FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 503  de  M.   Aschieri André ( Radical, Citoyen et Vert - Alpes-Maritimes ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  02/04/1998  page :  2328
Réponse publiée au JO le :  02/04/1998  page :  2328
Rubrique :  Etat
Tête d'analyse :  réforme
Analyse :  vie publique. rénovation
DEBAT : M. le président. La parole est à M. André Aschieri.
M. André Aschieri. Monsieur le Premier ministre, je viens d'un département sinistré où, lors d'une élection, un candidat extrémiste a obtenu 40 % des suffrages au premier tour,...
M. Arnaud Lepercq. Un communiste ? (Protestations sur les bancs du groupe communiste.) Un candidat de Lutte ouvrière ?
M. André Aschieri. ... dans une très grande ville, et où le taux d'abstention a atteint 50 %.
Ces chiffres devraient nous interpeller. Nous vivons une crise morale, politique et sociale que nous n'avons jamais connue.
L'extrême droite est le miroir de nos défauts.
M. Arnaud Lepercq. C'est Mitterrand qui l'a fabriquée !
M. André Aschieri. La combattre en cassant le miroir ne changera rien. C'est nous qui devons changer. Les petits renoncements font les grandes lâchetés. Les faiblesses, les erreurs mettent en péril notre démocratie. Je suis profondément convaincu que la démocratie est menacée.
Pouvons-nous nous réjouir d'une représentation démocratique quand le personnel politique n'est pas le reflet du peuple qu'il représente ? Pouvons-nous respecter les engagements pris devant nos électeurs si nous cumulons autant de mandats ?
Des avancées en faveur du scrutin proportionnel, l'élaboration d'un statut de l'élu, la réduction de la durée de certains mandats et l'interdiction du cumul sont nécessaires afin d'engager la transformation de la vie publique et le renouvellement du personnel politique.
Dois-je rappeler, monsieur le Premier ministre, qu'au regard du nombre de femmes élues, la France est l'avant-dernière des pays européens et au quarante et unième rang des démocraties parlementaires !
Le moment est venu de faire preuve de lucidité et de courage. Il est grand temps de traduire dans la loi, et de façon audacieuse, les discours tenus depuis tant d'années sur la démocratisation réelle de la vie publique.
Pour cela, donnons l'exemple nous-mêmes, dépassons nos querelles partisanes, soyons proches de la citoyenneté.
Quel contenu donnerez-vous à la refondation de la vie publique et dans quels délais ?
Depuis 1983, la loi Roudy impose le principe de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Poserez-vous en termes législatifs celui de l'équilibre politique ?
Le chef de l'Etat conforte votre position. Cela ne pourra qu'aider à vaincre les réticences constatées ici et là.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, accomplissons cette révolution avant qu'elle ne se fasse dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je suis sensible, vous vous en doutez, à votre préoccupation.
J'ai déjà eu l'occasion, devant votre assemblée, questionné par M. Jean-Marc Ayrault, d'indiquer certaines des conclusions que je tirais des récentes élections, marquées non point d'ailleurs par une poussée de la formation politique d'extrême droite, mais plutôt...
M. Arnaud Lepercq. Par celle de l'extrême gauche, de Lutte ouvrière !
M. le Premier ministre. ... par une abstention certainement trop forte et par des alliances qui ont créé le trouble que vous savez.
Le gouvernement que je dirige a amorcé un processus de réformes démocratiques. J'en avais d'ailleurs annoncé les termes à l'occasion de ma déclaration de politique générale.
M. Arnaud Lepercq. Il y a longtemps ! Il fallait modifier la loi !
M. le Premier ministre. Depuis, nous avons concrétisé l'inscription des jeunes dès dix-huit ans sur les listes électorales. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocrtie française.) Nous avons fait en sorte que les femmes soient plus nombreuses sur les bancs de votre assemblée et au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous avons préparé des textes sur la limitation du cumul des mandats, qui seront présentés au conseil des ministres la semaine prochaine. Nous avons avancé dans la réforme de la justice et dans son indépendance. Les premiers textes seront présentés dans quinze jours au conseil des ministres. («Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Sans doute est-il souhaitable d'aller plus loin. C'était et cela reste mon intention.
Votre question me donne l'occasion de préciser peut-être à ce propos quelques points de méthode et de fond.
Le Président de la République ayant engagé des entretiens avec des responsables des principales formations politiques républicaines de ce pays,...
M. Arnaud Lepercq. C'est son droit !
M. le Premier ministre. ... j'ai jugé courtois, et même républicain, d'attendre qu'il ait terminé le cycle de ses entretiens politiques pour m'exprimer moi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
En effet, le Président de la République et le Premier ministre, et nous en parlions d'ailleurs ce matin encore, n'ont pas l'intention, en ce moment, de paraître s'engager devant le pays dans je ne sais quelle compétition pour la réforme institutionnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), d'autant que chacun a son registre, sa dimension et ses compétences. Le Président de la République entend à l'évidence, et certains d'entre vous qui l'ont rencontré en sont, je pense, convaincus, engager et permettre une réflexion large avec les principales formations politiques de ce pays pour voir quelles sont les chances de consensus, d'opposition ou de dialogue pour une réforme institutionnelle. Quant au Gouvernement, il est de sa mission et de sa compétence de mettre en oeuvre les réformes nécessaires dans ce domaine, qu'elles concernent les modes de scrutin, la parité, le cumul des mandats, la durée des mandats, ou encore d'autres propositions - je ne veux pas limiter la liste.
Quand le Président de la République aura achevé ses réflexions, rencontré les responsables politiques et que nous en aurons parlé ensemble ainsi qu'il l'a souhaité, le Gouvernement fera des propositions au pays, comme c'est de sa compétence, et vous proposera sans doute, mesdames et messieurs les députés, des textes à examiner et, si vous le voulez bien, à voter.
Dès maintenant, et parce que je m'étais exprimé très fermement sur la parité il y a plusieurs années, et encore dans ma déclaration de politique générale, et que j'avais confirmé cet engagement le jour de la Journée internationale des femmes le 8 mars, je vous confirme que je souhaite proposer au Président de la République d'inscrire dans le texte de notre Constitution une formule qui pourrait être: la loi ou la loi organique peut fixer des règles favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, professionnelles et sociales.
Il s'agirait donc bien d'aller au-delà de l'affirmation du seul principe de la parité politique pour prendre des dispositions qui pourraient concerner toutes les femmes dans leur vie quotidienne et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Cela, monsieur le député, me fournit mon mot de conclusion, qui renvoie à l'esprit de ma première réponse après les élections devant votre assemblée.
Pour redonner confiance à nos concitoyens, car je suis convaincu que ce mouvement de confiance est amorcé, il faut sans doute des réformes institutionnelles, mais il faut tout autant, et peut-être plus encore, leur apporter des réponses dans leur vie quotidienne, sur le terrain de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), de la sécurité, et c'est au coeur de l'action du Gouvernement que je conduis. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
RCV 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O