Texte de la QUESTION :
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M. Francis Hillmeyer attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés auxquelles sont confrontés les avocats inscrits aux barreaux du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Les démarches effectuées par les différentes instances de la profession à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne la baisse de la TVA à 5,5 % lorsque le consommateur de droit ne peut récupérer la TVA et l'augmentation de l'indemnisation de l'aide juridictionnelle, sont restées sans effet. L'on assiste de facto à une paupérisation de la profession sans cesse confrontée à des augmentations de charges, alors que par ailleurs les interventions non rémunérées ou mal rémunérées sont de plus en plus fréquentes, surtout du fait de l'Etat, mais également du fait d'une certaine clientèle institutionnelle qui, par sa puissance économique, n'a aucune peine à imposer ses conditions à des professionnels de moins en moins indépendants économiquement, contrairement à ce qu'exige incontestablement leur statut. Le problème est général, mais encore bien plus aigu en Alsace-Moselle du fait de leur caractère frontalier qui oblige les avocats à se confronter à leurs confrères suisses, allemands, luxembourgeois et belges. Ces avocats d'Alsace-Moselle se trouvent dès lors dans une situation concurrentielle qui leur est extrêmement défavorable, car la diminution des marges les empêche, malgré un travail acharné, d'investir dans des outils de travail modernes qui deviennent véritablement indispensables, mais aussi dans la formation de personnel qualifié. Force est de constater que les émoluments fixés par le décret du 21 août 1975 n'ont plus été actualisés depuis un quart de siècle ! Les professionnels concernés demandent une révision rapide et substantielle de ces tarifs. Ils souhaitent également que soit rétablie la prise en charge des émoluments par la partie perdante, même quand la représentation par avocat n'est pas exigée (contrairement notamment à l'interprétation inexacte des textes par la Cour de cassation par méconnaissance de la réalité des dispositions du droit local). Ils demandent enfin que soit compensé pour les caisses autonomes de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) le fait qu'elles ne peuvent recueillir les fonds provenant des exécutions forcées immobilières dans les trois départements concernés. Il s'avère indispensable de prendre des mesures afin de garantir la pérennité de l'avocat « moyen » et de proximité absolument indispensable à nos concitoyens. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer les mesures concrètes qu'elle envisage de prendre en ce sens.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire, s'agissant de l'assujettissement au taux réduit de 5,5 % de l'ensemble des prestations assurées par la profession d'avocat, que la plupart des principes régissant la taxe sur la valeur ajoutée découle directement de la réglementation communautaire et, notamment, de la directive du 17 mai 1977 d'harmonisation des législations des Etats membres. Les Etats membres ne disposent que d'une latitude très limitée pour adapter les règles internes de taxe sur la valeur ajoutée aux exigences économiques et sociales qui leur sont propres. Toutefois, un groupe de travail réunissant l'administration et les représentants des avocats examinera, au regard des dispositions communautaires, les incidences du taux de TVA sur l'accès au droit et sur l'exercice de la profession d'avocat. S'agissant de la participation des avocats au système d'aide juridictionnelle, la garde des sceaux, ministre de la justice, a installé une commission présidée par M. Paul Bouchet, président d'ATD quart monde, conseiller d'Etat, ancien bâtonnier de Lyon, réunissant des personnalités de divers horizons, chargée de réfléchir sur l'adaptation et l'évolution de notre système d'aide juridictionnelle. Ces travaux, conduits dans un esprit de large concertation, déboucheront sur des propositions concrètes au mois d'avril prochain. Suite à une concertation ayant abouti au protocole d'accord signé le 18 décembre dernier entre la ministre de la justice et les organisations professionnelles représentant les avocats, des mesures immédiates ont été prises pour revaloriser les conditions d'indemnisation des avocats qui assurent la représentation des plus démunis au titre de l'aide juridictionnelle. En ce qui concerne l'environnement auquel se trouve confronté l'ensemble de la profession, les préoccupations qu'elle exprime appellent des réponses adaptées, au premier rang desquelles figure la recherche d'une plus grande compétitivité grâce à la rénovation des modes et structures des activités des avocats. L'action des pouvoirs publics a tendu à faciliter de différentes manières les changements qu'implique cet effort d'adaptation. La loi du 31 décembre 1990 a réalisé une première avancée en permettant à l'ensemble des professionnels libéraux de constituer des sociétés de capitaux d'exercice libéral. Les sociétés de ce type offrent aux professionnels concernés des capacités accrues de capitalisation et d'investissement tout en préservant leur indépendance économique et morale. En outre, des mesures fiscales propres à faciliter le recours à ce mode d'exercice ont été prises par la loi du 30 décembre 1999 portant loi de finances rectificative pour 1999. Ces dispositions permettent d'éviter les conséquences fiscales habituellement attachées aux restructurations. Il en est de même pour les plus-values d'apport ou d'échange de titres. Le nouveau champ de possibilités s'ouvrant ainsi aux avocats leur offre les instruments d'une plus grande compétitivité face à la concurrence des pays voisins qui ne concerne pas seulement les départements frontaliers. S'agissant du tarif de postulation, la situation des avocats d'Alsace-Moselle est la même que celle de l'ensemble de leurs confrères. Cette situation tient au fait que la rémunération des avocats repose essentiellement sur les honoraires librement déterminés, susceptibles de compenser le niveau des émoluments de postulation, de sorte que le Conseil d'Etat, lorsqu'il a été saisi d'une proposition d'augmentation de ce tarif, a toujours rendu un avis négatif. En ce qui concerne le refus de prise en charge des émoluments par la partie perdante, les dispositions de l'article 91 du code de procédure civile local et celles du décret n° 47-877 du 9 mai 1947 ne permettent pas d'inclure la rémunération des avocats parmi les frais mis à la charge de la partie qui succombe dans les procédures qui sont dispensées du ministère obligatoire d'avocats. Cette solution, qui résulte de l'arrêt d'assemblée de la Cour de cassation, du 2 mai 1997, s'inscrit dans la droite ligne d'une jurisprudence constante, qui entend limiter la définition de la postulation à la seule représentation dans une procédure où le ministère d'avocat est obligatoire. La même solution s'applique au demeurant, en matière de dépens : la Cour de cassation estime, en effet, que la rémunération des avocats, même réglementée, n'est pas comprise dans les dépens dès lors que leur ministère n'est pas obligatoire (Cass. Civ. 2e, 2 décembre 1987). Cette analyse ne semble pas devoir être remise en cause. S'agissant enfin des règles particulières applicables en matière d'exécution forcée immobilière, il y a lieu d'observer que la remise en cause d'une règle de procédure civile propre au droit local ne peut se concevoir indépendamment d'une réflexion d'ensemble sur le droit processuel applicable dans les trois départements, expression d'une construction dotée d'un équilibre complexe et comportant des conséquences variées en matière de rémunération.
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