Texte de la QUESTION :
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Mme Martine Aurillac attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur la signature prochaine, à Londres, d'un accord intergouvernemental mettant fin à l'obligation de traduction des brevets européens en français. Or, en juin 1999, le Gouvernement et les professionnels étaient parvenus, avant l'ouverture de la conférence gouvernementale sur le brevet européen initié par la France, à un certain compromis permettant de répondre au souci de réduction des coûts de traduction sans toutefois porter atteinte à l'exigence de traduction en français de tout ce qui fonde les droits conférés par le brevet. Cette solution, acceptée par les différents partenaires consistait à limiter l'obligation de traduction, à la seule « partie signifiante » de la description du brevet indispensable pour la compréhension de l'invention, aboutissant ainsi à réduire de 50 % le coût de traduction de brevet européen. Aussi, contre toute attente et sans réelle concertation avec les professionnels concernés, les négociateurs français se seraient ralliés à une nouvelle position qui mènerait inéluctablement au « tout anglais » et menacerait considérablement les intérêts économiques de la France. Selon ce nouveau projet, les Etats, futurs signataires de cet accord, devraient renoncer aux exigences de traduction en langue nationale actuellement en vigueur. Les déposants de brevet choisiraient librement l'une des trois langues officielles : allemand, anglais ou français. Ce dispositif, qui semble conserver à la langue française des apparences d'une langue officielle, mais ne manquerait pas de la marginaliser en favorisant la domination de la langue anglaise, du fait du choix d'une seule langue. L'Académie des sciences morales et politiques a mis l'accent sur les conséquences d'une telle décision, notamment pour les PME qui seraient confrontées à de nombreux brevets plus particulièrement américains et japonais délivrés sans traduction. Par ailleurs, le Conseil supérieur de la propriété industrielle a émis un avis défavorable sur ce projet d'accord. En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement entend signer cet accord qui remettrait en cause très sérieusement la place de la langue française en Europe et qui menacerait gravement les intérêts économiques de la France.
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Texte de la REPONSE :
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Le coût élevé du brevet européen constitue un frein à l'innovation et à la compétitivité européenne. C'est la raison pour laquelle la France a lancé en juin 1999, comme vous le savez, une conférence intergouvernementale visant à modifier la convention de Munich sur le brevet européen, avec pour objectif, d'une part, la réduction des coûts supportés par les inventeurs lorsqu'ils ont recours à l'Office européen des brevets et, d'autre part, l'amélioration de la sécurité juridique des brevets. Un groupe de travail a été mandaté pour faire des propositions visant à diminuer de moitié les frais liés aux traductions, qui représentent le premier poste de dépense dans la procédure d'obtention d'un brevet européen. Les travaux de ce groupe ont révélé que la proposition française de limiter les exigences de traduction à la seule production d'une traduction partielle n'était pas soutenue par les autres délégation. En revanche, il s'est dessiné un mouvement en faveur de l'abandon complet des exigences de traduction, pour peu que le brevet soit disponible en anglais. Un tel dispositif était bien évidemment inacceptable au regard de la politique de défense de la langue française. Aussi le gouvernement a-t-il donné instruction à notre délégation au sein de la conférence intergouvernementale de s'y opposer. Cette attitude ferme a permis l'adoption d'un compromis plus satisfaisant au regard des deux impératifs qui ont guidé notre démarche : l'amélioration de la compétitivité européenne et la défense de la langue française. En effet, l'accord additionnel facultatif issu des travaux du groupe prévoit désormais un régime fondé sur les trois langues de travail de l'Office européen des brevets, dont le français. Cet accord offre les garanties souhaitées pour la préservation de la place du français. Il prévoit que tout pays peut continuer à exiger la traduction des revendications, partie la plus significative du fascicule du brevet. En outre, selon l'interprétation souhaitée par la France, il ménage la possibilité pour les Etats qui le souhaitent de faire assurer la traduction du fascicule du brevet à leurs propres frais. Pourtant, en dépit de ces garanties, l'accord suscite, comme le montre votre lettre, de nombreuses interrogations voire des inquiétudes auxquelles le gouvernement est très sensible. Aussi, à la conférence intergouvernementale qui s'est tenue les 16 et 17 octobre 2000 à Londres, notre délégation, conduite par le secrétaire d'Etat à l'industrie, a anoncé qu'elle ne pouvait à ce jour envisager la signature de l'accord proposé. Le Gouvernement entend poursuivre ses consultations en sollicitant toutes les parties intéressées : parlementaires et élus, entreprises et chercheurs, avocats, conseils en propriété industrielle, académies... C'est à la lumière de ces résultats que le gouvernement arrêtera sa position à l'égard de l'accord, au plus tard le 30 juin 2001.
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