mercantour commençait à être accepté et même apprécié par les éleveurs, qui bénéficiaient de certaines réglementations et par les collectivités, dont le potentiel économique et touristique se développait grâce à la qualité faunistique des sites du Mercantour. Il ressort des rencontres avec éleveurs et habitants que le retour du loup, sans mesure de régulation et de limitation, constitue une atteinte sérieuse à ce développement, seule alternative à la désertification. Les rapports officiels mettent en avant le caractère indispensable de l'élevage ovin en montagne et montrent la difficile cohabitation du loup avec l'homme. Les mesures de prévention (chiens de protection, cabanes, aides-bergers) qui représentent déjà un budget conséquent, prévu dans le programme Life-loup, ne seront acceptées et mises en place par tous les éleveurs que si l'Etat s'engage dans une politique de limitation et de régulation, montrant par-là sa volonté de régler le problème. Dans l'intérêt général, et pour répondre à l'attente des éleveurs qui ont massivement manifesté le 29 septembre à Nice, il est proposé que soit entreprise une véritable concertation avec les techniciens, les éleveurs, les élus locaux et les administrations concernées, pour trouver des solutions permettant, non l'éradication du loup, mais sa régulation et sa limitation, Toutes les précautions pour la gestion biologique de cet animal protégé mais non en voie de disparition devront être prises. Dans cette optique, pourraient être réexaminés l'article 9 de la Convention de Berne et l'article 16 de la directive européenne habitat et flore, qui prévoient « la capture ou tir d'un individu de la meute pris en flagrant délit », donnant ainsi aux éleveurs les moyens de protéger leurs troupeaux. Cette mesure, associée à une mise à disposition plus importante d'aides-bergers, permettrait d'engager les négociations d'une façon plus sereine. Un plan de développement durable de l'élevage et des activités agricoles dans le moyen et haut pays des Alpes-Maritimes, seuls capables de maintenir un tissu social et économique et d'assurer le développement du tourisme rural, devrait être proposé.
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Texte de la REPONSE :
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Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant les loups dans les Alpes Maritimes. Les populations italiennes de loups, présentes depuis toujours dans les Abruzzes, se sont récemment développées et ont progressivement recolonisé les Apennins vers le Nort en direction de la France, ce qui explique le retour naturel de loups dans le Mercantour depuis 1992. Or le loup est une espèce protégée par les engagements internationaux de la France (convention de Berne) et par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976. Dans ce contexte, l'objectif du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement est de concilier le pastoralisme, activité économique contribuant à la fois à l'aménagement du territoire et au maintien de la diversité biologique, avec la protection de cette espèce emblématique. Plusieurs mesures de prévention ont d'ores et déjà été mises en oeuvre en ce sens. Afin de prévenir les conséquences sur le pastoralisme de la présence permanente du loup, notamment dans le parc national du Mercantour, un plan d'action a ainsi été mis en place par le ministre chargé de l'environnement avec l'appui de cet établissement. Il a permis d'établir un recueil de données sur l'espèce, d'expertiser les proies sauvages ou domestiques susceptibles d'avoir été tuées par le loup, d'élaborer une cartographie permanente des observations effectuées, d'adapter à la présence du loup des techniques employées pour garder les troupeaux, de mettre en place un dispositif d'indemnisation et d'aide au pastoralisme pour réduire la prédation subie par les troupeaux de moutons. Ces premières mesures ont été reprises et amplifiées dans le cadre d'un programme communautaire (financement LIFE pour 3 ans à compter de l'année 1997 pour un montant de 8 millions de francs dont 50 % sont financés par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement). Les objectifs de ce programme consistent à accompagner le retour du loup dans les Alpes du Sud en améliorant la connaissance sur l'espèce, sa répartition, son évolution, son impact sur la faune sauvage et domestique, et à mettre en place des mesures d'accompagnement en faveur du pastoralisme telles que les compensations des dommages, la mise en place de chiens de protection, de parcs de contention la nuit et la mise à disposition de bergers auxiliaires pour améliorer la garde nocturne des troupeaux. Le programme comporte également la réintroduction d'ongulés sauvages en vue d'améliorer l'habitat dans les zones particulièrement favorables et de diminuer, indirectement, l'impact sur la faune domestique. Il porte, enfin sur des actions d'information et de communication. Les études de suivi conduites dans le cadre du programme LIFE démontraient, au début de 1997, la présence de quatre meutes, à l'effectif inégal, dans le département des Alpes Maritimes, soit environ 25 loups, plus quelques individus isolés dans d'autres départements des Alpes du Sud. Les résultats des observations de l'hiver 1998 font état de vingt loups environ, répartis en quatre meutes dans le Mercantour. Trois individus ont été retrouvés morts depuis 1994, l'un dans un couloir d'avalanche, un autre écrasé par une voiture et le troisième abattu au tir de chevrotines. Les deux meutes principales se nourissent pour les trois quarts sur la faune sauvage (mouflons, chamois, sangliers) et pour un quart sur les moutons. Les attaques de moutons imputables aux loups dans les Alpes Maritimes ont été au nombre de 10 en 1993, 51 en 1994, 104 en 1995, 193 en 1996 et 192 en 1997. Les indemnisations versées par une fondation subventionnée par le ministère de l'environnement ont été de 900 000 francs en 1997 (763 animaux indemnisés contre 796 en 1996). Cette stabilisation de la prédation sur les animaux domestiques peut être imputée aux mesures de protection des troupeaux mises en place. Avec l'extension du territoire de présence du loup dans les Alpes et en Savoie en 1997, les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement ont décidé d'améliorer ce dispositif de prévention et de mettre en place une stratégie nationale de conservation du loup liée à un pastoralisme démodé. A cette fin, une concertation est entreprise avec tous les acteurs concernés. Elle devra permettre l'adoption de mesures équilibrées permettant d'accompagner le retour naturel du loup dans notre pays, tout en permettant le maintien du pastoralisme. Dans ce but, et si le dispositif de prévention s'avérait insuffisant, des mesures de régulation tendant à encadrer des populations de loups sont envisageables.
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