Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les problèmes posés par le lancement prévu, à l'horizon de l'été 2000, de la technologie Bluetooth, une nouvelle norme qui doit permettre à presque tous les appareils mobiles (ordinateurs, téléphones, organiseurs, etc.) de correspondre entre eux et d'échanger des données sans liaison par câble ni logiciel particulier. Adoptée par quelque 1 300 constructeurs dans le monde, cette nouvelle norme, qui s'impose progressivement dans tous les pays, présente cependant l'inconvénient majeur de fonctionner sur une bande de fréquences radioélectriques (2,45 gigahertz) partiellement utilisée par nos armées. En conséquence, l'Agence nationale des fréquences (ANF) se trouve aujourd'hui confrontée à l'alternative suivante : soit interdire la mise en oeuvre de la technologie Bluetooth en France, au risque de laisser notre pays à l'écart de cette révolution annoncée des télécommunications nomades ; soit « déménager » les fréquences militaires, décision considérée déjà par certains comme inéluctable - un tel « déménagement » ayant déjà été négocié pour la norme UMTS de télécommunications mobiles de prochaine génération. Dans ce contexte, il s'interroge, d'une part, sur l'état d'avancement des négociations sur ce dossier entre l'ANF et le ministère de la défense. Il s'interroge, d'autre part, sur les conséquences à la fois techniques, opérationnelles et financières qu'impliquerait, pour nos armées, un tel « déménagement » de fréquences. Il se demande enfin qui, dans ce cas, en supporterait le coût, certains experts soulignant déjà qu'il sera difficile de faire payer l'ensemble des constructeurs concernés et, a fortiori, les utilisateurs individuels. En conséquence, il lui demande donc de lui fournir au plus tôt, sur ce dossier, les éléments d'appréciation pertinents.
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Texte de la REPONSE :
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En France, les bandes de fréquences sont attribuées par arrêté du Premier ministre. Le texte actuellement en vigueur est l'arrêté du 25 janvier 1999 relatif au tableau national de répartition des bandes de fréquences. La sous-bande de 2,4 à 2,5 gigahertz est affectée au ministère de la défense pour les services « primaires », fixes, mobiles et de radiolocalisation. Cette sous-bande est actuellement occupée par les faisceaux hertziens d'infrastructure, les systèmes mobiles tactiques, les radars sol/air et les systèmes de télémesures aéronautiques. Une recommandation européenne, remise à jour tous les six mois, propose la bande 2400/2483,5 mégahertz pour les appareils de faible puissance (SRD : Short Range Device), mais précise également les positions adoptées par chaque pays pour ces fréquences. Ainsi, la France refuse la tranche 2400/2446 mégahertz et, pour certains SRD, ne peut garantir l'absence de brouillage de la tranche supérieure. Il en est de même pour l'Espagne et, hors d'Europe, le Japon. La défense a donc autorisé l'utilisation de la bande 2446,5/2483,5 mégahertz pour les services « secondaires » de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), tels que les systèmes Industriel-Scientifique-Médical (ISM), les réseaux locaux radio (RLAN : Radio Local Area Network) et les SRD. L'ART délivre des licences aux opérateurs de RLAN aux conditions suivantes : utilisation de ces systèmes limitée à la sous-bande 2446,5/2483,5 mégahertz ; simple déclaration de l'implantation et de l'exploitation d'un RLAN (procédure dite simplifiée) pour les communes de plus de 50 000 habitants ; obligation d'obtenir, au cas par cas, l'accord de la défense pour les autres communes. Les systèmes utilisant la norme Bluetooth appartiennent à la famille des RLAN. Ils sont composés d'équipements de faible puissance (quelques centaines de milliwatts) et d'une portée limitée à quelques dizaines de mètres. Selon les industriels, le marché de ces équipements connaît une forte expansion que les régulateurs nationaux ont du mal à maîtriser. Si la cohabitation entre les systèmes militaires et les RLAN dans la bande 2446,5/2483,5 mégahertz est acceptable actuellement, elle ne l'est pas pour la partie basse de la bande (2400/2446,5 mégahertz). Aussi, les premières notices de Bluetooth prévoient-elles une fabrication particulière d'équipements sur la partie supérieure de la bande pour gagner les marchés français, espagnol et japonais. Des études de compatibilité entre les différents systèmes concernés sont en cours. Au sein de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), la commission consultative de planification des fréquences a créé un groupe de travail chargé d'étudier le partage des services mobiles de radiocommunications dans les sous-bandes comprises entre 1 et 3 gigahertz. C'est dans ce cadre que la défense a commencé à « déménager » ses faisceaux hertziens d'infrastructure des sous-bandes attribuées au GSM 1800 (Global System for Mobile communications dans la bande 1 800 mégahertz), à l'UMTZ (Universal Mobile Telecommunication Systems : systèmes de télécommunication mobile de troisième génération) et aux systèmes mobiles relayés par satellites. Pour la prise en compte des systèmes de la nouvelle technologie Bluetooth, il est vraisemblable que l'ANFR dirigera un groupe de travail sur ce sujet avec les affectataires concernés, dont notamment l'ART et la défense. Si les conclusions de ce groupe de travail estiment inéluctable le dégagement des systèmes militaires, il est certain que les conséquences seront importantes. Sur le plan technique, des bandes de fréquences de substitution équivalentes devront être attribuées à la défense, et nécessiteront au préalable une modification des équipements. Sur le plan opérationnel, les liaisons stratégiques militaires, les systèmes mobiles tactiques, les moyens de radiolocalisation et de télémesures aéronautiques subiront un fort impact. Sur le plan économique, les coûts de ces déménagements ne sauraient être supportés par les forces armées. Enfin, le dégagement des systèmes militaires de cette bande de fréquences ne pourra s'effectuer que dans un délai couvrant plusieurs années.
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