FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 474  de  Mme   Marre Béatrice ( Socialiste - Oise ) QG
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  26/03/1998  page :  2110
Réponse publiée au JO le :  26/03/1998  page :  2110
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  euro
Analyse :  mise en place
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Béatrice Marre.
Mme Béatrice Marre. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lors du sommet d'Amsterdam, le 16 juin dernier, la France, par la voix de Lionel Jospin, avait réaffirmé sa volonté de réaliser l'Union économique et monétaire aux échéances prévues par le traité, mais elle avait aussi défini quatre conditions pour que la mise en place de l'euro soit un succès.
Les deux premières conditions étaient destinées à s'assurer que la monnaie unique pourrait s'imposer immédiatement sur le plan international et à permettre ainsi de mieux affirmer l'identité européenne: d'une part, un euro large, auquel participent le plus grand nombre possible de pays membres de l'Union européenne, et des déclarations antérieures sur ce point ont été modifiées; d'autre part, une parité saine entre l'euro et le dollar, le premier ne devant pas être surévalué par rapport au second.
Les deux autres conditions étaient liées à notre conception même de l'Union européenne. D'abord, la concrétisation de l'Union économique et monétaire ne peut se faire sans contrepartie dans le sens d'une réorientation des préoccupations européennes vers l'emploi et la solidarité; ensuite, l'indépendance de la Banque centrale européenne, qui ne saurait être remise en cause, ne doit pas signifier un vide politique. Il convenait, en contrepartie, de bâtir une coordination économique et monétaire au sein des pays membres de la zone euro.
L'Institut monétaire européen de Francfort et la Commission européenne viennent de publier leur rapport de convergence économique des quinze pays membres de l'Union. La Commission recommande, dès le 1er janvier 1999, la participation à l'euro de onze des quinze pays membres, la Grèce et la Suède ne remplissant pas toutes les conditions, la Grande-Bretagne et le Danemark ne souhaitant pas participer dans l'immédiat.
Estimez-vous, monsieur le ministre, au regard de ces éléments, que le passage à l'euro tel qu'il est proposé par la Commission pourra s'effectuer dans les meilleures conditions possibles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, le Gouvernement avait en effet défini, dès son entrée en fonction, quatre conditions pour un bon passage à l'euro. Vous les avez rappelées et je n'y reviendrai donc pas longuement.
La première soulignait la nécessité d'avoir un euro large, qui ne se limite pas à une petite zone de deux, trois, quatre ou cinq pays. Le rapport de l'Institut monétaire européen et celui de la Commission ont révélé ce matin qu'il serait recommandé au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui se tiendra début mai de retenir onze pays incluant notamment les pays du Sud, l'Italie, l'Espagne et le Portugal. De ce point de vue, nous pouvons tous être satisfaits: l'euro, dès son démarrage, sera un euro large.
La deuxième condition était que l'euro ne devait pas, à son entrée en vigueur, être surévalué par rapport au dollar car nous aurions connu sinon des désavantages de compétitivité. Le dollar ayant vu sa valeur augmenter de 15 % environ depuis le début de 1997, nous sommes bien dans la situation que nous souhaitions, c'est-à-dire celle d'un euro qui se définira avantageusement par rapport au dollar.
La troisième condition évoquait un pacte de croissance, ce qui signifiait que l'Europe devait être réorientée non pas simplement vers des objectifs monétaires ou de concurrence, mais aussi vers l'emploi et la croissance. Le Gouvernement s'est employé depuis dix mois à faire en sorte que l'emploi revienne au premier rang des priorités de l'Europe. Un sommet s'est tenu à Luxembourg sur ce sujet. Chaque année, un sommet concernera l'emploi. Et, avec le plan pour l'emploi que chaque pays s'est engagé à présenter à Cardiff au mois de juin, nous pouvons tous reconnaître que, aujourd'hui, l'Europe a fait de l'emploi la première de ses priorités. C'est un changement.
Enfin, la quatrième condition était qu'il y ait un gouvernement économique.
M. Pierre Lellouche. Cela n'existe pas !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La monnaie ne peut pas exister seule, sans qu'il y ait, en face, un gouvernement pour donner des orientations. Il y aura une Banque centrale européenne mais il fallait aussi que les gouvernements, les pouvoirs politiques représentant les peuples d'Europe, puissent se réunir et donner des orientations de politique économique. Une telle instance a été créée à la demande de la France sous le nom de Conseil de l'euro.
Je considère que les quatre conditions mises en avant par Lionel Jospin pendant la campagne électorale, et que le Gouvernement, après lui, a reprises depuis dix mois, sont aujourd'hui remplies, permettant que le passage à l'euro se fasse de la meilleure manière possible.
D'ores et déjà, l'existence probable de l'euro dans quelques mois fait que l'Europe constitue une zone de stabilité, nous l'avons tous constaté pendant la crise asiatique. Mais si la croissance revient en Europe, c'est notamment parce que nous avons les taux d'intérêt les plus faibles en raison du fait que l'on prévoit le passage à la monnaie unique dans quelques mois.
Tous ceux qui sont attachés à la croissance et à l'emploi doivent reconnaître honnêtement que la perspective de l'euro crée les meilleures conditions pour la croissance en Europe. Pour autant, nous ne sommes pas au bout du chemin. Il faut encore avancer dans la coordination des politiques économiques et dans leur orientation vers l'emploi.
Mais ne gâchons pas les résultats du jour. Qui aurait dit, il y a seulement un an, que onze pays participeraient à l'euro ? Qui aurait dit, il y a seulement huit mois, étant donné la situation budgétaire que la France serait l'un des trois seuls pays à satisfaire à tous les critères à la veille de l'été.
Notre pays, et tout le monde peut en être fier, a rempli son contrat. Le peuple français a, en septembre 1992, ratifié par référendum la volonté de créer une monnaie avec l'ensemble des peuples d'Europe. C'est là un gage de croissance et d'emploi et nous pouvons tous nous en réjouir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
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