FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 54328  de  M.   Nicolin Yves ( Démocratie libérale et indépendants - Loire ) QE
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  27/11/2000  page :  6669
Réponse publiée au JO le :  14/01/2002  page :  165
Rubrique :  énergie et carburants
Tête d'analyse :  biocarburants
Analyse :  perspectives
Texte de la QUESTION : M. Yves Nicolin appelle l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les perspectives de développement en France et en Europe des productions non alimentaires, et notamment des biocarburants. En raison de l'augmentation des prix du pétrole, la capacité de production des biocarburants en Allemagne va augmenter pour passer de 250 000 tonnes en 2000 à 500 000 tonnes en 2002. Cette évolution et les relations actuelles assez favorables de prix entre les oléagineux alimentaires et non alimentaires pourraient entraîner un développement de la production d'oléagineux non alimentaires. Il conviendrait donc que le Gouvernement français demande à la Commission européenne d'obtenir des Américains l'abolition de la limite de 1 million de tonnes d'équivalent-soja pour la production non alimentaire européenne sur jachère obligatoire. La justification légale du maintien de cette limite est sujette à caution, alors que toutes les autres contraintes de l'accord de Blair House ne sont plus d'application. Il lui demande également quelles sont les intentions du Gouvernement pour simplifier des formalités liées à la production non alimentaire, plus particulièrement la suppression de l'indication des rendements moyens qui découragent de nombreux agriculteurs à s'engager dans ce type de production. Par ailleurs, la Commission européenne vient d'indiquer qu'elle n'introduirait pas d'appel contre l'arrêt rendu le 27 septembre par le tribunal de première instance de la Cour européenne de justice (TPICE) qui réduisait les aides d'Etat françaises au secteur des biocarburants (affaire T-184/97). Or, il lui rappelle que c'est la Commission européenne elle-même qui avait pourtant autorisé le Gouvernement français à accorder un régime d'aides aux biocarburants consistant à exonérer de droits d'accises les esters d'huile de colza et de tournesol utilisés en substitution du fioul domestique et du gazole et l'alcool éthylique élaboré à partir de céréales, de topinambours, de pommes de tere ou de betteraves et incorporé aux supercarburants et aux essences (bioéthanol). Les instances de l'Union européenne donnent donc raison à la firme BP Chemicals, principal producteur européen d'éthanol synthétique, produit concurrent du bioéthanol, qui faisait valoir que l'exonération de droits équivalait à une aide d'Etat. Il lui demande si le Gouvernement français a renoncé lui aussi, au nom d'une conception absolue et orthodoxe de la libre concurrence, à donner son appui aux énergies renouvelables ou alternatives.
Texte de la REPONSE : Le ministre de l'aménagement de territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative aux productions non alimentaires, et notamment aux biocarburants. Il y est évoqué un certain nombre de points relatifs aux perspectives de développement des biocarburants. En la matière, la France se place au premier rang européen avec une production annuelle de 91 000 tonnes d'éthanol et de 246 000 tonnes d'ester méthylique d'huile végétale (EMHV ou « Biodiesel »). Ainsi, 350 000 hectares ont été utilisés en France en 1999 à des fins non alimentaires et ont bénéficié d'un soutien public de plus d'un milliard de francs au seul titre de la défiscalisation (exonération partielle de TIPP). L'éthanol, produit à partir de betteraves ou de céréales, sert à fabriquer de l'ETBE (éthyl-tertio-butyl-ether), incorporé à hauteur de 15 % dans l'essence, et les esters (EMHV), obtenus à partir de colza ou de tournesol, sont incorporés à hauteur de 5 % dans le gazole. La Communauté européenne a, afin de réguler les marchés de certaines céréales, introduit des paiements compensatoires en échange d'un gel des terres. En alternative à la contrainte de gel des terres, la réforme a autorisé les agriculteurs à utiliser les terres gelées pour cultiver des plantes « non alimentaires ». L'accord de Blair House, conclu entre les Etats-Unis et l'Union européenne en décembre 1992 dans le cadre du GATT, puis inclus dans l'Acte final de Marrakech, a, en échange du maintien d'un régime spécifique d'aide aux oléagineux, imposé un plafonnement de la production. Néanmoins, la jachère a fortement favorisé le développement de la production des biocarburants. En effet, selon les dernières informations disponibles, la superficie totale, dans l'Union européenne, des terres gelées et utilisées pour la production de cultures industrielles s'élève à 474 000 hectares en 1998-1999 (dont 397 000 hectares ont été affectés à la production d'oléagineux, c'est-à-dire du colza et du tournesol, dont environ 60 % de cette production sont utilisés pour la fabrication du biodiesel et 40 % pour les lubrifiants et l'oléchimie), contre 451 000 hectares pour la campagne 1997-1998. Enfin, s'agissant de l'affaire BP Chemicals contre la Commission des Communautés européennes, le tribunal de première instance de la Cour européenne de justice a rendu son arrêt le 27 septembre 2000, privant la filière ETBE (éthanol) de base juridique. Cet arrêt a ainsi annulé la décision de la Commission d'avril 1997, sous le motif que le fondement juridique de la dérogation fiscale, à savoir le paragraphe 8-2 alinéa d de la directive 92/81/CEE relative aux droits d'accises sur les huiles minérales, n'était pas pertinent, la filière française de production d'ETBE ayant dépassé la stade pilote. La filière esters, quant à elle, bien que disposant toujours d'une base juridique, est nécessairement fragilisée. Pour remédier à cette situation, la France a déposé le 17 novembre 2000 une demande de dérogation au titre de l'article 8-4 de la directive 92/81/CEE pour les deux filières, article qui prévoit que « le conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la commission, peut autoriser un Etat membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politiques spécifiques ». Les autorités italiennes et britanniques ont par ailleurs fait part à la Commission européenne de leur demande de dérogation pour appliquer, elles aussi, des réductions d'accises en faveur des biocarburants. Confrontée à la perspective de voir se multiplier les demandes individuelles de ce type, la Commission a, en juin dernier, communiqué deux propositions de directives visant, d'une part, à définir un nouveau cadre de taxation applicable aux biocarburants, et, d'autre part, à fixer de manière réglementaire la part minimale de biocarburants dans les carburants vendus à partir de 2005. Néanmoins, il convient de rappeler que le bilan économique et environnementale des biocarburants reste contrasté. L'impact des biocarburants sur l'environnement fait l'objet de nombreux débats car les effets sont multiples, complexes et souvent de sens opposés, et il n'existe pas d'unité commune permettant de les comparer. C'est ainsi qu'à des gains en matière d'effet de serre et d'émissions d'hydrocarbures imbrûlés, se juxtaposeraient des effets plutôt négatifs en matière d'émissions d'oxydes d'azote et de composés organiques tels que les aldéhydes. Quant à l'impact écologique des cultures dévolues aux biocarburants, il convient de ne pas négliger les pollutions des sols par les phytosanitaires et engrais azotés. Enfin, d'un point de vue purement économique, les coûts de production des biocarburants sont nettement plus élevés que ceux des carburants fossiles concurrents (2 à 4 fois) ; leur compétitivité dépend donc d'exonérations partielles de la TIPP. A titre de comparaison, la TIPP applicable depuis mars 2001 est de 374,52 francs (soit 57,10 euros) par hectolitre pour l'essence sans plomb, et 245,01 francs (soit 37,35 euros) par hectolitre pour le gazole, contre 45,02 francs (soit 6,86 euros) par hectolitre pour l'éthanol et 15,01 francs (soit 2,29 euros) par hectolitre pour les esters.
DL 11 REP_PUB Rhône-Alpes O