FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 556  de  M.   Liberti François ( Communiste - Hérault ) QOSD
Ministère interrogé :  éducation nationale, recherche et technologie
Ministère attributaire :  éducation nationale, recherche et technologie
Question publiée au JO le :  18/01/1999  page :  233
Réponse publiée au JO le :  20/01/1999  page :  8
Rubrique :  recherche
Tête d'analyse :  IFREMER
Analyse :  équipements. renouvellement
Texte de la QUESTION : M. François Liberti attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la nécessité d'assurer la pérennité et le développement de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) qui, dans le domaine maritime, doit demeurer le pôle de compétence reconnu par les professionnels. Le plan de renouvellement de la flotte élaboré par IFREMER prévoyait la mise à disposition de la communauté scientifique d'un nouveau navire apte à mettre en oeuvre les engins submersibles français, le Nautile et le Rov Victor 6000 dès l'an 2000. Or, à ce jour l'IFREMER n'a toujours pas eu l'autorisation de lancer la construction de celui-ci. Il est urgent de financer cette construction pour que les deux engins submersibles français reconnus comme très performants au niveau international puissent être mis en oeuvre. Il lui demande donc quelles sont ses intentions à ce sujet. L'IFREMER doit rester le seul référent pour le monde maritime français. Or, ces derniers temps, un certain nombre de faits, comme les incertitudes concernant le renouvellement de la flotte, la séparation de l'IFREMER en deux sous-ensemble distincts, la remise en cause des protocoles scientifiques de surveillance du milieu observé par l'IFREMER au profit du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA), risquent de fragiliser le rôle que l'IFREMER est appelé à jouer.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. François Liberti a présenté une question, n° 556, ainsi rédigée:
«M. François Liberti attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la nécessité d'assurer la pérennité et le développement de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) qui, dans le domaine maritime, doit demeurer le pôle de compétence reconnu par les professionnels. Le plan de renouvellement de la flotte élaboré par IFREMER prévoyait la mise à disposition de la communauté scientifique d'un nouveau navire apte à mettre en oeuvre les engins submersibles français, le Nautile et le Rov Victor 6000 dès l'an 2000. Or à ce jour, l'IFREMER n'a toujours pas eu l'autorisation de lancer la construction de celui-ci. Il est urgent de financer cette construction pour que les deux engins submersibles français reconnus comme très performants au niveau international puissent être mis en oeuvre. Il lui demande donc quelles sont ses intentions à ce sujet. L'IFREMER doit rester le seul référent pour le monde maritime français. Or, ces derniers temps, un certain nombre de faits, comme les incertitudes concernant le renouvellement de la flotte, la séparation de l'IFREMER en deux sous-ensemble distincts, la remise en cause des protocoles scientifiques de surveillance du milieu observé par l'IFREMER au profit du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA), risquent de fragiliser le rôle que l'IFREMER est appelé à jouer.»
La parole est à M. François Liberti, pour exposer sa question.
M. François Liberti. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, la France s'est dotée depuis le début des années 60 d'une flotte océanographique qui lui permet de figurer au petit nombre des pays reconnus internationalement pour leur haute compétence dans l'étude du milieu marin.
La France a su maintenir ce haut niveau de compétence, en particulier par le développement de moyens d'intervention sous-marins, qui sont uniques en Europe et parmi les plus performants au monde.
La flotte océnaographique hauturière utilisée actuellement par l'ensemble de la communauté océanographique française est principalement gérée par l'IFREMER.
Le premier navire de la recherche océanographique française, la Thalassa, a été acquis en 1960 pour le compte de l'Institut de recherche halieutique, le deuxième, le Jean-Charcot, en 1964 pour le COMEXO et le troisième, la même année, pour l'ORSTOM, le Coriolis.
En 1998, l'IFREMER gérait huit navires hauturiers: Thalassa, Coriolis, Charcot, Cryos, Capricorne, Cloront, Suroît, Nadir. En 1998, il n'en restait plus que quatre, la nouvelle Thalassa, le Suroît, l'Atalante et le Nadir.
Outre ces navires, l'IFREMER gère aussi deux sous-marins habités: la Cyana et le Nautile. Cet institut vient de développer un nouvel engin télé-opéré par câble, le robot Victor, qui peut travailler en continu pendant plusieurs jours jusqu'à 6 000 mètres de profondeur.
Le Nadir, qui est actuellement le principal navire porteur des submersibles habités mais aussi des équipements de sismique, doit être désarmé dans le courant de l'année 2000. Cette sortie programmée réduira à trois unités la flotte océanographique hauturière française gérée par l'IFREMER.
Le plan de renouvellement de la flotte, élaboré en 1994 par l'IFREMER et approuvé par son comité scientifique, prévoyait le remplacement du Nadir par un nouveau navire bien adapté pour ce qui concerne la motorisation, le positionnement et le nombre de places à bord, afin de mettre en oeuvre des engins submersibles habités ou non.
Ce plan a été définitivement approuvé, en septembre 1997, par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, qui a expressément reconnu qu'il était indispensable de construire un nouveau navire porteur d'engins submersibles. Or à ce jour, aucune décision allant dans ce sens n'a encore été prise.
Vous avez demandé, monsieur le ministre, que l'utilisation de la flotte océanographique française soit examinée par le Comité national d'évaluation de la recherche. Au début de 1998, celui-ci a fourni un rapport où il met clairement en évidence l'importance pour la France de posséder une capacité de recherche sur l'ensemble des océans et où il précise que les engins de pénétration sous-marine constituent l'un des points forts de la flotte de recherche française. Mais n'y a-t-il pas quelques contradictions dès lors que le Comité national d'évaluation de la recherche conclut à une remise en question du remplacement du Nadir ?
Vous avez été informé, en 1998, au conseil d'administration de l'IFREMER, de l'inquiétude des professionnels quant au non-renouvellement de la flotte, inquiétude tant vis-à-vis de la communauté scientifique que des emplois à la mer. Votre réponse en date du 21 août 1998 mérite d'être relevée puisque vous y affirmez qu'aucune décision n'est prise à ce jour, que des hypothèses de travail sont à l'étude, notamment des collaborations avec le ministère de la défense, et qu'enfin le bon développement des recherches océanographiques de la France est une de vos préoccupations constantes. Nous partageons cette préoccupation avec vous, monsieur le ministre.
Mais alors, pourquoi n'avez-vous pas autorisé l'IFREMER à capitaliser des autorisations de paiement pour la construction du nouveau navire support, comme le faisait cet institut les années précédentes, selon les directives des ministères du budget et de la recherche ? Comment expliquer aussi la diminution du budget d'investissement de cet organisme ? Cela correspond-il à une décision de ne pas construire le navire support d'engins sous-marins prévu dans le plan de renouvellement de la flotte ?
Les discussions sont en cours avec le ministère de la défense pour étudier la faisabilité de construire un navire en coopération avec le service hydrographique de la marine. Quelle est votre position sur cette hypothèse ? Le ministère de la recherche a-t-il procédé à l'évaluation des besoins des deux communautés en termes de disponibilité et de compatibilité ? Comment comptez-vous mettre en oeuvre les engins d'intervention sous-marins français dans les années à venir et faire en sorte que la France continue à assurer les missions qui sont les siennes ?
Si un nouveau navire support, en remplacement du Nadir, n'est pas construit, les engins sous-marins le Nautile, la Cyana, le robot Victor, seront en sous-utilisation. Les personnels spécialisés risquent de perdre de leur compétence et leur savoir-faire. Le nombre de jours de campagne à des fins de recherche sera réduit de manière significative et cela pourra conduire à des pertes d'emploi de marins embarqués et de techniciens à l'IFREMER, notamment à GENAVIR, sa filiale d'armement qui opère les navires et les engins. Pour 1999, aucune des campagnes demandées par la communauté scientifique avec le robot Victor n'a pu être programmée par manque de navire disponible.
Dans cette affaire, il y va du maintien des emplois liés aux activités marines dans notre pays. Il y va aussi du maintien du statut, du rang et du renom de l'océanographie française à laquelle il faut conserver une identité forte par les moyens qui la constituent. Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je voulais poser sur ce dossier qui mérite, notamment pour la période à venir, des réponses urgentes et concrètes.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le député, vous attirez mon attention sur l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. Cet institut est, avec l'Institut des sciences de l'univers - INSU-CNRS - un élément essentiel du dispositif français de recherche en sciences marines.
L'IFREMER assure des missions diversifiées: appui à la puissance publique, soutien aux professionnels du domaine de l'aquaculture, agence de moyens pour l'océanographie, développement de la recherche dans son champ de compétences. Ces missions, notamment pour ce qui concerne le service public et le soutien aux professionnels, doivent être préservées tout en assurant une optimisation d'ensemble du système de recherche français.
S'agissant de la flotte, une réflexion est menée sur la base du rapport commandé par mon prédécesseur, aujourd'hui président de séance, au Comité national d'évaluation de la recherche. Il est indispensable de résoudre ce problème des navires car on ne fait pas d'océanographie, ou moins bien, si l'on ne va pas en mer, mais c'est un problème difficile car ces navires coûtent cher à l'achat, mais plus encore en maintenance. En tant que maire d'une ville maritime, vous connaissez ce problème de la flotte océanographique qui se pose non seulement à la France, mais à tous les pays du monde. Il nous importe d'optimiser la flotte hauturière de recherche française. En effet, l'IFREMER possède des bateaux ainsi que les Terres Australes et Antarctiques françaises et le SHOM - service hydrographique et océanographique de la marine.
Par ailleurs, nous avons entrepris une discussion à l'échelle européenne. Une réunion s'est tenue à Lisbonne, il y a quelques semaines, sur l'harmonisation européenne de l'utilisation des navires océanographiques afin d'optimiser la recherche. Sur le plan pratique, l'idée est la suivante. Quand un bateau se rend dans l'océan Indien, par exemple, plutôt que lui faire faire à la fois de l'océanographie chimique, physique, biologique et géologique, ce qui n'est pas très bon sur le plan du rendement, l'idée est de veiller à la présence de Français, d'Anglais, d'Allemands sur le même navire et de spécialiser les campagnes. Un travail important est donc fait, mais je suis obligé de vous dire que, pour l'instant, nous ne sommes pas en mesure de trancher cette question de la construction d'un nouveau bateau, qui est incontestablement nécessaire. Une solution associant les secteurs militaire et civil présenterait l'avantage non seulement de limiter les dépenses, mais surtout d'optimiser le temps en mer. En effet, depuis des années le nombre de bateaux a augmenté, mais leur temps de présence en mer en campagne hauturière a diminué, faute de crédits suffisants.
Nous sommes là devant un problème très difficile, mais la recherche océanographique est une priorité pour nous. En effet, l'océan sera un objectif important dans le futur car il faudra préserver la potentialité de la pêche en développant des recherches plus performantes et en instaurant une réglementation empêchant certains pays de procéder à de véritables massacres. De plus, les océans recèlent des réserves de méthane sous forme de clatrates qui nécessitent un travail de prospection. Enfin, les climats étant régulés par l'océan, il importe de mieux connaître celui-ci.
Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous faire une déclaration sur les bateaux, mais je tiens à vous assurer que nous sommes extrêmement conscients de ce problème. Nous sommes aussi extrêmement soucieux de préserver à la France son potentiel de recherches océanographiques et même, je le dis clairement, de l'accroître, notamment en optimisant ses expéditions scientifiques et en les dispersant beaucoup moins que cela a pu être fait à telle ou telle époque.
M. le président. La parole est à M. François Liberti.
M. François Liberti. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu sur deux points notamment. D'abord, vous n'êtes pas en mesure de donner une réponse définitive, donc la question n'est pas tranchée. Ensuite, le besoin d'un navire de remplacement, qui est absolument nécessaire, n'est pas remis en cause. Reste à trouver la manière d'y répondre. Il est néanmoins urgent de fixer un calendrier, car on ne peut rester ainsi dans l'incertitude. Tant les personnels embarqués que les personnels scientifiques nous ont en effet indiqué avec beaucoup de force que, pour la campagne 1999 en tout cas, le robot Victor ne pourrait être utilisé, faute de navire adapté disponible. Je souhaite donc vivement qu'un calendrier soit précisé pour la réflexion et les décisions afin que l'on puisse définir clairement les perspectives en la matière.
COM 11 REP_PUB Languedoc-Roussillon O