FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 46165  de  M.   Sarre Georges ( Radical, Citoyen et Vert - Paris ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  15/05/2000  page :  2930
Réponse publiée au JO le :  03/07/2000  page :  3919
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Haïti
Analyse :  relations bilatérales. bilan
Texte de la QUESTION : M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation politique en Haïti, où devraient se tenir très prochainement - selon le compromis récent auquel ont abouti le conseil électoral provisoire (CEP) et l'exécutif haïtien - des élections non seulement municipales et locales mais aussi législatives, qui devraient enfin permettre à un nouveau Parlement de se réunir, comme le prévoit la Constitution, le deuxième lundi du mois de juin 2000. S'agissant d'un pays au Parlement dissous, sur décision présidentielle, depuis janvier 1999, cette perspective est, en soi, un réel motif de satisfaction, sur le plan politique comme économique. Faute d'approbation parlementaire, des sommes considérables provenant de l'assistance internationale demeurent en effet gelées, alors que le revenu par habitant oscille toujours autour de 380 dollars par an en Haïti, dont plus de 60 % des huit millions d'habitants sont par ailleurs sans emploi, dans un contexte d'explosion démographique. Cependant, la recrudescence marquée des actes de violence en période préélectorale - s'ajoutant notamment à la violence endémique liée au transit par Haïti de la cocaïne colombienne à destination des Etats-Unis - jette de sérieux doutes sur la capacité des autorités haïtiennes à assurer la tenue d'élections législatives réellement libres et équitables. Dans ce contexte, qui conduit des milliers d'Haïtiens à tenter de fuir chaque année leur pays rongé par la misère et l'insécurité, il lui demande donc de lui préciser la position du Gouvernement sur ce dossier, en lui indiquant notamment quelle assistance la France a apportée à Haïti en vue de « remplir toutes les conditions nécessaires pour des élections justes, équitables et transparentes », selon le voeu exprimé à juste titre par l'Union européenne dans sa résolution du 15 mars dernier. Il lui demande également de dresser à cette occasion un état des lieux des relations franco-haïtiennes, ainsi que de préciser quelles sont les initiatives envisagées en la matière par le Gouvernement.
Texte de la REPONSE : Le premier tour des élections législatives et locales s'est tenu en Haïti le 21 mai 2000. Le taux de participation a été élevé par rapport aux élections précédentes et a atteint environ 60 % (il avait été inférieur à 40 % aux législatives et municipales de juin 1995, inférieur à 30 % aux présidentielles de décembre 1995 et inférieur à 10 % aux sénatoriales partielles d'avril 1997). La population a pu s'exprimer librement et dans le calme, selon les observateurs internationaux. Les nombreux reports des élections, les troubles et les violences qui ont émaillé la campagne électorale (manifestations violentes sporadiques par des partisans de M. Aristide ; assassinat le 3 avril du journaliste Jean Dominique ; assassinat en province de plusieurs candidats de l'opposition ; incendie du siège de l'opposition perpétré par des partisans supposés de M. Aristide ; passivité de la police face à ces troubles de l'ordre public), les nombreuses irrégularités constatées à l'issue du scrutin, notamment lors de la centralisation et la compilation des votes, puis l'arrestation de plusieurs candidats de l'opposition dans les jours qui ont suivi, ont créé un climat de confusion et d'insécurité susceptible d'avoir pesé sur le scrutin. La mission d'observation de l'OEA a mis en évidence une erreur dans le comptage des voix des candidats à l'élection sénatoriale, ce que le conseil électoral provisoire a contesté. L'opposition par ailleurs dénonce, sans preuves concrètes, des fraudes massives. Elle a annoncé qu'elle n'entendait pas reconnaître le scrutin du 21 mai et qu'elle renonçait à se présenter au deuxième tour. Cette situation et le climat de suspicion qui en découle, sont fâcheux. La France attend les conclusions définitives de la mission de l'OEA avant de se prononcer sur la validité des élections. Les autorités françaises souhaitent cependant que le processus électoral se poursuive et, notamment, que toutes les parties respectent les règles du jeu démocratique et participent au second tour prévu le 25 juin. Il est essentiel en effet pour le pays que le Parlement bénéficie d'une pleine légitimité et qu'il puisse se mettre rapidement au travail et ratifier un nouveau gouvernement. Seul le fonctionnement normal des institutions permettra le redémarrage de l'aide internationale et l'engagement des prêts d'un montant très important actuellement suspendus, indispensables à l'amélioration des conditions de vie du peuple haïtien et à la réduction concomitante de l'émigration désespérée de trop nombreux Haïtiens vers les Etats-Unis, la République dominicaine ou d'autres pays des Antilles. La France a contribué de manière significative à la tenue de ces élections. Elle n'a cessé de faire pression sur les autorités haïtiennes, dans le cadre de nos relations bilatérales, mais également en oeuvrant en ce sens au sein de l'Union européenne ou du groupe des « pays amis » d'Haïti, qui se réunit depuis 1991 en marge du Conseil de sécurité de l'ONU. La France n'a toutefois pas été en mesure d'apporter une assistance significative à la préparation de ces élections, faute d'avoir pu trouver, comme d'ailleurs l'Union européenne, un terrain d'entente avec le conseil électoral provisoire, et en raison des nombreux reports et de l'indécision qui ont longtemps pesé sur la date du scrutin. Elle a en définitive apporté un financement de 1 MF à la mission d'observation mise en place par l'OEA, contribution qui a notamment permis l'envoi, pour le premier tour, de sept observateurs français. Depuis le rétablissement de l'ordre constitutionnel en octobre 1994, la France a consenti un effort exceptionnel en faveur d'Haïti (plus de 500 MF), inclus en 1999 dans la zone de solidarité prioritaire. Notre pays se place en troisième position des bailleurs de fonds bilatéraux. Il a résolument soutenu au cours de ces dernières années la transition démocratique et l'instauration de l'Etat de droit, en consacrant des moyens significatifs à la réforme de la justice, à la formation de la police et à la modernisation de l'administration. Mais notre priorité reste l'éducation et la formation, par l'appui aux filières professionnelles ou à l'école normale supérieure pour des programmes de formation d'enseignants de français et de mathématiques, pour lesquelles la France consacre des moyens importants. Un projet d'appui aux centres culturels francophones (Alliances françaises), situés en province, est également à l'étude. Dès lors que les financements internationaux seront débloqués, la coopération française devra rapidement s'articuler avec les programmes des bailleurs de fonds multilatéraux (en y incluant notamment les interventions de l'Agence française de développement). Enfin, dès que le Parlement sera en fonctionnement et qu'il aura ratifié la nomination d'un nouveau gouvernement, il conviendra de redéfinir, avec les partenaires des institutions haïtiennes concernés, les actions de nature à contribuer à la consolidation de l'Etat de droit.
RCV 11 REP_PUB Ile-de-France O