FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 50109  de  M.   Masdeu-Arus Jacques ( Rassemblement pour la République - Yvelines ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  14/08/2000  page :  4771
Réponse publiée au JO le :  01/01/2001  page :  73
Rubrique :  propriété intellectuelle
Tête d'analyse :  brevets
Analyse :  brevets européens. traduction en français. maintien
Texte de la QUESTION : M. Jacques Masdeu-Arus appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les vives préoccupations suscitées par la position adoptée par la France à l'occasion de la prochaine conférence intergouvernementale, le 16 octobre 2000 à Londres, qui devrait déboucher sur la signature d'un accord relatif aux règles de traduction des brevets européens prévoyant notamment de mettre fin à l'obligation de rédaction en français. Ce projet trouve son origine dans la conférence intergouvernementale de juin 1999 au cours de laquelle il avait été unanimement décidé de prendre des mesures visant à réduire les coûts élevés de traduction des brevets. En effet, jusqu'à présent, les règles en vigueur dans ce domaine prévoient le dispositif suivant : les brevets sont rédigés dans les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, à savoir l'allemand, l'anglais et le français, et traduits dans les autres langues des Etats concernés s'ils en expriment la demande. Respectueuse de l'identité culturelle des pays membres, il est vrai que cette réglementation aboutit à alourdir les frais de traduction, qui peuvent représenter jusqu'à 40 % du coût de la production pour la valeur du titre. Une première solution, particulièrement « radicale », avait été envisagée : il s'agissait d'interdire tout bonnement les demandes de traduction des brevets lorsqu'ils étaient initialement rédigés en anglais. Fort heureusement, cette disposition, qui aurait finalement promu l'anglais au rang de seule langue officielle, avait été vite abandonnée face au refus catégorique exprimé par les pays latins. C'est pourquoi, en juin 1999, un compromis relativement équilibré, répondant aux différents intérêts en présence, avait été trouvé : il permettait de réduire de moitié le coût de traduction des brevets européens en limitant l'obligation de traduction à la seule « partie signifiante » de la description du brevet, nécessaire à une bonne compréhension de l'invention. Les non-anglophones pouvaient ainsi aisément prendre connaissance des éléments essentiels du document. Alors que cette solution intermédiaire aurait été à même de constituer une base d'accord satisfaisante, les autorités représentant la France ont changé de position sans mener la moindre concertation préalable avec les professionnels concernés. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, référence française dans ce domaine, a vivement réagi, en s'inquiétant des préjudices créés par un tel revirement. En effet, il semblerait que l'on s'achemine vers le dispositif suivant : les Etats signataires renonceraient aux exigences de traduction en langue nationale actuellement en vigueur, les déposants devant limiter leur choix à l'une des trois langues officielles sus-citées. De ce fait, si, par exemple, le brevet a été initialement rédigé dans l'une de ces trois langues, aucune autre traduction ne serait autorisée. Adhérer à une telle solution occasionnerait des conséquences négatives dans les domaines culturels mais aussi économiques. D'un point de vue culturel, cela aboutirait à accentuer la domination de la langue anglaise et à réduire proportionnellement la part prise par les autres langues, dont le français. La majorité des brevets étant déposés en langue anglaise, il est inévitable que celle-ci soit choisie comme référence. Les mises en garde de l'Académie des sciences morales et politiques sur « le danger d'accélérer et de généraliser un mouvement tendant à faire de la langue anglaise la langue unique de la technologie et de l'industrie » n'en sont que plus pertinentes. On se trouverait même confronté à une situation qui serait en contradiction avec l'article 2 de notre Constitution stipulant que « la langue de la République est le français ». Au-delà des atteintes sérieuses causées à la francophonie, ce projet aurait également des conséquences préjudiciables en termes industriels et économiques pour les PME-PMI françaises, qui - rappelons-le -, participent pour une part très large à la croissance et à l'emploi dans notre pays. D'un strict point de vue financier, ce dispositif aboutirait à un transfert des coûts de traduction de l'Office européen vers les PME-PMI soucieuses d'obtenir le texte des brevets en français. Plus largement, comme l'a souligné l'Académie des sciences morales et politiques, on aboutirait à ce que « l'énorme masse des brevets délivrés à des demandeurs américains et japonais produise effet en France sans traduction » et soit donc difficilement intelligible par nos petites entreprises qui constituent environ 80 % de notre tissu industriel. Renoncer à traduire en français les brevets européens reviendrait inéluctablement à favoriser les grands groupes au détriment de sociétés de taille plus modeste, incapables, par exemple, de disposer d'un service de traduction. Ces risques ont également été soulevés par le Conseil supérieur de la propriété industrielle, qui a émis un avis défavorable sur ce projet d'accord. Au vu de ces différents éléments et de la réalité des risques encourus, il lui rappelle la nécessité de réviser la position de la France dans ce domaine et de revenir au compromis de juin 1999, acceptable par tous. Il lui demande de bien vouloir lui faire part des intentions du Gouvernement quant à la signature de cet accord intergouvernemental et souhaite qu'il garde présent à l'esprit l'indispensable défense de la francophonie et des PME-PMI.
Texte de la REPONSE : Le brevet est un titre qui permet à l'auteur d'une invention d'empêcher quiconque de l'exploiter sans son autorisation. C'est un élément très important de promotion de l'innovation. Un brevet est aussi un pari sur l'avenir, car on ne sait généralement pas à l'avance si l'invention à laquelle il est associé sera rentable. Le brevet européen, qui unifie la délivrance des brevets pour dix-neuf pays, et permet de se protéger dans toute l'Europe, demeure cependant très cher, plus particulièrement pour les PME, alors qu'aux Etats-Unis ou au Japon la délivrance des brevets est rapide et peu coûteuse. La nécessité de breveter largement ses inventions implique en conséquence que le coût d'entrée dans le brevet européen ne soit pas dissuasif. Depuis 1999, la France a cherché, dans un cadre intergouvernemental, à obtenir la réduction de ce coût. Parallèlement, au niveau du brevet national, une diminution de moitié de la taxe de recherche a été décidée en France le 1er janvier 2000. Un projet d'accord sur le régime linguistique des brevets européens a été préparé au cours des derniers mois et présenté lors de la conférence intergouvernementale de Londres des 16 et 17 octobre 2000. Cet accord engagerait les Etats signataires à renoncer à exiger du titulaire la traduction intégrale du brevet dans leur langue nationale. Pour les déposants français, ce projet d'accord limiterait considérablement le coût et la complexité d'un outil indispensable. Il réaffirmait la prééminence des trois langues de l'Office européen des brevets (OEB), dont le français fait partie, avec l'anglais et l'allemand. Il a cependant suscité de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes, de la part notamment des académies et des milieux professionnels de la propriété industrielle. Le Gouvernement, conscient des préoccupations ainsi soulevées, entend donc ne signer l'accord que si l'intérêt général en est parfaitement établi, et s'il suscite une large adhésion permettant d'envisager sereinement sa ratification. Le Gouvernement français a donc annoncé à Londres que la France ne pouvait à ce jour envisager la signature de l'accord proposé. Il importe en effet que la langue française conserve toute sa place comme langue technique et que l'information demeure disponible en français pour tous les utilisateurs du système des brevets, en particulier nos PME. Pour que la France puisse être partie à cet accord, il a été jugé nécessaire que la traduction des revendications mais aussi des descriptions puissent toujours être disponibles en français. Il est donc prévu un dispositif de traduction des descriptions des brevets, sous maîtrise d'ouvrage de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Lors de la conférence intergouvernementale de Londres, huit Etats ont signé l'accord et deux autres Etats ont annoncé leur intention de se joindre aux premiers signataires. Pour sa part, le Gouvernement a décidé de poursuivre les consultations, en sollicitant toutes les parties intéressées : parlementaires et élus, entreprises et chercheurs, avocats, conseils en propriété industrielle, académies... Le Gouvernement s'appuiera sur cette concertation pour arrêter sa position à l'égard de l'accord, au plus tard le 30 juin 2001.
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O