Texte de la QUESTION :
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M. François Vannson souhaite appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur la situation des rescapés de la déportation du travail. La qualité de « déporté du travail » est refusée à cette catégorie de victimes de guerre en dépit de la vérité historique. Dès 1943, les MUR (Mouvements unis de la Résistance) font état dans une circulaire du 1er avril de « déportation » en référence au STO. Le Mouvement de résistance pour les prisonniers et déportés français indique que les travailleurs embarqués de force en Allemagne ne sont pas des travailleurs mais des déportés. En juillet 1943, le CNR crée un comité d'action contre la déportation pour le travail forcé en Allemagne. Le programme du CNR exprime « son angoisse devant la destruction physique de la nation (...) par la déportation d'ouvriers au nombre de plusieurs centaines de milliers (...) ». Les accords internationaux de Londres du 8 août 1945 classent dans les crimes de guerre et dans les crimes contre l'humanité les déportations pour les travaux forcés. Le Tribunal international de Nuremberg a reconnu l'existence de la déportation en vue du travail forcé. Le Gouvernement provisoire de la République française fait référence aux déportés du travail, tant dans le décret n° 45-1832 du 14 août 1945 que dans l'ordonnance n° 45-2468 du 20 octobre 1945. Quant au code des pensions, ses articles L. 330 et L. 340 bis font référence à la catégorie « déportés du travail ». Cinquante-cinq ans après la fin de la guerre, les intéressés réclament le titre de « victimes de la déportation du travail », ce qui indéniablement correspond à la vérité historique ainsi que peuvent en témoigner les éléments mentionnés supra. Entre 600 000 et 660 000 jeunes Français ont été déportés de septembre 1942 à juin 1944 pour le travail forcé avec la complicité de l'Etat français. Soixante mille d'entre eux ne sont pas revenus, dont 15 000 ont été fusillés, pendus ou décapités pour sabotage et actes de résistance. A l'ensemble de ces victimes, le Gouvernement et le Parlement de la Libération ont attribué la mention « mort pour la France ». Notre pays ne peut pas faire l'économie d'un regard clairvoyant sur son passé et sur la responsabilité de son propre gouvernement, qui pour être illégitime a cependant bénéficié de la reconnaissance internationale pour un temps, et donc d'une existence légale, bien que la France qui fait notre honneur fut à Londres et sur les champs de bataille. Il n'est pas question, en reconnaissant officiellement à ces hommes la qualité qui est la leur historiquement, de confondre leur situation avec celle des millions de femmes, d'enfants et d'hommes dont la déportation avait pour but l'anéantissement. Ils souhaitent que la souffrance et l'honneur de leurs camarades disparus soit reconnue pour que cette tragédie ne soit pas oubliée. Le devoir de mémoire ne peut se satisfaire d'une information sélective. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer, au regard de ces éléments, quelles mesures il entend mettre en oeuvre pour reconnaître officiellement cette réalité historique.
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Texte de la REPONSE :
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Dans la législation française, les termes de « déportation », « déporté », ont acquis une signification particulière et restrictive. Ils désignent le système concentrationnaire conçu par les nazis pour éliminer leurs adversaires et les populations dont ils voulaient la disparition totale. Cette expérience historique constituant l'un des plus graves crimes contre l'humanité ne doit pas pouvoir être confondue, ne serait-ce que par l'emploi incorrect d'une terminologie, avec aucune autre situation. La condamnation et la réprobation morale dont elle est l'objet doivent demeurer incontestables. C'est la raison pour laquelle la Cour de cassation a jugé que ces termes ne pouvaient être employés par l'association regroupant les Français qui, requis au titre du « service du travail obligatoire » (STO), ont été envoyés en Allemagne pour y être contraints de travailler. Dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 10 février 1992, elle a confirmé sa jurisprudence antérieure et déclaré que « seuls les déportés résistants et les déportés politiques, à l'exclusion des personnes contraintes au travail en pays ennemi pouvaient se prévaloir du titre de déporté ». En raison de cette position qui a été celle de tous les gouvernements depuis la Libération, le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants n'entend pas modifier l'appellation des STO. Toutefois, cette approche juridique ne saurait à elle seule résumer la situation historique du « service du travail obligatoire ». Celle-ci découle de la politique de collaboration imposée par les autorités de Vichy qui a contraint 640 000 Français à travailler pour l'ennemi dans les usines allemandes, dans des conditions le plus souvent très rigoureuses et périlleuses. C'est la reconnaissance de cette violence qui leur a été faite que réclament, en réalité, les anciens requis du STO ; le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants entend répondre à cette attente. C'est pourquoi il a confié à l'université de Caen l'organisation d'un colloque scientifique qui se tiendra en novembre 2001 avec les associations d'anciens requis. Le travail de recherche historique qui est en cours permettra de réunir une documentation historique exhaustive et sans équivalent à ce jour sur cet aspect très méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Ce colloque permettra ainsi de rendre justice à ceux qui en ont été les victimes.
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