Texte de la QUESTION :
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M. Bernard Perrut appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réponse qu'elle a apportée à sa question n° 44515 concernant les conditions d'application de l'article L. 7 du code électoral. Dans cette réponse, publiée au Journal officiel, Assemblée nationale, du 23 octobre 2000, elle précise que l'article L. 7 étant issu de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 et étant donc un texte postérieur à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, le texte le plus récent doit donc prévaloir. Néanmoins, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999 a précisé que : « Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ; considérant que le principe de nécessité des peines implique que l'incapacité d'exercer une fonction publique élective ne peut être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce ; que la possibilité ultérieurement offerte au juge de relever l'intéressé, à sa demande, de cette incapacité, au cas où il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif, ne saurait à elle seule assurer le respect des exigences qui découlent du principe de nécessité énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; considérant que, dès lors, en instituant une incapacité d'exercer une fonction publique élective d'une durée en principe au moins égale à cinq ans, applicable de plein droit à toute personne physique à l'égard de laquelle a été prononcée la faillite personnelle, l'interdiction prévue à l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 ou la liquidation judiciaire, sans que le juge qui décide de ces mesures ait à prononcer expressément ladite incapacité, l'article 194 de cette loi méconnaît le principe de nécessité des peines ; que doivent être également déclarées contraires à la Constitution, comme en étant inséparables les dispositions de l'article 195 de ladite loi faisant référence à l'incapacité d'exercer une fonction publique élective ; qu'en conséquence, les dispositions du 5/ du I de l'article 195 de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel doivent être regardées comme contraires à la Constitution ». Ainsi, le Conseil constitutionnel semble bien considérer les peines automatiques comme non conformes à la Constitution, et à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le caractère automatique de la radiation de la liste électorale prévue par l'article L. 7 du code électoral semble donc lui aussi contraire à la Constitution. Dans ces conditions, il lui demande de lui faire part de sa position sur ce point, et dans l'hypothèse où les dispositions de l'article L. 7 du code électoral lui sembleraient bien contraires à la Constitution, de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre pour que les dispositions du code électoral, quand bien même auraient-elles été adoptées postérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, respectent la Constitution et plus encore l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux porte à la connaissance de l'honorable parlementaire qu'il ne lui paraît pas résulter de manière incontestable que la décision n° 99-410 du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie aurait pour portée générale de rendre inconstitutionnel l'article L. 7 du code électoral. Il apparaît, en effet, que dans cette décision le Conseil constitutionnel ne s'est expressément prononcé que sur l'inconstitutionnalité de l'article 194 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises. Cette haute instance a ainsi jugé que l'article 194 précité, en ce qu'il instituait une incapacité à une fonction publique élective, d'une durée au moins égale à cinq ans, applicable de plein droit à toute personne physique à l'égard de laquelle ont été prononcées la faillite personnelle, l'interdiction de diriger ou d'administrer une entreprise commerciale, artisanale ou agricole, ou la liquidation judiciaire, était contraire au principe de nécessité des peines, inscrit à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il apparaît, dès lors, que l'autorité de la chose jugée de la décision du 15 mars 1999 du Conseil constitutionnel s'attache à ce seul point. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 7 du code électoral peuvent ne pas être considérées comme manifestement disproportionnées au regard du principe de nécessité des peines, compte tenu du lien existant entre l'interdiction édictée et les infractions énumérées par ce texte. En effet, la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, dont est issu l'article L. 7 du code électoral, a entendu priver de leur éligibilité pendant un délai de cinq ans, non pas les personnes concernées par des incapacités ou décisions commerciales mais celles définitivement condamnées du chef d'infractions limitativement énumérées, qui, regroupées dans une section du code pénal intitulée « les atteintes à la probité » et concernant des personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public, comptent parmi les plus graves dans le domaine économique et financier : la concussion (art. 432-10) ; la corruption (art. 432-11) ; la prise illégale d'intérêts (art. 432-12 et 432-13) ; les atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public (art. 432-14) ; la soustraction et le détournement de biens par un dépositaire de l'autorité publique (art. 432-15 et 432-16). Dès lors, il ne saurait résulter automatiquement des termes de la décision du Conseil constitutionnel précitée que les dispositions de l'article L. 7 du code électoral puissent être considérées comme anticonstitutionnelles. Si tel apparaissait pourtant le cas, compte tenu de la nature du contrôle de constitutionnalité a priori, seule une intervention du législateur aux fins d'abroger l'article L. 7 serait de nature à remédier à cette situation.
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