Texte de la REPONSE :
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La question de la pénurie de main-d'oeuvre est délicate pour plusieurs raisons. D'une part, le diagnostic est difficile à établir : les indicateurs permettant de mesurer le rapport entre offre et demande d'emploi sont compliqués à construire, les mesures les plus fiables n'intervenant qu'après coup, à l'aide des enquêtes standards du ministère de l'emploi et de la solidarité (direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques - DARES agence nationale pour l'emploi - ANPE) ou de l'INSEE. D'autre part, une difficulté de recrutement dans une qualification donnée ne veut pas dire qu'il n'y a pas dans la population active de possesseurs de cette qualification, et ceci pour plusieurs raisons : lorsque l'offre d'emploi est restreinte, les salariés, en particulier les plus jeunes, trouvent des emplois dont le profil est éloigné de leur qualification. Par la suite, ils ne reviennent pas forcément dans une spécialité adéquate à leur formation lorsque l'opportunité s'en présente. C'est ainsi que plus de la moitié des salariés occupe un emploi qui n'a pas de lien avec sa formation, mais en raison aussi des liens très complexes entre formation et emploi ; par ailleurs, les conditions de travail et de salaire dans un secteur donné peuvent rebuter le salarié, surtout lorsqu'il espère trouver une embauche en CDI ; enfin, l'image de tel ou tel secteur notamment chez les jeunes débutants intervient fortement. Des secteurs qui ont massivement licencié ces dernières années n'inspirent guère confiance aux jeunes qui entrent dans la vie active. La formation n'est donc qu'un élément dans la question de la pénurie de main-d'oeuvre. Ceci est renforcé par un phénomène structurel : quelle que soit la conjoncture, favorable ou non à l'emploi, la part des jeunes sortant de l'école dans l'ensemble des embauches est minime et stable. Elle est de l'ordre de 10 %. Les ajustements de court terme sur le marché du travail passent donc pour l'essentiel par les embauches en provenance du chômage ou par la mobilité interentreprises. Un autre phénomène peut nourrir l'illusion que l'ajustement se fait par les jeunes débutants : c'est que l'emploi des jeunes « sur-réagit », comme le disent les statisticiens, à la conjoncture. Premiers embauchés lorsque l'emploi se développe, mais premiers licenciés au premier retournement de conjoncture : voilà encore un phénomène qui invite le système éducatif à la prudence, et à travailler plutôt sur le moyen et le long terme. Pour répondre à ces difficultés conjoncturelles, un principe fondamental est mis en oeuvre : ne pas enfermer les jeunes dans une spécialisation étroite (d'où des diplômes à spectre plus large comme le BEP ou le bac professionnel, et le maintien de l'enseignement général dans tous les diplômes professionnels), et permettre une poursuite d'études. Il faut en effet garder à l'esprit que le système éducatif ne travaille pas sur le court terme : quelle que soit la conjoncture du marché du travail, il faut, après la classe de troisième, deux ans pour préparer un CAP ou un BEP, quatre ans pour préparer un bac professionnel et six ans pour préparer un BTS. Il y aura toujours un décalage entre les flux et reflux de l'emploi, et la marche du système éducatif. Ceci est vrai dans tous les pays, quelles que soient les relations qu'entretiennent système d'emploi et système de formation. Ce décalage est renforcé par la caractéristique suivante : le système éducatif est relativement planifié, il élabore ses stratégies sur la longue durée, les prévisions d'effectifs sont précises et régulièrement mises à jour, les créations et rénovations des diplômes professionnels sont programmées. De son côté, le système productif n'est pas planifié, il travaille de plus en plus dans le court terme, il est peu capable, du moins jusqu'à ce jour, de fournir un pronostic fiable sur l'avenir immédiat de ses besoins en main-d'oeuvre. L'effort d'anticipation et de prospective est donc largement pris en charge par le système éducatif lui-même. Les commissions professionnelles consultatives (où s'élaborent les diplômes professionnels) sont un lieu où la prospective des emplois et des qualifications est à l'ordre du jour en permanence. Cette démarche prospective s'appuie : sur les échanges avec le monde professionnel (syndicats patronaux et de salariés) dont les représentants siègent dans chaque CPC ; sur les diagnostics fournis par les experts, notamment du CEREQ, qui siègent également dans les CPC ; sur l'élaboration des référentiels d'emploi et de dossiers d'opportunité, qui accompagnent la création de tout nouveau diplôme, cherchant à combler des vides, à répondre à l'émergence de nouveaux métiers et à l'évolution des anciens ; enfin, sur un important programme d'études, élaboré chaque année. Ces études concernent un travail d'évaluation de diplômes qu'il convient de faire évoluer, de prospection de nouveaux champs de compétences pouvant conduire à la création d'un nouveau diplôme, et de travaux plus fondamentaux sur la marche des systèmes d'emploi et de formation. Par ailleurs, les chargés d'études du secrétariat des CPC sont en contact permanent avec les experts de l'INSEE, de la DARES, du Plan, du CEREQ et des autres laboratoires spécialisés. Par ailleurs, une mission éducation-économie-emploi a été créée au sein de la direction de la programmation et du développement du ministère de l'éducation nationale. Cette mission assure désormais, entre autres, le secrétariat du Haut Comité éducation-économie-emploi, créé en 2000. Ces instances ont à leur programme toutes réflexions et études sur l'évolution de l'emploi et les difficultés de recrutement. Les académies ont d'ores et déjà mobilisé leurs services afin d'apporter des réponses spécifiques et ciblées aux demandes qui leur parviennent : mise en place de programmes de formation continue dans les GRETA, conventions locales portant notamment sur la VAP. C'est en s'appuyant sur ces divers outils que le ministère de l'éducation nationale peut, chaque année, présenter une cinquantaine de diplômes professionnels nouveaux (soit par rénovation d'anciens titres, soit par la création de nouvelles certifications) qui contribuent à l'amélioration du niveau de formation de la population.
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