Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Réponse publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«Mme Marie-Hélène Aubert attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les décisions récentes concernant le droit des agriculteurs à utiliser leurs propres semences. L'interdiction le 1er juillet dernier d'un produit de traitement des semences, le lindane, a touché les agriculteurs qui jusque-là traitaient leurs semences à la ferme. En effet, les substituts du lindane à base de Fipronyl ne sont pas distribués sous des prétextes dont la validité mérite vérification. Ces «refus de vente» s'inscrivent dans une logique plus globale d'emprise croissante des semenciers sur le marché. Ainsi l'utilisation de semences certifiées, donc achetées à des obtenteurs, a été rendue obligatoire pour le blé dur par un règlement européen en novembre dernier sans réelle justification technique ou qualitative. Les firmes phytopharmaceutiques et semencières, dont la concentration avance à grands pas, constitueront-elles, avec l'aval ou le silence de l'Etat, un monopole de la distribution des semences ? Dans le domaine des semences fermières comme dans celui des organismes génétiquement modifiés, c'est un modèle d'agriculture diversifié et riche qui est en jeu. C'est aussi la possibilité pour les pouvoirs publics d'avoir une certaine prise sur les orientations de la recherche dans le domaine du vivant qui ne peut être exclusivement l'apanage de firmes privées. Aussi lui demande-t-elle quels moyens il compte mettre en oeuvre pour qu'une obligation de service public existe en matière de recherche végétale, comment l'Etat et les différents types d'agriculteurs pourront avoir une prise sur ses orientations et comment il compte préserver le droit séculaire des agriculteurs à ressemer leurs récoltes. Elle lui demande enfin ce qu'il compte faire pour que les agriculteurs aient accès rapidement à un substitut du lindane qui leur permette d'ensemencer leurs champs en toute sécurité.» La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, pour exposer sa question. Mme Marie-Hélène Aubert. Le débat sur la loi d'orientation agricole battant son plein, j'ai pensé que c'était l'occasion de poser aussi la question de l'avenir des semences fermières, qui préoccupe bon nombre d'agriculteurs, en particulier dans le département dont je suis issue, l'Eure-et-Loir, où 80 % des céréaliers utilisent des semences produites à la ferme. Cet été, se sont produits plusieurs événements mettant gravement en cause l'avenir des semences fermières. L'interdiction du lindane d'abord, dont nous nous réjouissons puisqu'il s'agit effectivement d'un produit dangereux, ne s'est pas accompagnée, notamment pour les semences fermières, d'une mise à disposition de produits de substitution. Il en existe mais ils sont vendus dans des conditionnements tels qu'ils sont totalement inaccessibles aux agriculteurs individuellement. J'avais d'ailleurs demandé à vos services si une telle pratique ne s'assimilait pas à une forme de refus de vente. En outre la prime au blé dur ne serait plus accordée désormais qu'à la condition que l'agriculteur utilise des semences certifiées. Enfin, la SICASOV a pris l'initiative de demander une redevance sur les semences fermières équivalant à 50 % de celle qui est prélevée sur les semences certifiées, en arguant d'une réglementation européenne et d'un règlement qui tarde à venir. Ainsi, les grandes firmes phytopharmaceutiques et semencières accroissent peu à peu leur emprise sur le secteur des semences. On sait que les profits peuvent être considérables et, pour l'instant, le Gouvernement n'a pas réellement pris de position sur ces questions. A ma connaissance, il n'existe pas de réglementation française en la matière; aussi se réfère-t-on systématiquement aux textes européens. Mes questions, monsieur le ministre de l'agriculture, sont à la fois d'ordre technique et d'ordre plus général. Sur le plan technique, comment pensez-vous régler le problème des substituts du lindane pour les semences fermières ? Ma deuxième question touche à l'avenir de la recherche publique: allez-vous fixer des objectifs et des missions de service public à la recherche dans le domaine des variétés végétales, alors que, actuellement, ce sont les firmes privées qui définissent les axes de recherche ? Plus globalement, comment comptez-vous peser pour que, dans l'affaire des OGM comme dans celle-ci, les agriculteurs puissent continuer à disposer d'une certaine autonomie dans l'utilisation des semences produites à la ferme ? M. le président La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la député, vous évoquez plusieurs points ayant trait à un dossier ancien et important, celui des semences de ferme. Tout d'abord, je tiens à vous apporter des précisions au sujet du Lindane. Il s'agit bien là d'un insecticide polyvalent, mais très rémanent, qui est l'un des polluants, important, de l'eau potable. C'est pourquoi, le 1er juillet 1998, j'ai décidé de l'interdire. A ma demande, les services de la direction générale de l'alimentation de mon ministère ont fait en sorte de traiter rapidement les dossiers de demandes d'homologation de produits équivalents. C'est ainsi que les spécialités à base d'immidaclopride, de fipronil et de téfluthrine ont pu recevoir les autorisations de mise sur le marché. Vous savez que les sociétés phytopharmaceutiques décident elles-mêmes des conditions de mise en marché des traitements de semences. Mes services ont eu l'occasion de sensibiliser ces sociétés aux besoins des agriculteurs. Nous ne manquerons pas de vous tenir informée des évolutions en cours. En ce qui concerne l'obligation d'utiliser des semences certifiées de blé dur, la Commission européenne a jugé qu'il s'agissait d'un moyen d'atteindre l'objectif fixé, à savoir l'adaptation de la production aux besoins des industries utilisatrices. Ces dernières années, nous avions, en effet, constaté qu'une partie de la production de blé dur était destinée à des utilisations fourragères, ce qui n'est pas compatible avec les exigences de qualité des industries. S'agissant de l'application du nouveau dispositif, le régime adopté par le conseil des ministres de l'agriculture s'appliquera d'une manière générale à compter de la récolte 1999. Par contre, un dispositif progressif, échelonné sur trois campagnes, à compter de 1998-1999, a été mis en place à la demande de la France. En outre, j'ai obtenu que la quantité de semences certifiées à utiliser en France soit fixée à un niveau très raisonnable. Lors du conseil des ministres du 20 juillet 1998, à Bruxelles, j'ai à nouveau fait état des difficultés provoquées par ce nouveau dispositif d'utilisation de semences certifiées pour l'obtention de l'aide blé dur. Enfin, vous avez à juste titre souligné que les mouvements de concentration en cours dans les secteurs phytosanitaire et des semences soulèvent des interrogations importantes. Ces mouvements résultent de l'analyse stratégique que font les firmes des applications de la recherche dans le domaine des biotechnologies. Nous souhaitons qu'en tout état de cause, les agriculteurs puissent bénéficier à terme des progrès qui pourraient être obtenus. Les pouvoirs publics ont donc décidé de soutenir le programme Génoplante, auquel participent l'INRA, le CNRS, l'ORSTOM et le CIRAD. Plus largement, je voudrais vous réaffirmer ma conviction de maintenir le secteur semencier français au niveau qui est le sien actuellement, c'est-à-dire le troisième au monde. Les agriculteurs français ont besoin de ne pas être dépendants de firmes et de technologies étrangères pour leur approvisionnement en semences. C'est une question stratégique pour l'avenir de toute l'agriculture. Par conséquent, lors d'un prochain conseil des ministres de l'agriculture, je vais proposer à mes collègues une démarche européenne en faveur d'une politique des biotechnologies qui corresponde réellement à nos intérêts agricoles pour l'avenir. M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert. Mme Marie-Hélène Aubert. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions qui nous rassurent un peu sur l'avenir des semences fermières. En ce qui concerne la prime blé dur, je tiens à souligner que l'argument de la fraude éventuelle ne suffit pas à justifier l'imposition d'utiliser des semences certifiées. On a plutôt le sentiment que ces grands groupes, une fois de plus, ont saisi une occasion pour imposer quelque chose qui n'a que peu à voir avec le problème et qu'il s'agit d'une fausse solution. Donc nous comptons sur votre détermination au niveau européen, puisque c'est bien aussi d'enjeux européens qu'il s'agit, pour préserver ce secteur et pour répondre à une préoccupation des agriculteurs français qui me paraît légitime et qui correspond aux objectifs que nous défendons, notamment cette semaine, dans le projet de loi d'orientation agricole. |