Texte de la QUESTION :
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M. Rudy Salles attire l'attention de M. le Premier ministre sur le problème relatif au devoir de mémoire sur la guerre d'Algérie, soulevé par la communauté harkie. En effet, une reconnaissance particulière de la nation est due aux harkis, ces oubliés de l'histoire, qui connurent en 1962 l'abandon et le massacre de 150 000 d'entre eux, et pour les quelques milliers de rescapés, l'accueil humiliant et l'enfermement dans des camps. Or, répondant à un appel publié dans un journal, il n'a été question que d'une condamnation de la « torture pratiquée par une armée de la République » et des incidents survenus lors de la manifestation pro FLN du 17 octobre 1961 ; sans un mot en revanche pour rappeler les autres victimes de cette guerre, des Européens et des musulmans fidèles à la France, et en particulier le massacre ou la disparition de 150 000 harkis et de plus de 10 000 pieds noirs après le 19 mars 1962, date officielle du cessez-le-feu, tragédie dans laquelle l'Etat français, par sa passivité, porteune lourde responsabilité. Déjà en juin dernier, après les propos injurieux et déplacés du président Bouteflika à l'égard des harkis qu'il avait traité de « collabos » lors de sa visite officielle en France, le silence et l'absence de réaction officielle du gouvernement français ont indigné la communauté harkie. Avec eux, de nombreux Français ont été choqués par ce mutisme, cette marque d'indifférence voire de mépris pour ces combattants de la guerre d'Algérie. En conséquence, il lui demande de lui faire connaître la conception du Gouvernement sur le travail de vérité et de mémoire sur la guerre d'Algérie, et comment il entend rendre solennellement hommage aux harkis victimes de la barbarie de l'histoire et rappeler leur tragédie.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire attire l'attention de M. le Premier ministre sur la reconnaissance due aux harkis. Dernièrement, en réponse à une question d'actualité sur la guerre d'Algérie, celui-ci a évoqué ce qu'ont été les souffrances des harkis : « Tout cela s'est produit dans le cadre d'un conflit long et terrible. Il se situait dans un contexte où des crimes, et notamment des massacres, ont été commis en particulier contre les harkis. Je n'ai naturellement aucune difficulté à dire ma condamnation de ces massacres et à reconnaître que ce sont là aussi des faits historiques tragiques. » Tout récemment, dans son discours prononcé à l'ONAC le 26 avril 2001, le Premier ministre a rappelé cet impératif de reconnaissance due à la communauté harkie. Les pouvoirs publics perçoivent l'attente légitime des harkis qui font valoir que le choix de la France qu'ils ont fait alors les a conduits à supporter des sacrifices individuels et familiaux. Déjà, l'assimilation des auxiliaires de l'armée française aux autres militaires depuis la loi du 9 décembre 1974 a permis leur intégration dans la politique de réparation concernant les anciens combattants d'Afrique du Nord. Le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants a, plus précisément depuis 1998, proposé et mis en oeuvre plusieurs mesures destinées à améliorer l'attention particulière dans la reconnaissance que la Nation doit à ceux qui l'ont servi sous les armes en Afrique du Nord et notamment en ce qui concerne le devoir de mémoire. Il a ainsi souhaité favoriser l'accès aux emplois réservés et poursuivre l'ouverture des écoles de rééducation professionnelle de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre aux enfants de harkis, mais il a en outre précisément décidé de mettre en oeuvre une politique de mémoire volontariste spécifique. Plusieurs actions ont été novatrices : régularisation de l'état civil des harkis tombés en Algérie entre 1954 et 1962 ; intégration des associations représentatives du monde des harkis dans les cérémonies : elles se joignent désormais aux principales associations d'anciens combattants lors de la commémoration de l'armistice de 1918. C'est ainsi que le 11 Novembre, un harki accompagné de deux enfants d'origine nord-africaine, a déposé une gerbe sur la tombe du soldat inconnu ; attribution de décorations à des anciens combattants harkis particulièrement valeureux : au titre de la promotion spéciale des anciens combattants en Afrique du Nord, deux harkis ont été distingués en 1997, deux l'ont été en 1998 et un en 1999 sur le contingent normal du secrétaire d'Etat ; soutien à des initiatives culturelles : publication de l'ouvrage Les Harkis, une mémoire enfouie par les éditions Autrement qui a bénéficié d'une subvention et a été présenté aux associations par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants le 18 février 1999 : colloque organisé par le Comité national pour les musulmans français consacré aux « harkis et la communauté nationale » et organisé au Sénat le 22 octobre 1999. Il est apparu manifeste que la prise en compte dans la mémoire nationale des membres de la communauté harkie ayant servi dans l'armée française nécessitait la création de lieux de commémoration spécifiques sur le territoire national et notamment l'apposition de plaques commémoratives, d'une part, sur les monuments aux morts rapatriés d'Algérie et installés dans les communes françaises, d'autre part, sur les lieux symboles de la présence de la communauté harkie.Le Haut conseil de la mémoire combattante du 6 février dernier a d'ailleurs pris en compte ces propositions et précisé que l'inauguration de ces plaques aurait lieu lors d'une journée d'hommage national consacrée aux harkis, en même temps qu'une importante remise de décorations. La date de cette journée a été fixée au 25 septembre 2001.La ministre de l'emploi et de la solidarité a annoncé le 6 février dernier à l'Assemblée nationale qu'elle s'attacherait à accélérer le processus qui doit aboutir à la création d'un Institut de la France d'outre-mer qui sera un lieu de mémoire très important tant pour les harkis que pour les rapatriés car il permettra à la communauté nationale de reconnaître ce qu'ils ont apporté à la France.Enfin, un mémorial national d'Afrique du Nord sera érigé à la mémoire de la totalité des soldats français ayant combattu pendant le conflit, sur lequel seront inscrits tous les noms des auxiliaires de l'armée française « morts pour la France », mémorial dont l'implantation sera réalisée quai Branly à Paris et dont l'inauguration est prévue en 2002.
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