Texte de la QUESTION :
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M. Yves Nicolin interroge Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le progrès social que constitue la suppression de l'interdiction du travail de nuit dans l'industrie pour les femmes. Il lui rappelle que cette interdiction avait été promulguée en 1892 pour protéger les femmes des travaux pénibles, dans les mines, carrières et manufactures, soit essentiellement l'industrie. Dans son arrêt de 1991, la Cour de justice européenne a condamné la France à une astreinte de près de 950 000 francs par jour de retard pour non transposition de la directive de 1976 sur l'égalité de traitement des hommes et des femmes. L'amendement du gouvernement prévoyant l'abrogation de l'article 213-1 du code du travail des mesures de définition du travail de nuit et des dispositions spécifiques pour les femmes enceintes tend à mettre notre droit du travail en conformité avec cette directive européenne. A l'heure actuelle, plus de 800 000 salariées travaillent de nuit, dont 385 000 dans le secteur de la santé et de l'action sociale, et 46 000 dans l'industrie, là où c'est interdit. Toute la question est de savoir si travailler de nuit dans l'industrie, pour les deux sexes, constitue réellement une liberté du travailleur justifiant alors que nul(le) n'en soit privé(e) ou s'il s'agit plutôt d'une contrainte. Qu'il soit possible de douter que les anti-discriminationnistes acharnés, aient depuis leurs bureaux Bruxellois ou Parisiens, la même conception du principe d'égalité que celles et ceux qui, directement concernés, se soumettent au travail de nuit, en particulier dans l'industrie. Le fait de travailler la nuit, fondé initialement sur le volontariat est en réalité dicté par un marché du travail de plus en plus violent en particulier envers les femmes. Il est donc moins souvent un choix qu'une contrainte. Il lui rappelle qu'en dix ans, le nombre de femmes travaillant la nuit dans l'industrie est passé de 3 % à 10 %, non par « choix » mais la plupart du temps pour le salaire ou des difficultés de garde d'enfants. Pour mieux gérer la double journée, au lieu de la partager, certaines femmes dorment par petites périodes et économisent ainsi les frais de garde de leurs enfants, tandis que d'autres compensent des salaires chroniquement inférieurs à ceux des hommes - authentique discimination - en amputant leur sommeil... Il a en outre été établi que le travail de nuit fait perdre sept ans d'espérance de vie pour vingt ans de travail posté. Alors que l'on prétend réduire la durée légale du travail au nom de la qualité de la vie, on organise la flexibilité et la régression sociale, prétextant une « lutte contre les discriminations » qui n'est rien d'autre qu'un nivellement par le bas. En outre l'amendement prévoyant la suppression de l'article 213-1 du code du travail n'est pas compatible avec le Préambule de la Constitution de 1946 en vigueur, disposant que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle et les loisirs », ni avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit à une vie familiale, ni encore avec la Convention de l'organisation internationale du travail (OTT) qui interdit le travail de nuit des femmes dans certains secteurs. Il lui demande donc de décrire la conception qu'a le Gouvernement du progrès social, au regard du travail de nuit des femmes dans l'industrie.
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