Texte de la QUESTION :
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M. Michel Fromet attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur le projet de directive européenne adopté, mercredi 15 mars, par le Parlement européen et autorisant l'utilisation dans le chocolat de matières grasses végétales de substitution. Cette mesure harmonise la législation communautaire qui était jusque-là plus que disparate puisque sept pays de l'Union, produisant 71 % du chocolat mondial, interdisaient les substituts, tandis que trois autres les autorisaient et quatre les utilisaient sans permission. Cependant, les intérêts en cause dépassent le cadre communautaire. Les économies de trente et un pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) sont dépendantes des exportations de fèves de cacao. Leurs pertes pourraient s'élever à 270 millions d'euros par an. La Côte-d'Ivoire, par exemple, premier producteur et fournisseur de la moitié du cacao au niveau mondial avec un million de tonnes par an, fait vivre la moitié de sa population des revenus de cette culture. De plus, il n'est pas évident que les pays producteurs de graisses végétales de substitution comme le Mali et le Burkina Faso trouvent un avantage à cette nouvelle législation. Il faudrait encore que les multinationales fassent appel à leurs productions, ce qui est peu probable puisque le beurre de karité est aujourd'hui vendu trois fois plus cher que l'huile de palme. En outre, la directive peut être un outil de pression et de chantage pour faire baisser les prix du cacao. Rien ne permet donc de dire que les géants du chocolat ont intérêt à utiliser des graisses végétales. Malgré tout, des intérêts colossaux sont en jeu derrière cette directive « chocolat ». Les multinationales comme Nestlé, Cadburry, Mars, Ferrero et Jacobs-Suchard se partagent 80 % du marché mondial et représentent plus de 70 % du marché européen. A l'annonce du vote des eurodéputés, ces industriels n'ont pas caché leur satisfaction. Les grands perdants sont donc les pays ACP, producteurs de cacao et de graisses végétales, et les consommateurs. L'accord international du cacao, la convention de Lomé et le traité de Maastricht obligent la Commission européenne à prendre en compte les intérêts des pays du tiers monde et même à prendre des mesures pour augmenter la consommation de cacao. Dans le cadre de cette directive, le Parlement européen préconise tout au plus d'envisager de promouvoir « le commerce équitable » avec les pays en voie de développement, producteurs de cacao et de matières grasses végétales. Alors que l'aide aux pays en voie d'émergence est déclarée comme un axe politique important, il lui demande de bien vouloir faire savoir si l'Union européenne envisage des mesures de compréhension à destination des pays d'Afrique noire qui vont subir un « manque à gagner » considérable.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du ministre délégué chargé des affaires européennes quant aux risques créés pour les pays ACP producteurs de cacao par la directive européenne sur le chocolat. L'objectif de la directive relative aux produits de cacao et de chocolat destinés à l'alimentation humaine, adoptée le 25 mai dernier, est d'harmoniser pour l'ensemble de la Communauté les conditions d'utilisation des graisses végétales autres que le beurre de cacao dans la fabrication du chocolat. Grâce à son attitude constructive pendant ces négociations, la France a obtenu des garanties tant pour le consommateur que pour les producteurs de fèves de cacao. La France a obtenu que la directive prenne en considération la protection des intérêts des producteurs de cacao de la zone ACP. En ce sens, elle a convaincu ses partenaires de l'Union de la nécessité du principe d'une liste restreinte de matières grasses végétales réservée aux seuls équivalents naturels du beurre de cacao dont les pays de cette zone sont les principaux producteurs. En outre, elle a obtenu qu'une étude d'impact de la directive sur les pays producteurs de cacao soit conduite. En fonction de ses résultats, la liste des équivalents au cacao pourra être révisée pour tenir compte du préjudice éventuellement subi par ces pays. Enfin, la directive intègre la nécessité de promouvoir avec les pays en voie de développement producteurs de cacao un commerce équitable et de leur apporter le soutien de la Communauté.
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