FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 54  de  Mme   Bricq Nicole ( Socialiste - Seine-et-Marne ) QOSD
Ministère interrogé :  santé
Ministère attributaire :  santé
Question publiée au JO le :  26/11/1997  page :  6288
Réponse publiée au JO le :  03/12/1997  page :  6727
Rubrique :  établissements de santé
Tête d'analyse :  centres hospitaliers
Analyse :  faisant fonction d'internes. rémunérations
Texte de la QUESTION : Mme Nicole Bricq souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des « faisant fonction d'interne », appelés couramment les FFI. Ces derniers, dans de nombreux hôpitaux de la région parisienne et à Meaux en particulier, ont eu recours à la grève pour protester contre leurs conditions de rémunération. En effet, un arrêté ministériel du 3 mars dernier, et publié seulement au mois de juin, a supprimé une indemnité, et, en conséquence, leur rémunération a chuté de 2 000 francs. Les FFI, qui ont fait leur choix semestriel le 1er novembre dernier, n'ont pas été informés de ces nouvelles dispositions au préalable mais seulement une fois leurs fonctions prises. En outre, un arrêté du 3 octobre dernier a fixé le montant des gardes des FFI à 379 francs alors que celles des résidents sont payées 461 francs. Une délégation représentant les FFI a été reçue au secrétariat d'Etat à la santé jeudi 27 novembre. Elle souhaiterait connaître le contenu des négociations et les solutions en vue ainsi que ses intentions en ce qui concerne les FFI et leur avenir dans le cadre global de la réforme hospitalière.
Texte de la REPONSE : M. le président. Mme Nicole Bricq a présenté une question n° 54, ainsi rédigée:
«Mme Nicole Bricq souhaite attirer l'attention de M. Le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des «faisant fonction d'interne», appelés couramment les FFI. Ces derniers, dans de nombreux hôpitaux de la région parisienne et à Meaux en particulier, ont eu recours à la grève pour protester contre leurs conditions de rémunération. En effet, un arrêté ministériel du 3 mars dernier et publié seulement au mois de juin a supprimé une indemnité et, en conséquence, leur rémunération a chuté de 2 000 francs. Les FFI, qui ont fait leur choix semestriel le 1er novembre dernier, n'ont pas été informés de ces nouvelles dispositions au préalable, mais seulement une fois leurs fonctions prises. En outre, un arrêté du 3 octobre dernier a fixé le montant des gardes des FFI à 379 francs alors que celles des résidents sont payées 461 francs. Une délégation représentant les FFI a été reçue au secrétariat d'Etat à la santé jeudi 27 novembre. Elle souhaiterait connaître le contenu des négociations et les solutions en vue ainsi que ses intentions en ce qui concerne les FFI et leur avenir dans le cadre global de la réforme hospitalière.»
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour exposer sa question.
Mme Nicole Bricq. Ma question se situe dans la continuité de celle de M. Bacquet puisque j'ai souhaité interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des «faisant fonction d'interne». Rien que cette appellation en dit long sur le statut de cette catégorie méconnue de médecins, appelés couramment les «FFI».
Leur situation est spécifique à l'Ile-de-France.
La semaine passée, ils ont lancé, ce qui n'est pas commun, un mouvement de grève, en particulier à l'hôpital de Meaux, le deuxième en importance de la région, pour protester contre leurs conditions de rémunération et le montant des gardes.
Un arrêté ministériel de mars dernier, qui n'a été publié qu'après les élections législatives, au moins de juin, n'avait pas été porté à la connaissance des «FFI» au moment où ils ont signé leur engagement semestriel, au mois de novembre.
Ils ont eu la mauvaise surprise de constater que leur rémunération, du fait de la suppression d'une indemnité, avait chuté de 2 000 francs - chiffre à rapporter au montant de leur rémunération, qui est de l'ordre de 7 000 francs. Leur indignation a été d'autant plus grande qu'ils n'avaient pas été informés au préalable de cette brusque modification.
Quant au montant de leurs gardes, il a été fixé à 379 francs, alors que celles des résidents sont payées 461 francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais que vous avez été sensible à leurs revendications. Votre cabinet a reçu une délégation des grévistes le jeudi 27 novembre. A la suite de cette entrevue, ils ont suspendu leur mouvement.
Je souhaiterais connaître le contenu des négociations et les solutions à court terme qui leur ont été proposées.
Dans votre réponse précédente, vous avez évoqué, à propos des différents statuts, le système des «poupées russes». J'aimerais savoir comment vous envisagez de régler le problème à long terme, dans le cadre global de la réforme hospitalière.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Vous avez tout à fait raison, madame la députée, la grève dans les hôpitaux de la région parisienne - à Meaux, à Pontoise, notamment - est suspendue, mais le problème demeure.
Permettez-moi de vous rappeler que sous l'appellation de «faisant fonction d'interne» sont regroupées des catégories différentes de médecins étrangers: d'une part, des étudiants étrangers venus en France pour effectuer une spécialisation à laquelle ils n'ont pas accès dans leur pays et qui s'engagent normalement à retourner dans leur pays d'origine; d'autre part, des médecins titulaires d'un diplôme étranger obtenu en dehors de l'Union européenne, installés depuis longtemps en France et qui exerçent durablement dans des établissements hospitaliers. L'ensemble de ces «faisant fonction d'interne» représente environ 5 000 personnes, dont un bon millier dans la région Ile-de-France. Ils sont indispensables au fonctionnement de nos hôpitaux. On l'a vu récemment à Pontoise en particulier où, sans eux, le service de chirurgie s'est arrêté.
Le mouvement de grève déclenché le 13 novembre a concerné quelques hôpitaux de la petite et de la grande couronne parisienne, dont ceux de Meaux - vous l'avez dit -, Argenteuil, Gonesse, Corbeil, Pontoise, etc. Il s'agit d'hôpitaux dont certains services, où la pénibilité est grande du fait d'une activité de garde importante, fonctionnent quasi exclusivement avec des «faisant fonction d'interne»: urgences, chirurgie, obstétrique.
Tel est, mesdames, messieurs les députés, l'état de notre système de soins, système dont nous sommes relativement fiers, assez légitimement d'ailleurs. Voilà sur quoi il repose !
Ce mouvement de grève avait pour but de protester contre les décisions des directeurs d'hôpitaux d'appliquer la réglementation à partir du 1er novembre. Effectivement, depuis de nombreuses années, ces hôpitaux pratiquent une politique d'attractivité vis-à-vis de ces médecins étrangers en leur attribuant une rémunération supérieure à la réglementation officielle. Après une première grève, en décembre 1996, leur rémunération avait été fixée à 7 500 francs brut mensuel, comprenant un salaire de base faible et une indemnité qui avait été nettement réévaluée en 1996 pour être alignée sur celle des internes, soit environ 2 000 francs par mois.
Le rappel brutal de la réglementation sans information préalable des intéressés - vous avez raison de le souligner, madame la députée - a effectivement créé pour certains faisant fonction d'interne d'Ile-de-France une diminution de salaire de 2 000 francs par rapport au semestre précédent, diminution que les intéressés ont découverte après leur prise de fonctions. Nous avons donc décidé avec Mme Martine Aubry une mesure suspensive provisoire pour les six mois qui viennent. Depuis le 28 novembre la grève est interrompue et le montant des salaires est redevenu celui qu'il était avant.
Mais au-delà de cette résolution ponctuelle de la grève, plusieurs questions méritent d'être soulevées. Est-il normal que les étudiants étrangers venus se former en France soient utilisés pour combler des manques dans les hôpitaux où les internes français ne vont pas ? J'entends mener une réflexion globale sur cette question avec les ministères concernés, c'est-à-dire ceux de l'éducation nationale et des affaires étrangères.
Est-il normal que certains hôpitaux, qui ne sont pas situés dans des zones à faible démographie médicale ou à peu d'attractivité, accueillent jusqu'à vingt-cinq «faisant fonction d'interne», voire plus, concentrés sur des services tels que les urgences, la chirurgie et l'obstétrique ? J'entends également favoriser des solutions différentes dans le futur. Si nous continuons comme cela - je l'ai dit tout à l'heure à propos des praticiens hospitaliers, je le dis à propos des «faisant fonction d'interne» - nous n'aurons plus de chirurgie et d'accueil des urgences dans les hôpitaux moyens.
M. Jean-Paul Bacquet. Exactement !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. En effet, les hôpitaux que j'ai cités, dont le vôtre, madame la députée, ne sont pas des petits hôpitaux ! Et ce sont des hôpitaux solides.
M. Jean-Paul Bacquet. Tout à fait !
M. le secrétaire d'Etat à la santé. Voilà comment fonctionne notre système !
Enfin, est-il normal que l'hétérogénéité des rémunérations actuellement constatée demeure ?
J'ai demandé qu'une enquête exhaustive soit menée dans les meilleurs délais et qu'une plus grande transparence soit assurée sur les pratiques des hôpitaux où les choses se font un peu de gré à gré, puisqu'il faut bien que les malades soient pris en charge.
Je vous rappelle également que je souhaite favoriser une intégration progressive pour les médecins étrangers présents sur notre territoire. J'estime en effet que le statut des «faisant fonction d'interne» ne doit pas perdurer. Des modifications législatives pourraient être nécessaires, comme je l'ai dit à M. Bacquet tout à l'heure, pour que les conditions d'exercice de ces praticiens retrouvent une cohérence et qu'elles soient conformes aux intérêts de nos hôpitaux comme à la dignité de ces médecins. Car à la dignité qu'ils réclamaient, il n'a été répondu que par le mépris. Ils ont travaillé et ont découvert ensuite que leur salaire avait été réduit de 2 000 francs. Alors ils se sont arrêtés et nous avons constaté que, sans eux, nos hôpitaux ne fonctionnaient plus. Cette situation assez grotesque est dommageable pour la santé publique et nous entendons y mettre bon ordre.
Je vous remercie de m'avoir posé cette question, madame la députée. Il faut que la réforme de l'internat, qui est en cours, en tout cas dans nos esprits, permette aux étudiants français d'occuper ces postes dans les disciplines où l'on en a besoin, tout particulièrement les urgences et la chirurgie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Je n'ai rien à ajouter. Je sais bien qu'il s'agit d'un problème complexe dont le règlement sera sans doute long. Aussi je me félicite que le Gouvernement s'y intéresse. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la manière très cordiale et soutenue adoptée par votre cabinet pour suivre ce mouvement de grève et trouver une solution, même si celle-ci est à court terme.
SOC 11 REP_PUB Ile-de-France O